Ébeniste de talent, Bruno de Maistre a fondé il y a dix ans les Ateliers d’Arimathie et consacre, aujourd’hui, une grande partie de son activité à la réalisation de mobiliers liturgiques. Il confie à Aleteia son parcours atypique, qui l’a mené d’une agence de publicité à la création de son atelier d’ébenisterie.
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"Tout est parti d’une remise en question de ma vie", commence Bruno de Maistre, alors qu’il raconte les débuts des Ateliers d’Arimathie qu’il a fondé en 2011. Depuis, les commandes sont nombreuses et le succès de ce jeune ébéniste ne se dément pas comme en témoignent ces dernières grandes créations pour la chapelle Sainte-Clotilde à Versailles ou l'église Notre-Dame de Boulogne. Il a d'ailleurs été, dès 2016, lauréat du Prix Pèlerin de la création contemporaine pour les Chantiers du Cardinal avec un ensemble créé pour la Maison Paroissiale Saint-Jean-Paul II à Colombes (diocèse de Nanterre). "J'ai travaillé cette création avec cette phrase qui me touche particulièrement de Jean Paul II : “Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le feu au monde.”"
De la publicité à l'ébénisterie
Formé à Penninghen, une école d’art, puis en agence de communication, Bruno de Maistre démarre sa vie professionnelle dans la publicité. Une voie quasi toute tracée pour ce jeune actif qui apprécie son travail. Mais un jour la corde casse. Victime d’un burn-out, Bruno de Maistre trouve là l’occasion de se poser de vraies questions sur son métier, son avenir, ses envies. "Il me manquait une dimension", confie-t-il. Après un temps de repos, il décide de chercher à nouveau du travail à Londres dans la communication. Là-bas, il trouve un petit boulot en tant que technicien dans un hôtel. Une révélation pour le jeune homme qui découvre le plaisir simple de travailler avec ses mains. "Je changeais des ampoules, faisait de la plomberie... j’ai adoré ! Le côté manuel m’a beaucoup plu, c’était comme un jeu. Je ne réfléchissais pas seulement avec mon intellect mais aussi avec mes mains."
L’ébénisterie devient alors une évidence. À partir de là tout s'enchaîne. Bruno de Maistre s’inscrit à l’école Boulle en 2009 et suit une formation de deux ans. Il y apprend les techniques et les gestes. Son désir de s’orienter vers le mobilier liturgique n’a pas encore éclos et pourtant, une formation qu’il a suivie en parallèle de ses années en agence de communication en dit long. "Lorsque j’étais salarié, j’ai suivi une licence d’Art sacré à l’Institut catholique de Paris. Je ne sais pas vraiment pourquoi. Je suis tombé dessus par hasard et je l’ai fait, j’en avais besoin. C’était sans doute la Providence…", analyse-t-il avec le recul.
Quand je réalise des tâches simples qui ne nécessitent pas une forte concentration, je me mets à prier. Pour le client ou pour toutes les personnes qui vont être en présence du mobilier.
Vient alors sa première expérience avec l’Art sacré. Un peu par hasard. Foyer d’accueil avec son épouse dans le diocèse de Nanterre, et résidant au presbytère pour effectuer sa mission bénévole, Bruno de Maistre connaît bien le prêtre de la paroisse. Ce dernier lui demande de dessiner un ambon. Au fil du temps les projets prennent de l’ampleur. De l’ambon, Bruno passe à l’aménagement intégral. Son premier chantier sera pour l’église Saint-Denys de Vaucresson où il réalisera l’autel, les pupitres, les sièges, l’estrade et la croix sur le thème de la pêche miraculeuse. "Quand j’ai accepté ce projet, j’ai vu un précipice", se rappelle-t-il avec émotion. Aimant prendre des risques, Bruno dessine un mobilier complexe où des filets de bois incrustés rayonnent vers la croix. "Je me croyais incapable de réaliser ce que j’avais dessiné ! Heureusement saint Joseph est venu à la rescousse."
