"Rien sans la responsabilité personnelle de l’évêque, rien sans l’avis des presbytres, rien sans le consentement du peuple de Dieu." Cette maxime citée à la fin du document final du synode sur la synodalité, nous vient de saint Cyprien de Carthage (200-258). Au cœur de crises aiguës traversées alors par l’Église comme celles concernant la repentance des lapsi [les chrétiens ayant renié leur foi, Ndlr] ou encore la nécessité de rebaptiser ou non des chrétiens venus de groupes jugés hérétiques et qui demandaient à revenir dans l’Église romaine, la phrase résonne encore bien aujourd’hui comme une prière, et donc comme une espérance.
Un mot barbare
La synodalité est un mot barbare pour la plupart. Il est d’ailleurs étonnant que l’on choisisse systématiquement des termes inconnus et quasi-intraduisibles pour s’adresser à un monde que l’on sait si étranger. Mais au-delà des querelles sémantiques, le terme évoque la seule manière possible semble-t-il, pour que l’Église puisse non seulement sortir des ornières où elle s’est embourbée mais aussi pour qu’elle soit fidèle à ce cheminement spirituel et théologique dont le concile Vatican II était jusque-là la dernière étape vécue.
La synodalité pointe l’absurdité d’un gouvernement vertical d’un seul sur tous, qui ne peut plus aujourd’hui s’exprimer sans une brutalité qui n’est plus acceptable de nos jours.
J’ai eu quant à moi la grâce de percevoir les bienfaits de cet exercice dans la mise en place de projets paroissiaux. Se retrouver ainsi entre baptisés pour prier chacun en essayant de mettre son cœur et son esprit en communion avec le désir de Dieu. Comprendre ensuite combien la parole de chacun est importante et digne d’écoute sans tenir compte de sa fonction ou de son "grade" mais parce que l’Esprit saint fait de chacun son temple. Laisser cette parole être portée par le souffle de celui qui l’inspire sans l’interrompre ou la juger, mais accueillir en vérité celui qui, en face de moi, avec la grandeur et les pauvretés de ce qu’il est, m’est donné comme le révélateur du visage de Jésus. Poser ensemble ces actes de foi et prendre enfin au sérieux cette configuration au Christ reçue au baptême qui fait de chacun un prêtre, un prophète et un roi. Ne pas chercher à décider, à trancher, rompre avec l’esclavage moderne qui presse et urge en prétendant qu’un bon chef doit avoir un avis sur tout et qu’il faut aboutir vite et clairement à des décisions concrètes. Accepter que la révélation se fasse, dans le temps sans borner d’avance ce que l’Esprit doit dire ou manifester...
La prise en compte que l’Esprit parle
L’expérience fut joyeuse d’abord, apaisante aussi, sans effacer les différences et sans estomper toute tension. La synodalité pointe l’absurdité d’un gouvernement vertical d’un seul sur tous, qui ne peut plus aujourd’hui s’exprimer sans une brutalité qui n’est plus acceptable de nos jours. Sans compter l’impossibilité de pouvoir répondre de tout dans l’accélération épuisante du temps qui, à chaque seconde, ouvre de nouvelles questions et à chaque minute apporte son lot de nouveaux problèmes. Elle pointe aussi la folie d’une démocratie où chacun veut faire prévaloir son point de vue sans aucun souci du bien commun dès lors qu’il contrevient à nos lubies existentielles. La majorité recherchée à tout prix expose à la tyrannie des extrêmes, nous le voyons dans notre pays.
Le temps s’ouvre, et rendons-en grâce, où le baptême est appelé à être vécu par tous, quelle que soit la mission ou l’état de vie, comme une participation active et légitime à la mission d’annoncer l’Évangile.
La démarche synodale n’est pas le jeu des lobbies ou la recherche effrénée d’une majorité. Elle est la prise en compte que l’Esprit parle en et par chacun, à condition de donner à tous la possibilité de le découvrir et de s’ouvrir à cette réalité. Rien n’empêche ensuite de donner à quelques-uns délégation pour conduire la bonne marche d’un projet qui s’appuie sur ce que ces discussions dans l’Esprit peuvent faire émerger. À condition que ce groupe ne prenne pas cette confiance comme un blanc-seing et qu’il continue à rechercher humblement à avancer dans la lumière de l’Esprit, en rendant compte à ceux qui l’ont envoyé.
La participation de tous à la mission
N'est-ce pas d’ailleurs l’exemple montré par le pape François qui, contrairement à l’usage qu’il avait par ailleurs suivi jusqu’alors (publier une exhortation), a choisi que le texte des participants au synode constitue le document final qu’il a lui-même signé sans en retrancher ni ajouter quoi que ce soit ?
Le temps s’ouvre, et rendons-en grâce, où le baptême est appelé à être vécu par tous, quelle que soit la mission ou l’état de vie, comme une participation active et légitime à la mission d’annoncer l’Évangile. Manifester ainsi que nous sommes les témoins de cette rencontre possible entre la marche des peuples qui cherchent Dieu et la marche de Dieu vers tout homme. Voici donc ce chemin, sans angélisme ni naïveté, qui manifeste notre foi en la capacité du Seigneur à mettre en communion ses disciples comme la révélation de sa présence au milieu de sa création.