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Adieu, le rêve d’un football ouvert à tous ?

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François Morinière - publié le 25/12/23
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Administrateur de la Ligue de football professionnel, notre chroniqueur François Morinière critique les projets de l’UEFA visant à privilégier les clubs aux moyens faramineux, aux dépens d’un football ouvert à tous.

C’est un petit tremblement de terre qui a secoué jeudi 21 décembre le monde du football européen. En effet la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt qui interdit à l’UEFA (Union européenne des associations de football) de donner une autorisation préalable à la création d’une SuperLeague de football entre les clubs, autrement dit un championnat privé organisé "sur invitation".

La fédération européenne viole en effet le droit de la concurrence qui s’applique au football et de manière générale au sport. Ce projet avait été lancé en 2021, à l’initiative de grands clubs européens, comme le Real Madrid, le FC Barcelone, la Juventus et plusieurs grands clubs anglais, mais face à la réaction des supporters anglais et aux actions juridiques de l’UEFA, ces clubs avaient fait provisoirement machine arrière. À noter que dans le camp des opposants à cette idée se trouvaient notamment le Bayern Munich et le Paris-Saint-Germain.

L’argent au centre du sujet

Il est à noter que la CJUE ne se prononce pas sur le fond qui mériterait d’être débattu, mais c’est tout de même un sérieux revers pour l’UEFA, et la porte ouverte aux travaux de construction de ce projet. Ce qui est au centre du sujet, c’est bien sûr et d’abord l’argent. Comme cela existe aujourd’hui avec l’Euroligue de basket depuis vingt ans, un championnat privé organisé en dehors des instances permet en théorie de capter une part supplémentaire des recettes générées, principalement en droits TV, et autres. C’est d’ailleurs cette jurisprudence du basket qui a créé un précédent dans cet arbitrage juridique. On notera aussi que l’UEFA, et derrière la FIFA, sont des monopoles basés en Suisse, comme beaucoup de fédérations internationales de sport, et qu’elles échappent ainsi à toutes les règles financières européennes et notamment fiscales. C’est donc assez cocasse qu’elles demandent "en même temps" l’aide de Bruxelles.  On ne peut pas penser que la CJUE n’ait pas eu cette idée en tête en rendant son arrêt…

Sur le fond, est-ce un bien ou un mal ? Les tenants "historiques" de l’histoire de la Coupe d’Europe des clubs sont vent debout. Mais de facto depuis vingt-six ans, seuls deux nouveaux clubs sont parvenus à intégrer le club des vainqueurs, Chelsea et Manchester City, ce qui démontrent deux choses : cette liste est donc bien "fermée", et les moyens faramineux investis par les propriétaires de ces deux clubs ne sont pas les meilleurs exemples de la "glorieuse incertitude du sport". Ces tentatives de déverrouiller la mainmise des fédérations sont nombreuses et parfois très performantes. Il a fallu par exemple toute l’habileté de Jean Todt pour faire coexister le championnat de Formule 1 et la Fédération internationale automobile (FIA). En cyclisme, les plus grandes compétitions échappent à l’UCI, à commencer par le Tour de France. 

Le rêve d’un football ouvert à tous

Une Superleague serait-elle meilleure ou moins bonne que la Ligue des champions actuelles ? À voir. La grande différence serait que plusieurs projets concurrents pourraient voir à terme le jour et faire baisser l’intérêt de la compétition. Est-ce que les règles d’éthique seraient plus en danger, dans un championnat "fermé" comme c’est le cas avec la NBA (championnat américain de basketball) ? C’est plutôt justement un exemple d’organisation très rodée avec des règlements extrêmement stricts.

C’est donc bien la captation de l’argent qui est au centre du débat, mais les clubs seraient bien inspirés d’être prudents dans leurs rêves. Les renouvellements en cours ou récemment actés des contrats de droits TV en Europe se font en effet plus difficilement. Les arbres ne montent pas au ciel, et tous ces projets bâtis sur des tableurs Excel de prévisions de revenus à quinze ans sont plus fragiles aujourd’hui. Les batailles juridiques ne font que commencer, mais on sent bien que le rêve d’un football ouvert à tous est devenu depuis longtemps une illusion perdue.

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