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Sortir du cercle vicieux prison-pauvreté

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Véronique Fayet - publié le 05/02/22
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Une enquête auprès de personnes placées sous l’autorité de la justice confirme que prison et pauvreté s’alimentent l’une l’autre. Comment sortir de ce cercle vicieux ? Pour l'ancienne présidente du Secours catholique, Véronique Fayet, l’emprisonnement qui appauvrit les pauvres est une illusion de solution.

Au dernier barreau de l’échelle sociale, la prison, c’est le nom d’un rapport passionnant et effrayant publié par Emmaüs France et le Secours catholique. Pour dépasser la vision d’une compassion sentimentale et mesurer objectivement les pauvretés en prison, 1.200 questionnaires ont été distribués par des associations, des aumôneries ou l’administration pénitentiaire elle-même dans 71 établissements pénitentiaires différents. L’originalité de cette enquête est fondée sur la conviction que les personnes ayant connu la détention et leur famille sont les meilleurs experts de leur propre situation. C’est donc un choix éthique de mettre la parole des personnes sous main de justice, au cœur de l’enquête et de la construction du plaidoyer.

Une illusion de solution

Les rares études sur la question — aucune de l’ampleur de celle-ci — et les retours terrain des professionnels démontrent que précarité et prison s’alimentent l’une l’autre, comme si l’emprisonnement était un mode de gestion de la pauvreté plutôt que le choix d’une sanction. À infraction égale, les pauvres ont un risque d’incarcération plus élevé que les personnes insérées. Ce n’est pas juste ! Et quand elles sortent, l’appauvrissement subi, du fait de la détention, les a rendus encore plus vulnérables et en position de récidiver. Tant les individus concernés que les victimes et la société, tout le monde y perd.

L’emprisonnement est une illusion de solution puisque les gens vont en ressortir, en moins bon état social et personnel qu’ils n’y étaient rentrés.

L’emprisonnement est une illusion de solution puisque les gens vont en ressortir, en moins bon état social et personnel qu’ils n’y étaient rentrés ; alors que la grande majorité d’entre eux ne sont pas dangereux et purgent des courtes peines, contrairement à ce que font croire certains médias et acteurs politiques. Cette affirmation est une conviction profonde née de relations anciennes, régulières, approfondies entre les équipes d’Emmaüs ou celles du Secours catholique et les personnes détenues. De ce compagnonnage est née une fraternité qui donne force à leur témoignage. 

Vingt-cinq propositions

Les pauvretés ont été étudiées globalement, pas seulement sous l’angle financier (pauvreté sociale, relationnelle, en santé physique et psychique, en formation, culture…) et les chiffres sont glaçants ! Un quart des personnes incarcérées ne sait pas lire-écrire en français ; la moitié d’entre eux ont des addictions ; 16 % n’ont aucune ressource à leur entrée en prison ; deux tiers d’entre eux sont surendettés à la sortie ; 35 % n’ont aucun diplôme (contre 14 % dans la population générale) et ce taux atteint 56% chez les 17-27 ans ! Seulement 45% des personnes interrogées reçoivent des visites de leur famille ; 40% n’ont aucune visite, ni famille, ni amis ! 67 % disent souffrir de la solitude. Comme le dit un des détenus avec un réalisme cru : « C’est la précarité qui remplit les prisons. Moi j’en ai croisé beaucoup en promenade. Ce sont des voleurs, des sans-papiers, des mules, des gens qui transportent de la drogue parce qu’ils n’ont pas d’argent. »

Ce constat très alarmant, qu’il faut lire en détail, est assorti de 25 propositions très concrètes :

Un travail digne

D’autres recommandations du rapport concernent l’accès à un travail digne et correctement rémunéré. C’est le vœu le plus cher de tous les détenus : "Il faut développer le travail en détention. À mon sens, la réinsertion ne se fait que par le travail… Il faut inciter les entreprises à ouvrir des ateliers en prison afin que les détenus sans ressource puissent se nourrir, envoyer de l’argent à leur famille et payer les parties civiles." Mais le travail doit être rémunéré à un prix juste, ce qui n’est pas le cas, selon un autre témoignage : "Le travail en cellule est censé être payé 4,15 euros (45% du SMIC). Sauf que dans les faits, on est payé à la pièce… et pour un carton de 1000 pièces, il vous faut 25h. Bah ! vous gagnez, à la fin 1,70 net de l’heure… C’est très dégradant. Et encore je bosse vite !"

Davantage de prisons ?

Enfin, face aux voix qui réclament la construction de davantage de prisons, les auteurs du rapport rappellent que cela coûte très cher. Le coût de construction d’une place est de 100.000 à 300.000 euros (sans compter le budget de fonctionnement) :

Le réseau Emmaüs parle d’expérience : ses fermes pédagogiques comme La Ferme de Moyenbrie en Picardie que j’ai visité récemment, accueillent les personnes en placement extérieur pour des fins de peine. Celles-ci disent à quel point ce sas est indispensable pour revenir à la vraie vie, apprivoiser les peurs et préparer une réinsertion réussie. Les équipes du Secours catholique qui accueillent des TIG, des personnes en semi-liberté comme bénévoles dans les équipes (avec retour à la prison le soir) mais aussi des personnes isolées en permission savent aussi à quel point le cercle vicieux pauvreté-prison-pauvreté est difficile à briser. Souhaitons que ce rapport serve à éclairer nos consciences et à nourrir le débat public qui devrait — normalement — avoir lieu pendant la campagne présidentielle sur cette question très sensible de la peine et de la prison.

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