"Saint Joseph, c'est un collègue de travail"
Patron des artisans, saint Joseph tient une place particulière dans le cœur de Bruno. "C’est un collègue de travail", dit-il en rigolant. "Il est toujours à l’atelier pour me donner un coup de main". Croyant depuis toujours, Bruno se laisse guider par la foi. Elle est omniprésente dans son travail. "Quand je réalise des tâches simples qui ne nécessitent pas une forte concentration, je me mets à prier. Pour le client ou pour toutes les personnes qui vont être en présence du mobilier." Aux prières adressées à saint Joseph et à la Vierge Marie se mêlent aussi parfois des chants. "Je formule des prières personnelles, je récite des Je vous Salue Marie, des Notre Père... parfois je chante à voix haute sans m’en apercevoir !" Quand il a besoin de calme, Bruno met de la musique ou écoute des poèmes de sainte Thérèse de Lisieux dont il apprécie la fraîcheur et la simplicité. "Thérèse teinte mes œuvres de douceur et de féminité", dit-il.
Partageant son temps entre des commandes non religieuses et l’art sacré, Bruno admet ne pas éprouver la même chose lorsqu’il réalise des œuvres destinées à la gloire de Dieu. "Quand je travaille un objet liturgique, je suis dans la recherche de la perfection. Je vais fignoler des détails totalement invisibles voire inutiles. Mais Dieu voit tout. Mon client, c’est le Seigneur ! C’est un effort que je fais dans le secret. C’est ma prière à moi."
Puisant son inspiration directement dans les églises, confrontant ses idées auprès des curés, des équipes paroissiales et des fidèles, Bruno de Maistre aime travailler en étroite collaboration avec tous ceux qui seront amenés à utiliser et voir le mobilier. "Quand je crée des meubles liturgiques, je cherche à toucher ceux qui vont à l’église. Je veux les inviter à se poser devant le Saint-Sacrement, qu’ils soient portés par Dieu, que leur cœur dise “Seigneur, me voici”. Ce travail collectif est une source d’inspiration inépuisable pour cet artiste qui ne s’imagine pas voguer en solitaire. "Je suis un artisan, je me mets au service de Dieu, du prêtre, de tous. Je ne fais pas une œuvre pour moi mais pour la communauté." Se poser dans l’église, participer aux célébrations, absorber l’histoire du lieu, interroger les équipes font partie de ces petits rituels qui "nourrissent la marmite créative”, comme il dit.
Parmi les œuvres dont il est le plus fier, il y a le chœur de Notre-Dame de Boulogne inauguré en novembre 2019. Un projet qui a duré deux ans. Dans une volonté de respecter l’histoire de Notre-Dame, Bruno de Maistre s’est appuyé sur les éléments existants. Le chêne, utilisé pour l’estrade, se marie ainsi parfaitement avec la chaire et les stalles tandis que l’autel, en marbre blanc de Carrare, reprend des éléments néogothiques faisant écho au style de l’église. À l’intérieur de l’autel se trouve une pierre dont la surface est travaillée à la main pour lui donner un côté brut qui symbolise la pierre du sacrifice d’Isaac fait par Abraham. Sur cette pierre est sculptée la figure du Bon Pasteur. « Jésus est le vrai berger qui appelle chacune de ses brebis par son nom, capable de partir à la recherche de celle qui s’est perdue mais également de donner sa vie pour elle. »
Portant un regard plein d’espérance sur la création liturgique, Bruno de Maistre y perçoit un véritable renouveau. "On sort d’une période où l’aménagement liturgique était secondaire." Fini donc l’époque du temporaire et des matériaux pauvres. "Aujourd’hui les prêtres ont conscience que le mobilier est là pour servir la liturgie, il se doit d’être beau, à la hauteur de ce que l’on célèbre durant la messe."