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Chrétiens au Nigeria, la permanence des drames

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Messe au Nigeria (Kaduna).

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Jean-Baptiste Noé - publié le 26/05/22
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Schématiquement divisé entre un Nord musulman et un Sud chrétien, le Nigeria connaît depuis plusieurs années une forte hausse de sa criminalité. Les minorités, chrétiennes ou non, sont toutes menacées. Le géopoliticien Jean-Baptiste Noé estime que le rythme des enlèvements et des attaques ne va pas se ralentir.

Avec près de 210 millions d’habitants, le Nigeria est le pays le plus peuplé d’Afrique et l’un des pays les plus peuplés au monde. Bordant le golfe de Guinée, où sont présents des gisements de pétrole, limitrophe de pays en dépression comme le Niger et le Tchad, il est frappé par les mouvements de rébellions djihadistes et ethniques. Si Boko Haram appartient désormais au passé, depuis que ses principaux chefs ont été tués en 2021 et 2022, le mouvement a fusionné avec d’autres rébellions djihadistes en prêtant notamment allégeance à al-Qaïda. Cette disparition n’a nullement mis un terme aux violences extrêmes qui touchent le pays. 

Traite des hommes et criminalités

C’est ici que se sont développés les "syndicats du crime" rattachés à quelques grandes familles qui terrorisent les zones contrôlées par elles. Ayant établi des rites initiatiques vaudous pour y entrer, ces syndicats du crime mélangent traite humaine, vente de drogue et criminalité du quotidien. Connectés aux narcos sud-américains qui écoulent leurs marchandises en Afrique via le golfe de Guinée et donc les ports nigérians, ils diffusent ensuite la poudre blanche dans tout l’Ouest africain. Au nord, ces sociétés criminelles se sont liées avec les réseaux et les passeurs de Lybie, organisant la traite humaine qui, via Tripoli, se retrouve ensuite à Naples puis dans les grandes villes européennes.

Le Nigeria, avec ses syndicats du crime, a réussi l’alliance des narcos et des mafias, tenant les marchés de la criminalité du golfe de Guinée à la Méditerranée.

Une traite qui mêle ici prostitution et travail forcé, organisée en association avec les mafias italiennes. Le Nigeria, avec ses syndicats du crime, a réussi l’alliance des narcos et des mafias, tenant les marchés de la criminalité du golfe de Guinée à la Méditerranée, par les routes de la traite qui traversent le Tchad et le Niger. Des acteurs criminels que l’on trouve imbriqués avec certains chanteurs de rap ainsi que des producteurs de séries grand public, étoffant davantage encore la mondialisation de leurs trafics.   

Les chrétiens sont en première ligne de cette criminalité, subissant d’une part les rapts et les vols qui servent à alimenter la traite et d’autre part l’essor du vaudou qui, parti du Bénin, se répand dans toute l’Afrique de l’Ouest ainsi que parmi les communautés africaines vivant en Europe. Si la principale concurrence religieuse au christianisme a longtemps été vue dans l’islam, rares sont ceux qui avaient prévu le grand essor du culte vaudou. Celui-ci, à travers de nombreuses variantes et évolutions, attire à lui un nombre de plus en plus important d’Africains.

Multiplication des attaques

Dresser la liste de toutes les attaques arrivées au Nigeria serait trop long, contentons-nous d’une liste non exhaustive des crimes organisés ces dernières semaines, qui démontre à elle seule l’ampleur de la dépression connue par ce pays. 24 mai, attaque dans l’État de Borno : environ 30 morts. 23 mai, enlèvement et décapitation d’un député nigérian. Nouvelles attaques dans l’État de Zamfara, une dizaine de morts. 22 mai : plusieurs maisons incendiées et boutiques pillées dans le nord du pays, à la suite d’accusation de blasphème.  20 mai : attaque contre un village dans l’État de Benue. Plusieurs dizaines de morts, dont des paroissiens qui sortaient de l’église. 12 mai : lapidation à Sokoto d’une étudiante chrétienne accusée de blasphème. L’église de Sokoto est incendiée dans les jours qui suivent et l’évêque du lieu menacé de mort. 11 mai : attaque contre des villages du nord du pays, 50 morts. 6 mai : attaque dans l’État de Zamfara, une cinquantaine de morts. 4 mai : attaque contre un village du centre, 7 morts. 10 avril : attaque l’armée conduite par des hommes à moto dans l’État du Plateau, situé dans le centre nord du pays : plus de 100 morts. 

Ces attaques sont conduites par des "bandits" qui vivent de razzias et de rapines et n’ont donc pas de rapport avec le djihadisme. Entre mars et avril 2022, le bilan de ces attaques dans le centre du Nigeria correspond à une attaque contre un train de marchandises, aboutissant à l’enlèvement de dizaines de passagers, 19 membres des forces de police tués, 30 morts dans un village attaqué, une dizaine de membres de force d’autodéfense abattue. Sur deux mois seulement, c’est un terrible bilan humain et sécuritaire. 

Une évolution inquiétante

L’État du Plateau est à l’intersection des États musulmans et des États chrétiens. Il est l’objet d’attaques régulières, qui prennent davantage racine dans les conflits interethniques que religieux, la religion étant souvent un prétexte. Le nombre de civils tués par les bandits est estimé à 2.600 en 2021, plus du double qu’en 2020. La mortalité de ces bandits est plus élevée que celle des djihadistes et de Boko Haram.    

Cette liste d’attentats, non exhaustive donc, est dressée sur une période courte (moins de deux mois), avec des bilans humains à toujours prendre avec prudence. Mais elle donne un aperçu de l’ampleur de la violence et de l’insécurité qui règne dans le pays, notamment dans le Nord et le Centre. Toutefois, la question religieuse n’est pas première même si elle peut être évoquée. La cause première de ces attaques est la volonté de rapine et de razzias. Les différences ethniques exacerbent ces tensions, qui ne trouvent ni fin ni solution. À cela s’ajoutent aussi des crimes strictement religieux, comme le cas de cette jeune étudiante accusée récemment de blasphème puis lapidée. Des violences qui durent depuis plusieurs dizaines d’années et qui ne font que s’amplifier depuis le début des années 2010. Compte-tenu de sa population, de son poids et de sa situation géographique, le Nigeria est un pays à suivre de très près.   

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