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Faut-il tenter de battre des records dans la vie spirituelle ?

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Jean-Marie Gueullette - publié le 23/01/25
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Médecin et théologien, le frère dominicain Jean-Marie Gueulette est un spécialiste de François de Sales. Dans son petit traité spirituel à la fois simple et moderne, "Dieu prend soin de nous" (Cerf), il montre comment la lecture de François de Sales nous ramène gentiment mais fermement à l’exigence du quotidien : "Ce n’est pas en imaginant pouvoir un jour être parfait que nous deviendrons disciples du Christ."

Nous sommes aujourd’hui plongés dès notre plus jeune âge dans une culture de la performance. Dans les études, le sport, la vie professionnelle, il nous faut être "au top", pratiquer "le zéro défaut", "viser l’excellence" etc. Il n’est pas très étonnant que cela influence notre vie chrétienne et que tant de chrétiens cherchent avec générosité à faire toujours plus, jusqu’à l’épuisement. C’est un point sur lequel saint François de Sales vient nous interpeller avec vigueur. Il est bon de chercher à se convertir, à limiter l’impact de nos défauts sur les autres, mais à la condition que nous n’oubliions jamais que nous sommes des créatures, limitées.

L’exigence du quotidien

Tous nos actes sont marqués par des limites, par l’imperfection, et il n’y a pas à s’en lamenter, ou à rêver que cela puisse être autrement. Le saint évêque met souvent en garde contre les désirs impossibles les personnes qu’il accompagnait, et qui étaient souvent ravagées par un désir de sainteté un peu excessif. "Tenez pour suspects tous ces désirs qui ne peuvent être suivis d’effets."

La vertu d’humilité était à ses yeux le fondement d’une vie chrétienne juste. Il nous faut reconnaître, et c’est parfois rude, nos limites et notre imperfection. Alors que tout nous pousse à vouloir vivre des expériences extraordinaires, à faire des gestes impressionnants dont on va parler sur les réseaux sociaux, saint François de Sales nous ramène gentiment mais fermement à l’exigence du quotidien. Ce n’est pas en imaginant pouvoir un jour être parfait que nous deviendrons disciples du Christ. C’est en le suivant avec humilité, en mettant ce que nous sommes au service de la charité, de l’amour de Dieu et des autres.

Ne pas confondre imperfection et péché

Il y a une forme particulièrement subtile de l’orgueil qui consiste à s’accuser d’être imparfait, à confondre imperfection et péché. C’est en effet une manière d’affirmer qu’avec quelques efforts et la grâce de Dieu ce sera possible d’être parfait. Si je regarde systématiquement l’imperfection comme un péché, c’est donc que j’aurais pu faire autrement, c’est donc que la perfection était possible et que je l’ai refusée. Mais quelle que soit notre sainteté, nous resterons des créatures, nous resterons imparfaits. Saint François de Sales disait que nous ne devrions pas nous étonner de nous retrouver si souvent à terre le nez dans la boue, ce qui devrait nous étonner, c’est de tenir debout…

Un tel propos n’a rien de misérabiliste ; il ne cherche pas à amoindrir notre désir de faire tout ce que nous pouvons pour Dieu et pour les autres. Faisons ce que nous pouvons, mais ne rêvons pas de faire ce qui est impossible, ne rêvons pas que Dieu va nous faire la grâce de ne plus être humain, de ne plus avoir de limites. Ce ne serait pas une grâce ! C’est dans le cadre de nos limites que nous sommes disciples ; c’est en assumant nos limites qu’il est venu nous sauver. La vie chrétienne ne semble pas très attirante car au lieu de présenter un projet qui ressemblerait à celui d’un sportif de haut niveau visant le record et la performance, elle nous demande simplement de faire ce que nous pouvons. Le prophète Michée le disait déjà : "On t’a fait savoir, homme, ce qui est bien, ce que le Seigneur réclame de toi : rien d’autre que d’accomplir la justice, d’aimer la bonté et de marcher humblement avec ton Dieu" (Mi 6,8).

Mettre en valeur son devoir d’état

Ce propos sur l’imperfection, qui vient chatouiller notre orgueil ou nos rêves, s’articule chez François de Sales avec la mise en valeur du devoir d’état, autre aspect de la vie chrétienne qui ne semble pas très tendance aujourd’hui. Ce que j’ai à faire pour être disciple du Seigneur, c’est de faire ce qui est lié naturellement à ce que je suis. Si je suis père de famille, je n’ai pas à tenter de vivre comme un trappiste, si je suis mère de famille nombreuse, je ne peux consacrer deux heures par jour à l’oraison comme une carmélite. Mais ce qui correspond à mon état, je dois le faire aussi bien que possible, sans en rajouter. "Dieu se contente de nos petites besognes et a agréable la préparation de notre cœur" disait-il à une mère de famille qui rêvait de faire des prouesses spirituelles.

Pratique :

Dieu prend soin de nous, goûter la vie spirituelle avec François de Sales, Fr. Jean-Marie Gueulette op, Cerf, décembre 2024, 133 pages, 18 euros.
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