"Je ne suis pas de pierre ! Je suis humaine." La Première ministre finlandaise, Mme Sanna Marin, répondait l’autre jour, au bord des larmes, aux questions des journalistes suite à une vidéo d’elle faisant la fête avec des amis. La fête avait eu lieu dans le sud de la Finlande : est-ce l’aspect méridional qui lui est reproché ? Certains lui reprochent avec véhémence de ne pas être assez assidue... Comme quoi, dans les pays nordiques, il ne fait pas bon se prélasser dans le sud. Même si celui-ci reste modeste dans ses prétentions climatiques ! En France, ces jours-ci, c’est du Sud que paraît la bonne nouvelle pour l’Église avec l’élévation à la dignité de cardinal de l’archevêque de Marseille. Les images heureuses sont suffisamment rares pour qu’on ne boude pas son plaisir.
Le seul cardinal français sur le terrain est un homme de paix et de sagesse. Sa biographie est désormais connue de tous, comme la simplicité de son contact est goûtée par tous ceux qui ont la joie de le rencontrer, quels qu’ils soient. Mais un cardinal, aussi remarquable soit-il, ne fait pas le printemps ! Il peut en être le signe si nous sommes prêts à le reconnaître et à l’accepter. Accepter qu’il nous soit encore possible de renaître. Et le désirer aussi.
Une ville ouverte
Le décorum romain et la pompe de ces célébrations ne cessent quant à eux de nous interroger : la grandeur de notre vie ne tient pas d’abord de la puissance que nous affichons ou du faste que nous déployons. Mais du Christ, et de lui seul. Nul uniforme, nulle tenue d’apparat, nul son de trompette, nul chant choral ne doit nous faire oublier cela. L’Église ne peut se concevoir comme une citadelle assiégée.
D’abord parce qu’elle n’est pas une citadelle mais une ville ouverte, qui s’étend des steppes de Mongolie jusqu’aux mégapoles brésiliennes, des rivages du lac de Côme, à ceux des Indes occidentales. Ensuite parce qu’elle a vocation à rassembler et mettre en communion des hommes et des femmes de toutes races, langues, peuples et nations. Et même de toutes religions : elle ne saurait se présenter au monde comme une vieille dame apeurée et frileuse mais bien plutôt comme une servante humble et bienveillante.
Les cardinaux sont là simplement pour le rappeler aux quatre points du monde : l’Église n’a aucun sens sinon de rappeler à l’homme qu’il est fait pour servir et aimer Dieu et incarner cela en le vivant dans le quotidien de nos vies.
La liste des nouveaux cardinaux est à ce titre édifiante : ils ne sont pas choisis comme des défenseurs de l’institution mais parce que pasteurs sur le terrain, là où sont les brebis. Non pour les catégoriser et les administrer de loin mais pour partager avec elles ce que l’histoire de l’humanité connait comme crises et comme espoirs, comme attentes et comme dangers.
Ils sont faits du même bois que les autres, connaissent comme chacun nos humbles joies et nos tourments. Ils ne sont pas des surhommes ni des héros, mais des serviteurs. Il nous faut commencer à accueillir cette réalité profondément évangélique que nous sommes faits pour servir et pour aimer. Les cardinaux sont là simplement pour le rappeler aux quatre points du monde : l’Église n’a aucun sens sinon de rappeler à l’homme qu’il est fait pour servir et aimer Dieu et incarner cela en le vivant dans le quotidien de nos vies.
Nous sommes le peuple de Dieu
En patientant quelques heures sous le soleil de plomb de la place Saint-Pierre, à la merci d’un service d’ordre dont la technologie était manifestement défaillante, les Marseillais, comme les Nigérians, les Coréens ou les Brésiliens demeuraient calmes et stoïques. Ils regardaient les quelques détenteurs des sésames magiques permettant d’entrer dans la basilique avant tous les autres : certains portaient calotte, d’autres une carte de presse, certains étaient parents d’autres des amis des futurs cardinaux.
Aucun murmure, nulle impatience : la foule nombreuse venue de tous les horizons sait bien que, même si elle demeure seconde dans les protocoles ecclésiastiques, elle est première dans le dessein de Dieu. Parce qu’elle est composée, cette foule, d’une multitude d’histoires singulières. Et que ce sont de ces histoires que Dieu fait jaillir celle de son alliance avec le genre humain. Alliance qui transcende toute origine, race, langue peuple et nation.
Du sud au nord, dans toutes les secousses et toutes les attentes que nos humbles vies manifestent. Nous sommes le peuple de Dieu. Un peuple qui n’a nulle vocation à l’hégémonie ou à la domination. Mais un peuple qui ensemence, comme la goutte à goutte, la Bonne Nouvelle qui se veut accessible à tous. Aux puissants comme aux petits, aux convaincus comme aux sceptiques : la Bonne Nouvelle d’un Dieu qui nous connaît chacun par notre nom. Cette Bonne Nouvelle dont les hommes appelés à revêtis la pourpre sont désormais les signes aux quatre points du monde.