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Les faux “débats équilibrés” de la Convention citoyenne sur la fin de vie

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Henri de Soos - publié le 24/02/23
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Sans surprise, la Convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée pour la légalisation de l’euthanasie et du suicide assisté. Contrairement à l’affichage annoncé, les consultations et les débats étaient tout sauf équilibrés. Il reste aux membres de la Convention à travailler sur le nouveau dispositif d’"accompagnement" de la fin de vie en France : peu de chances qu’ils aient beaucoup de marge de manœuvre.

C’est lors de la dernière campagne présidentielle qu’Emmanuel Macron a annoncé vouloir organiser une Convention citoyenne sur la fin de vie. Sur le modèle de la Convention Climat de 2020, le Président voulait en faire un exercice exemplaire de démocratie : l’important était de nourrir un débat apaisé, transparent, équilibré, sur les enjeux éminemment complexes et difficiles de la fin de vie, sans préjuger de son résultat. Mais en décorant Line Renaud de la Légion d’honneur, le 2 septembre dernier, Emmanuel Macron promettait une loi "pour mourir dans la dignité" (slogan historique des partisans de l’euthanasie) dès 2023. Comment dès lors croire à un vrai débat démocratique, puisque tout semblait joué d’avance ? Cette Convention citoyenne a donc suscité la méfiance dès sa constitution en décembre 2022. Sans surprise, ce dimanche 19 février, ses membres se sont prononcés en majorité pour légaliser l’euthanasie et le suicide assisté en France

D’ici la fin de la Convention le 19 mars, il leur reste trois sessions pour réaliser "la phase d’harmonisation et de restitution des travaux". Le vote de principe étant acquis, il ne reste en réalité plus guère de marge de manœuvre pour que les opinions évoluent. Les organisateurs vont, à l’évidence, demander aux membres de formuler maintenant des conditions d’accès et des modalités de contrôle qui puissent être présentées comme "un encadrement strict du dispositif".

Un débat prétendument équilibré

Pourquoi la méfiance est-elle légitime ? Certes, les membres de la Convention ont débattu jusqu’à présent dans un respect mutuel qui a été largement valorisé. Mais tous les travaux ont bien été préparés et conduits de façon insidieuse pour atteindre l’objectif fixé d’avance, tout en gardant une apparence très professionnelle. Voici cinq faits précis qui illustrent le parti-pris des informations fournies aux participants, aussi partielles que partiales : 

1. Toute l’organisation du dispositif a été confiée au CESE (Conseil économique, social et environnemental), instance dirigée par des personnalités favorables à l’euthanasie. Son président, Thierry Beaudet, s’est fortement engagé dans ce sens, notamment dans une tribune du JDD largement médiatisée en 2020. S’appuyant sur une pétition lancée par des militants pro-euthanasie, le CESE s’est autosaisi de la question en 2018 et a publié un rapport controversé : il préconisait notamment une "sédation profonde explicitement létale", expression particulièrement ambiguë. Au sein du Comité de Gouvernance, spécialement constitué pour piloter l’ensemble des travaux de la Convention, peut-on croire que partisans et adversaires de l’euthanasie y soient en nombre équivalent ? 

2. Une bibliographie très fournie a été remise aux participants au démarrage des travaux. Celle-ci était présentée par les organisateurs comme "le socle documentaire le plus objectif et le plus neutre possible". En fait, elle recense de multiples ouvrages favorables à l’euthanasie, mais aucun des livres publiés début 2022 pour alerter sur ses dangers, comme par exemple : Erwan Le Morhedec, Fin de vie en République (Cerf) ; Damien Le Guay, Quand l’euthanasie sera là (Salvator) ; Henri de Soos, L’Impasse de l’euthanasie (Salvator) ; Dr Jean-Marie Gomas et Dr Pascale Favre, Fin de vie : peut-on choisir sa mort ? (Artège).

Pas de visite organisée dans un service de soins palliatifs

3. La SFAP (Société française d’accompagnement et de soins palliatifs) a proposé à plusieurs reprises que chaque membre de la Convention puisse faire une ou deux journées d’immersion dans un service de soins palliatifs. C’était une initiative de bon sens : comment prendre position sur cette réalité de la fin de vie, sans aller voir comment cela se passe concrètement sur le terrain ? Pourtant, quasiment rien n’a été fait dans ce sens par les organisateurs. On sait simplement que quelques membres ont pris sur leur temps personnel pour aller visiter une structure qui a bien voulu les accueillir… 

4. Dès la première session en décembre, les cinq personnalités françaises qui ont eu droit à la parole pour des interventions étaient toutes favorables à l’euthanasie. Les trois prétendues "expertes", invitées pour présenter la législation sur l’euthanasie en Belgique et sur le suicide assisté en Suisse, étaient en réalité des militantes particulièrement engagées dans leur pays. Pour parler de la Belgique par exemple, il a été fait appel au Dr Corinne Van Oost, qui se présente souvent comme "un médecin catholique qui pratique des euthanasies" (elle a publié un livre dans ce sens en 2014) : très engagée dans ce domaine, elle a notamment expliqué aux membres de la Convention que tout se passait très bien en Belgique et que le vrai problème qui reste à régler, c’est qu’on ne peut pas encore euthanasier les personnes atteintes de démence… 

Des présentations orientées

5. Une partie de la 4e session, en janvier, était consacrée à la présentation d’autres législations étrangères. À nouveau, le choix des intervenants a été très significatif : à part l’expert des Pays-Bas, favorable à l’euthanasie mais se posant de sérieuses questions sur les dérives qu’il constatait dans son pays, les trois autres du Québec, de l’Oregon (aux États-Unis) et de l’Italie étaient des personnes engagées dans des organisations militant activement pour l’euthanasie ou le suicide assisté. Toutes les présentations étaient donc particulièrement orientées.

On pourrait évoquer d’autres exemples significatifs, notamment dans la façon de rédiger les questions à débattre ou d’organiser certains votes. Sans compter les liens étroits et discrets avec les commanditaires de la Convention, pour s’assurer que tout concourt au but poursuivi : selon un récent article du Monde, "tous les quinze jours, les conseillers de l’Élysée font un point avec les dirigeants du CESE". Ces démarches, pour ne pas dire ces manœuvres, demeurent très cohérentes, et personne n’est vraiment dupe. Que le débat soit serein et apaisé, qui s’en plaindrait dans le climat actuel ? Mais qu’on ne fasse pas croire qu’il s’agit d’un débat équilibré où tous les points de vue ont été présentés dans le respect des principes de neutralité et de pluralisme. 

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