Nous sommes tous, en tant qu’êtres humains, vulnérables. Plus ou moins blessés par les aléas de la vie, plus ou moins fragiles, mais tous vulnérables et imparfaits. Malgré cela, nous sommes capables, à l’instar de fortes personnalités telles que Frida Kahlo, Helen Keller ou encore Démosthène, de transcender nos faiblesses, et de faire de notre vulnérabilité une force féconde et créative.
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« Vulnérable ! Voilà ce qui spécifie, avec la force de l’évidence, la condition humaine. Voilà ce qui caractérise notre espèce. Ni les apparences de puissance, ni les velléités de grandeur ne parviennent à gommer cette précarité constitutive. L’humanité, qui se voudrait forte et éternelle, fait un bruit de porcelaine brisée. » C’est ainsi que commence le livre Pascal, Frida Kahlo et les autres… (Erès), de Charles Gardou, anthropologue et professeur d’université. Il y dresse le portrait de huit écrivains et artistes, qui, bien que souffrants ou handicapés, de naissance ou accidentellement, ont surmonté leur faiblesse et ont créé une œuvre gigantesque. On y côtoie Robert Schumann, Frida Kahlo, Blaise Pascal, Jean-Jacques Rousseau, Fedor Dostoïevski, Joë Bousquet, Helen Keller et Démosthène.
« Le moteur de l’existence humaine réside dans cette lutte contre la vulnérabilité. »
Charles Gardou, anthropologue, professeur à l’Université Lumière Lyon 2 et chargé d’enseignement à l’Institut de Sciences Politiques à Paris, auteur de nombreux ouvrages sur le handicap, insiste sur le fait que la vulnérabilité, bien qu’inégalement répartie, est le lot de tout être humain. Nul n’est immortel ni omnipotent, malgré ce que voudraient nous faire croire les théories transhumanistes. Les personnes handicapées sont peut-être plus visiblement marquées par la fragilité, mais chaque homme, selon l’anthropologue, « sous des formes et à des degrés divers, présente des retards, des déséquilibres, des anomalies, des failles physiques, intellectuelles, psychologiques, affectives, relationnelles, économiques. »
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Par conséquent, « le moteur de l’existence humaine réside dans cette lutte contre la vulnérabilité », explique Charles Gardou. Comment l’être humain s’y prend-il pour dépasser ses fragilités ? Comme l’ont prouvé les huit grandes personnalités évoquées dans l’ouvrage, l’homme possède un capital de ressources et d’énergies insoupçonnées, et exacerbées en cas de besoin. Une perturbation, une gêne, un handicap, peuvent constituer un puissant stimulus. Il arrive qu’une entrave ouvre l’accès à un niveau de fonctionnement supérieur et devienne un moteur de développement psychique. On sait par exemple que lorsqu’un sens fait défaut, un autre se développe ; lorsqu’une faculté est entravée, une autre surgit. Ainsi, le handicap, la paralysie, la dépendance, sont compensés par d’autres aspects féconds.
Force et handicap : des figures exemplaires
Sur les pas de ces huit personnalités, nous comprenons au fur et à mesure des pages, que leur énergie créatrice est née de cette lutte contre la vulnérabilité. « Chacun d’eux savait, affirme l’auteur, de cette science certaine que donne l’expérience vécue, la place de la vulnérabilité et des ressorts nécessaires pour la surmonter. (…) Ils témoignent de la même ambition : faire œuvre pour triompher des limitations. »
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Il s’agit bien là d’une lutte continuelle. « On les découvre tantôt aussi faibles que si le sang désertait leurs veines, tantôt aussi forts qu’aucun écueil ne semble pouvoir freiner leur élan vital et créatif. » Vie et œuvre sont intimement mêlées, elles sont « une même aventure », selon les mots de Merleau-Ponty évoquant la fragilité psychique de Cézanne. Car ils créent, certes pour s’exprimer, mais aussi pour s’emparer de leur vie et lui rendre sa hauteur. Considérons-les comme des modèles, car ils nous incitent à transcender nos faiblesses. Ne nous laissons pas atteindre par nos multiples limitations et nos impuissances, mais au contraire, augmentons toutes les capacités de notre être. Nos blessures ne sont pas une négation de tout. « Nul être, tant qu’il est vivant, ne renonce à tout », rappelle l’anthropologue.
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À l’heure où l’on exalte la force, la compétition et la victoire, nous sommes tentés de camoufler notre propre vulnérabilité, et de dédaigner ou de malmener celle d’autrui. Elle n’en demeure pas moins universelle et éternelle. Alors au lieu de la nier, faisons preuve d’un peu d’humilité, et avouons notre inéluctable et indélébile imperfection liée à notre condition humaine. « L’homme est d’autant plus fort qu’il se connaît et s’assume vulnérable », souligne Charles Gardou. Et de citer une réflexion de Simon Leys à propos d’Henri Michaux : « Ceux qui laissent vraiment une trace sont ceux qui ont la force et le courage d’explorer et d’exploiter leurs carences ; ceux qui se contentent de développer leurs dons n’arrivent finalement pas à grand-chose. » Allons au-devant de nos faiblesses. C’est ce qui nous rendra plus fort.