Le rapport statistique annuel du Secours catholique, sorti le 15 novembre, jette un pavé dans la marre ! Oui, l’économie française sort finalement en assez bonne forme de la crise de la Covid, grâce aux aides efficaces de l’État pour les entreprises mais les plus pauvres ont payé un lourd tribut. Le choc de la pandémie a servi de révélateur et d’accélérateur des vulnérabilités. Il a mis au jour les forces mais aussi les lacunes de notre système de protection sociale.
On se souvient des files d’attentes qui s’allongeaient devant les centres de distribution alimentaire et les chiffres confirment cette pauvreté installée, structurelle... mais peu visible car de nombreuses personnes se privent pour rester dignes, pour ne pas avoir à quémander une aide ponctuelle. 27% des familles auxquels le Secours catholique a remis des chèques-services pendant la crise, se privent régulièrement de nourriture une journée entière ! Au total, ce sont près de sept millions de personnes qui auraient eu recours à l’aide alimentaire en 2020, soit près de 10% de la population parmi lesquels de nombreuses familles avec enfants. Chiffres scandaleux qui ne peuvent plus nous laisser indifférents !
Ceux qui demandent et ceux qui ne demandent pas
Avec la crise, de nombreux ménages qui « se débrouillaient » avec les minimas sociaux, des allocations, de l’entraide de voisinage, des petits boulot (pas toujours déclarés)… ont basculé de la précarité dans la pauvreté. Beaucoup de femmes seules avec enfants, mais aussi des retraités, des étudiants ; des gens qui dans leur majorité demandaient pour la première fois une aide alimentaire. « J’avais honte de ne pas payer, dit l’une d’elle. Je me sentais comme une assistée. »
Mais soyons lucide, la précarité alimentaire est un problème de revenus ! De plus en plus de familles doivent faire des choix impossibles entre payer son loyer ou se soigner, payer l’abonnement indispensable à l’Internet, les loisirs des enfants ou se nourrir. Chaque mois ce sont des privations qui minent la santé et l’équilibre familial. Alors que le seuil de pauvreté en France est de 1.100 euros pour une personne seule (60% du revenu médian), le revenu médian des personnes accueillies au Secours catholique est de 537 euros, soit à peu près le niveau du RSA.
La crise a montré, s’il en était besoin, qu’on ne vit pas avec le RSA. On survit grâce à un système D toujours fragile et incertain. Plus grave, 22% des ménages accueillis n’ont aucune ressource, pour certains parce qu’ils sont étrangers et sans droits, mais pour beaucoup parce qu’ils ne demandent pas, ou plus, le RSA ou les allocations auxquels ils auraient droit. En France environ un tiers des ménages éligibles au RSA ne le demandent pas. Ceux-là mêmes qu’on traite souvent de fainéants et d’assistés, préfèrent parfois renoncer pour préserver leur liberté et leur dignité. Cela doit nous faire réfléchir !
Des réformes structurelles
Le Secours catholique tire les enseignements de cette crise en demandant des réformes structurelles plutôt que des aides ponctuelles et conjoncturelles. Car depuis des années, notre pays a choisi tacitement d’industrialiser les distributions alimentaires plutôt que de réfléchir à un accès digne à l’alimentation, en lien avec les agriculteurs ; choisi des politiques coûteuses d’hébergement d’urgence et de nuits d’hôtel plutôt qu’une vraie politique d’accès au logement ; choisi de distribuer des aides ponctuelles pendant la crise de 2020 plutôt qu’une augmentation des minimas sociaux que les associations demandent depuis des années, etc.
Mais la crise a révélé aussi des trésors de générosité. Il y a un vrai désir de solidarité et de fraternité dans notre pays et les futurs candidats à l’élection présidentielle seraient inspirés d’y être attentifs plutôt que d’attiser les peurs.