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Mexique : l’Église face à la guerre sanglante de la drogue

Devant la mairie de Guadalajara, au Mexique, des images affichées rappellent le sort de milliers de personnes disparues à cause du narcotrafic.

Devant la mairie de Guadalajara, au Mexique, des images affichées rappellent le sort de milliers de personnes disparues à cause du narcotrafic.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 27/03/25
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Depuis de nombreuses années, le Mexique connaît une série de crimes et de massacres commis par les cartels de la drogue. Le pays dénombre plus de 300 000 morts en dix ans. Malgré l’impuissance des autorités, l’Église veut s’attaquer aux causes profondes du phénomène, qui n’est pas seulement sécuritaire.

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Les propos ont surpris. Plusieurs sénateurs du sud des États-Unis ont appelé début mars à une intervention militaire de leur pays au Mexique afin de pourchasser les cartels de la drogue, sécuriser la frontière et réduire le nombre de passages des criminels. Pour ces Américains, le véritable danger pour les États-Unis n’est pas l’Ukraine, mais bien le Mexique, victime de nombreux massacres et assassinats de la part des cartels, pour une moyenne de plus de 30 000 morts par an, soit déjà plus de 300 000 morts en dix ans. Or le Mexique avoue son impuissance. Fermeté, négociation, programmes sociaux, justice extraordinaire, beaucoup de choses ont été essayées, sans succès. La situation empire et rien ne semble pouvoir l’enrayer.

Une année 2024 emplie de massacres

L’almanach criminel de l’année 2024 est terrifiant. Un extrait des derniers mois en donne un aperçu. En juillet, un affrontement entre le cartel de Sinaloa et une faction rivale, connue sous le nom de cartel du Chiapas et du Guatemala, s’est déroulé dans la ville de La Concordia, près de la frontière avec le Guatemala. Cet affrontement a entraîné la mort d’au moins 19 personnes, dont quatre Guatémaltèques. En septembre, une guerre interne éclate au sein du cartel de Sinaloa à la suite de l’arrestation d’Ismael El Mayo Zambada García et de Joaquín Guzmán López, fils d’El Chapo. Ces événements ont provoqué des affrontements violents entre les factions rivales du cartel, causant la mort d’au moins 39 personnes, dont deux militaires, et entraînant des disparitions forcées, des blocages d’autoroutes et des incendies de véhicules.

C’est toute une société qui, d’une manière ou d’une autre, bénéficie de la manne financière et n’a donc pas intérêt à y mettre un terme. La violence aidant, peu ose parler ou intervenir. 

Le 20 octobre, c’est le prêtre Marcelo Pérez, connu pour son engagement en faveur des droits humains et sa dénonciation des violences liées au trafic de drogue, qui est assassiné dans l’État du Chiapas. Deux hommes à moto ont ouvert le feu sur son véhicule après qu’il eut célébré la messe dominicale. En décembre, toujours au Chiapas, les autorités mexicaines ont découvert 15 corps dans 11 fosses clandestines lors d’une opération à La Concordia. Quatre individus ont été arrêtés, et diverses armes, véhicules et drogues ont été saisis. Entre assassinats de civils, luttes entre cartels, combats contre la police et les autorités, le Mexique est plongé dans une guerre intérieure sans fin.

Cartels et corruption

En son temps, Jean Paul II avait déjà dénoncé ce rôle néfaste des cartels, soulignant à quel point la drogue corrompt toute la société. Pas seulement ceux qui la consomment ou qui la trafiquent, mais également les commerçants qui servent au recyclage de l’argent sale, les fonctionnaires qui ferment les yeux ou truquent les procédures, et tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, vivent de l’argent qui ruisselle de la drogue. D’où la grande difficulté à interrompre la machine : c’est toute une société qui, d’une manière ou d’une autre, bénéficie de la manne financière et n’a donc pas intérêt à y mettre un terme. La violence aidant, peu ose parler ou intervenir.

L’Église a donc toujours considéré que le problème de la drogue n’est pas uniquement sécuritaire, mais qu’il est aussi social et culturel. Il faut certes lutter contre les réseaux, les producteurs, les trafiquants, mais aussi contre tous les rouages de la société qui en vivent. D’où le travail social réalisé pour s’occuper des plus pauvres, notamment des enfants, pour les former et leur trouver un métier avant qu’ils ne tombent dans les trafics.

Travail social

Nombreux sont les évêques et les prêtres à avoir dénoncé la violence de façon publique, parfois au péril de leur vie. L’Église insiste sur la paix, qui passe par la justice sociale et la fin de la corruption, qui touche de nombreux échelons de l’État. Elle cherche également à apporter un soutien aux victimes, en accueillant les enfants, en les soignant, en s’occupant des familles endeuillées par les règlements de compte. Cela grâce à son réseau de paroisses et d’associations, qui vont au plus près des populations concernées. Au niveau international, le Saint-Siège intervient dans les organisations officielles pour dénoncer les réseaux et faire adopter des textes qui permettent de les limiter. Avec un succès timoré compte tenu de l’ampleur du problème, mais dans le cadre d’une action globale, le problème de la drogue ne concerne pas que le Mexique.

La question de la drogue est typique de cette "guerre mondiale par morceaux" dénoncée par le pape François.

Enfin, fidèle à sa mission qui est de toujours avoir une vision complète et totale de l’homme, les autorités catholiques ont toujours insisté sur la nécessité de combattre les causes profondes des trafics : la pauvreté, l’absence d’opportunités pour les jeunes, afin de prévenir leur recrutement par les cartels, et surtout le traitement des consommateurs. La question de la drogue est typique de cette "guerre mondiale par morceaux" dénoncée par le pape François. Les crimes commis au Chiapas ou le long de la frontière américaine trouvent leur origine dans le consommateur américain ou européen. C’est aussi sur ce levier-là qu’il faut agir, la guerre contre la drogue étant une véritable guerre mondiale.

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