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Chine : le cardinal Zen perd patience

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Isabelle Cousturié ✝ - publié le 05/08/16
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Craignant une forte pression sur le Pape, l’évêque émérite de Hong Kong voit d'un mauvais œil les échanges menés entre le pouvoir chinois et les négociateurs du Saint-Siège.

Craignant une forte pression sur le Pape, l’évêque émérite de Hong Kong voit d’un mauvais œil les échanges menés entre le pouvoir chinois et les négociateurs du Saint-Siège.

Le cardinal émérite de Hong Kong, Joseph Zen Ze Kiun, après un appel à ses “frères et sœurs” en République de Chine, leur suppliant “d’ignorer” l’accord qui pourrait être conclu entre le Saint-Siège et la Chine, même s’il devait être approuvé par le pape François, revient à la charge dans un entretien paru ces jours derniers dans la presse italienne. Les catholiques chinois “vivent dans la crainte (…) ; j’ai des contacts quotidiens avec eux et peux dire qu’ils ont peur d’un accord entre le Vatican et la Chine”, assure le cardinal Zen au journaliste italien Beniamo Natale, sur le site Ytali.com. Selon lui, le pouvoir chinois à Pékin a toutes les raisons de penser que le Saint-Siège est prêt à tout pour parvenir à un accord.

Vers un accord improbable

Du haut de ses 84 ans, avec un zèle et une résistance à toute épreuve malgré la maladie, le cardinal Zen donne une vision sceptique des échanges menés tambour battant entre le pouvoir chinois et les négociateurs du Vatican. “Je ne sais pas comment on peut être optimiste en ce moment ! Il n’y a aucune raison, c’est sans fondement”, estime le cardinal. Trouver un accord ? “Pour cela, il faudrait que les Chinois cèdent beaucoup de terrain. C’est impossible. Pourquoi cèderaient-ils après avoir tout conquis ? Ils veulent encore plus. Ils viennent parler pour obtenir davantage, pas pour céder. Penser qu’ils viennent vraiment pour négocier est irréaliste.”

Entamées en 2014, les négociations entre Rome et Pékin sont menées dans la plus grande discrétion. Rien ne transparait de leur teneur, seulement que les rencontres se multiplient et pourraient déboucher sur une normalisation des relations et une visite du Pape en Chine, suppute-t-on dans les médias. Peut-on y voir les prémices d’un accord historique ? Un tel arrangement irait “contre le principe de leur foi”, a-t-il écrit récemment sur son blog selon Gianni Valente de Vatican Insider.

Le cardinal Zen, qui a toujours joué un rôle de premier plan dans la lutte pour la démocratie dans l’ex-colonie britannique, et fut pendant des décennies un ardent défenseur des droits de la religion catholique, ne voit aucun signe d’ouverture de la part de Pékin en matière de liberté religieuse. D’autant plus que Pékin, en avril dernier, lors d’une réunion au plus haut niveau consacrée à la religion, a réaffirmé point par point la nécessité pour le Parti communiste de contrôler les religions en Chine.

Le Pape, trop admiratif ? 

Le cardinal Zen ne partage pas “la politique chinoise” entamée par François, et il le dit clairement dès qu’il en a l’occasion tant son inquiétude est grande.

En mai dernier, dans un entretien exclusif à Famille Chrétienne en partenariat avec Églises d’Asie, il avait réagi négativement aux propos “admiratifs” du Pape envers la Chine, dans une interview accordée au site Asia Times (Hong Kong), mais sans jamais aborder la situation des catholiques dans le pays et la question de la nomination des évêques par Rome : “Tout le monde admire les efforts déployés par le Pape. Il fait preuve de tant de bonne volonté. (…) Mais j’ai été déçu car la religion a été exclue du champ de l’interview : comment imaginer interviewer le Pape et ne pas parler de religion ?”, avait-il estimé.

La réaction de Pékin au contenu de cette interview ne s’est alors pas faite attendre : “Nous voulons des faits”, que le cardinal Zen a traduit par : “Autrement dit (…), rendez les armes ! Soumettez-vous aux demandes de Pékin !”. Cette réponse cache, à ses yeux, tant de raisons d’être sceptiques.

Rome ne connaît pas la Chine

“La politique du kowtow, s’abaisser devant le pouvoir central chinois, ne peut porter de bons fruits”, a-t-il déclaré. Le Pape parle d’adopter une attitude humble. “Très bien, répond-t-il, l’humilité est une vertu cardinale, mais il ne faut pas le faire en abandonnant toute dignité, la dignité de notre foi, la dignité de l’Église.”

À Rome, “ils ne connaissent pas la Chine, ils ne parlent ni ne lisent le chinois, ils n’ont pas pratiqué les communistes chinois”, regrettait le cardinal dans cet entretien, avant d’ajouter : “Mes craintes sont donc fortes, même si le Saint-Père n’a pas encore pris position clairement sur le sujet. J’ai très souvent écrit au pape François. Ce que j’espère, c’est qu’il écoute, qu’il écoute tout le monde, tous ceux qui ont des avis divergents sur cette question des rapports avec la Chine. Mais je ne cache pas que la situation actuelle est pleine de dangers, car il y a tant de gens autour de lui qui poussent à conclure un accord avec Pékin”.

Pour comprendre…

Le père jésuite Joseph Shih, dans un article paru en mai dernier dans la revue italienne La Civiltà Cattolica, confirme : pour comprendre l’Église catholique en Chine, “il ne faut pas trop prendre à la lettre les déclarations des autorités chinoises, ne pas trop se fier des informations diffusées par les médias étrangers, et mieux connaître la foi des catholiques qui vivent en Chine”.

Le gouvernement de Pékin impose aux cinq grandes religions reconnues sur son territoire – taoïsme, bouddhisme, islam, catholicisme, protestantisme et confucianisme – “des organes de contrôle spécifiques” pour les diriger et gérer leurs mouvements.

Joseph Shih reconnaît que la situation de l’Église catholique en Chine n’est pas une situation idéale et que les décisions du Saint-Siège la concernant n’ont pas toujours fait l’unanimité parmi les fidèles. Mais, affirme-t-il, “il est impératif que celui qui parle de l’Église en Chine tienne compte des circonstances réelles des faits”.

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