Comme il peut être difficile de s’abandonner à la grâce divine, surtout quand les événements de la vie vont à l’encontre des projets personnels. Et pourtant, il est indispensable de le faire, pour être sauvé. Faut-il encore savoir ce qu’est le vrai abandon à la Divine Providence ! Tous les nageurs sauveteurs le savent : lorsqu’on porte secours à quelqu’un qui est en train de se noyer, le principal danger vient des efforts que déploie ce dernier. La peur, la volonté de se maintenir hors de l’eau coûte que coûte, le conduisent souvent à des gestes désordonnés. Il se débat ou s’agrippe désespérément à son sauveur, ce qui est le moyen le plus sûr de l’empêcher de nager.
Ainsi nous comportons-nous souvent à l’égard du Seigneur. Au lieu de Le laisser nous sauver, nous cherchons à diriger les choses à notre manière. Par peur ou par orgueil – souvent les deux en même temps – nous refusons de nous laisser faire, de nous abandonner dans la confiance. Comme un noyé qui cherche à respirer, tout homme cherche le bonheur. C’est un désir inscrit très profondément en lui. Ce désir est bon car il vient de Dieu. Mais croyons-nous vraiment qu’Il sait mieux que quiconque ce qui est nécessaire à notre bonheur et à celui de nos enfants ?
L’abandon n’est ni lâcheté, ni paresse
Lorsque nous refusons de nous abandonner à l’amour de Dieu, c’est comme si nous Lui disions : « Je sais mieux que toi ce dont j’ai besoin, ce dont ma famille a besoin ». Nous sommes comme le noyé qui refuse l’aide qu’on lui propose parce qu’il a peur et cherche à se maintenir hors de l’eau à tout prix sans voir que son sauveteur sait ce qu’il doit faire pour le ramener sur la terre ferme. Or, on ne peut pas attendre le salut les pieds dans ses pantoufles. Dieu nous respecte beaucoup trop pour nous donner un bonheur tout fait. Il veut nous associer à son œuvre d’amour et nous donne une volonté, une liberté et de multiples talents pour bâtir le Royaume. Mais tous ces talents ne doivent pas nous faire oublier que nous ne pouvons rien par nous-mêmes. Nous recevons tout du Seigneur : sans Lui, nous ne sommes rien et nous ne pouvons rien faire. Chaque fois que nous oublions cela, nous refusons de nous abandonner. Nous confondons souvent indépendance et liberté, affirmant : « Je n’ai besoin de personne, je me débrouille très bien tout seul. » Nous nous prenons pour des personnes très fortes et très capables alors que nous sommes – fondamentalement et radicalement – des pauvres.
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Mais il y a aussi un autre danger : le Malin. Comme il est très habile, il cherche toujours à nous tenter en déguisant le mal sous l’apparence du bien. Ainsi le paresseux sera-t-il tenté de justifier sa mollesse par un prétendu abandon à la Providence : « Ce n’est pas la peine que je me fatigue, puisque Dieu prendra soin de nous. ». Le lâche raisonnera de la même manière en se réfugiant dans la prière pour éviter d’affronter le risque d’engagements concrets, avec ce qu’ils comportent d’inévitables oppositions : « Seigneur, je compte sur Toi parce que je ne veux surtout pas que tu me demandes d’intervenir. » Or l’abandon n’est ni la paresse ni la lâcheté.
L’abandon n’est pas une attitude d’illuminés qui planeraient loin de la réalité
L’Incarnation nous met les pieds sur terre et il n’y a pas d’autre manière de rencontrer et servir le Seigneur que de vivre le quotidien jusque dans ses aspects les plus concrets. Il ne suffit pas de répéter : « Seigneur, Seigneur, merci de prendre soin de nous ! ». Bien sûr, la louange est la prière même de celui qui s’abandonne à l’amour de Dieu. Mais le seul moyen de vérifier l’authenticité de cette louange, c’est de la confronter au réel. Se poser les bonnes questions : « Est-ce que je loue seulement pendant le temps de la prière ou est-ce que cette louange change la manière dont je vais traiter mes affaires professionnelles, régler les difficultés familiales, accueillir les soucis financiers, bâtir mes projets d’avenir, etc. ? »
« En vérité, je vous le dis : si vous ne redevenez comme des enfants, vous ne pourrez pas entrer dans le Royaume de Dieu » (Mt 18, 3). Si nous n’acceptons pas de nous abandonner avec la confiance absolue du petit enfant, si nous ne consentons pas à tout remettre entre les mains du Père – tous nos désirs, nos projets, nos soucis, ceux que nous aimons et même nos péchés – nous ne pourrons pas entrer dans le Royaume de Dieu. Nous ne pourrons pas goûter le bonheur du Royaume, promis dès ici-bas à ceux qui ont un cœur de pauvre.
Christine Ponsard (+)