Tout le monde connaît la célèbre pyramide de Maslow, celle qui cartographie les besoins essentiels à l’être humain, en fonction de leur degré de nécessité : besoins physiques, tels que le sommeil, l’alimentation ; besoins sociaux, tels que l’éducation, besoins psychologiques et moraux comme le besoin de reconnaissance. En son temps, Épicure distinguait déjà les désirs nécessaires des désirs non nécessaires : il y a ce qui est vital, et ce qui n’est pas vital. En réalité, notre profondeur humaine dépasse largement les classifications, elle les déjoue souvent.
Affronter nos contradictions
Ce serait une erreur de croire qu’on a fait l’essentiel lorsque qu’on a procuré à quelqu’un le vivre et le couvert. Comme si on laissait à d’autres la charge de lui procurer un peu de temps gratuit, d’affection ou de reconnaissance, au prétexte qu’ils ne seraient pas de nécessité vitale. Car inversement, on saisit le scandale qu’il y aurait à assurer l’instruction de jeunes et d’enfants tout en les maintenant affamés dans des environnements totalement insalubres. Et pourtant, les révélations récentes portant sur les faits de maltraitance dans certains établissements pour personnes âgées nous obligent à affronter nos contradictions. Reconnaissons que les besoins de l’âme sont aussi puissants et vitaux que les besoins physiques. Ils ne viennent pas après, ils ne se superposent pas, ils sont exactement du même ordre, celui de la nécessité.
Les cruautés du conquérant
Simone Weil rappelait que ces besoins de l’âme sont aussi nécessaires que la nourriture pour le corps. Elle affirme avec force :
Lorsqu’une âme est sans nourriture, l’être humain tombe dans un état plus ou moins analogue à la mort. Ainsi sachons reconnaître cette nourriture qui comble les désirs profonds du corps et de l’âme, de la personne tout entière : offrir un toit en même temps que la liberté, apporter du soin tout autant que du respect, donner du pain, du chauffage et de l’amitié.