"Chères sœurs, chers frères, je suis de nouveau là pour vous rencontrer. Je suis venu vous dire que je suis proche de vous. Je suis là pour voir vos visages, pour vous regarder dans les yeux", a d’emblée confié le pape François aux réfugiés, sous une tente surplombant le nouveau camp construit après l’incendie de celui de Moria en 2020. Arrivé sur l’île de Lesbos ce dimanche 5 décembre, Il venait de passer un long moment au milieu des habitants, pressés derrière des barrières, visiblement très émus et enthousiastes de la présence de l’homme en blanc qui a tenu à leur rendre visite au quatrième jour de son 35e voyage international à Chypre et en Grèce.
Cinq ans après sa première visite (2016) sur cette île de la Mer Égée, au milieu des conteneurs cubiques abritant 2.200 personnes au total, le pontife a constaté que la migration est toujours "un problème mondial, une crise humanitaire qui nous concerne tous". "Des personnes et des vies humaines, sont en jeu !", a-t-il alerté . Et de déplorer des conditions "indignes de l’homme", où les migrants ne peuvent "entrevoir de solutions".
Alors que "tout paraît terriblement bloqué lorsqu’il s’agit de la question migratoire", le chef de l’Église catholique a secoué le continent européen, appelant à ne pas faire reposer la responsabilité sur quelques pays comme la Grèce : "Ce pays, comme d’autres, est encore en difficulté, et […] certains en Europe persistent à traiter le problème comme une affaire qui ne les concerne pas", a-t-il martelé.
Le courage d’éprouver de la honte
"Regardons le visage des enfants", a exhorté le pape François dans son discours prononcé en italien et traduit simultanément en six langues. "Ayons le courage, a-t-il poursuivi, d’éprouver de la honte devant eux, qui sont innocents et représentent l’avenir. Ne fuyons pas trop vite les images crues de leurs petits corps gisants sur les plages."
Ne permettons pas que la mare nostrum se transforme en une désolante mare mortuum.
Le pontife s’est inquiété que la Méditerranée ne devienne "un cimetière froid sans pierres tombales", "un miroir de la mort". Il a alors lancé un cri : "Ne permettons pas que la mare nostrum se transforme en une désolante mare mortuum. […] Ne laissons pas cette “mer des souvenirs” devenir la “mer de l’oubli”. Je vous en prie, arrêtons ce naufrage de civilisation !"
"C’est Dieu que l’on offense, a affirmé le pape François, en méprisant l’homme créé à son image, en le laissant à la merci des vagues, dans le clapotis de l’indifférence."
Repli sur soi, nationalismes, la liste noire du Pape
Exhortant à surmonter les "ghettoïsations", le Pape a particulièrement fustigé le repli sur soi pour se préserver soi-même. "Ce n’est pas en élevant des barrières que l’on résout les problèmes", a-t-il averti, invitant à surmonter "la paralysie de la peur" et "le désintérêt cynique qui, avec ses gants de velours, condamne à mort ceux qui sont en marge".
Et le pontife de s’élever à nouveau contre les discours nationalistes qui diffusent "la peur de l’autre", mettant au défi les politiques de parler "avec la même vigueur de l’exploitation des pauvres, des guerres oubliées et souvent largement financées, des accords économiques conclus aux dépens des populations, des manœuvres secrètes pour le trafic et le commerce des armes".
"Je prie Dieu […]. Et je prie aussi l’homme, tous les hommes : surmontons la paralysie de la peur, l’indifférence qui tue, le désintérêt cynique", a dit également l’évêque de Rome, soulignant combien les migrants étaient des "victimes" payant les conséquences de situations qu’ils n’avaient pas choisies et utilisées pour la propagande politique.
Juste avant son discours, le pape avait écouté des témoignages, dont celui de Christian Tango Mukaya, arrivé de République démocratique du Congo depuis un an. Ce père de trois enfants s’est dit en recherche "d’un lieu et d’un abri sur, de paix, de la survie de [sa] famille".