Dans les années 1950 et 1960, le violoniste et pédagogue japonais Shinichi Suzuki a entrepris des tournées aux États-Unis et en Europe avec de très nombreux élèves. La précision technique et la musicalité authentique de ces derniers lors des concerts impressionnent les auditeurs et nombreux furent ceux qui partirent au Japon pour étudier auprès de cet homme, dont la vision semblait accomplir des miracles. La méthode d'enseignement musicale révolutionnaire de Suzuki s'est alors répandue dans le monde entier.
Mais quel était le secret de l'approche de Suzuki ? Suzuki croyait fermement que les enfants ont la capacité d’apprendre la musique de la même manière qu’ils apprennent leur langue maternelle, et donc sans le moindre effort, simplement en écoutant les autres parler, en imitant les sons et en ayant l’opportunité de pratiquer. Si une même méthode pouvait être appliquée à l’apprentissage musical, supposait-il, les enfants pourraient apprendre avec enthousiasme et rapidité. Il obtint des résultats remarquables, mais au-delà des compétences techniques, l’objectif de Suzuki était de former des enfants non pas pour qu’ils deviennent des artistes professionnels, mais pour qu’ils deviennent des personnes de qualité.
À la découverte de la beauté de la musique
Shinichi Suzuki (1898-1998) n'avait pas, au départ, l’ambition de devenir musicien. Il avait toujours rêvé de travailler dans l’atelier de lutherie familiale, où il avait passé son enfance avec ses frères à jouer, à se chamailler et à se frapper les uns les autres avec des violons, qu'ils considéraient comme de simples jouets. Ce n'est qu'à l'adolescence après avoir entendu un violoniste jouer, qu’il se passionne pour cet instrument et commence à l’apprendre en autodidacte. Il poursuit ensuite sa formation en Allemagne, sous la tutelle de Karl Klingler, un violoniste renommé et c’est grâce à lui que son éducation musicale a pris une tournure sérieuse.
Tout au long de son parcours en Allemagne, Suzuki se lie d’amitié avec des personnalités exceptionnelles qu’il rencontre dans des cercles culturels à Berlin. Parmi elles, il rencontre Albert Einstein qu’il a l’occasion d’entendre jouer du violon lors de rencontres privées. Suzuki observe que la plupart de ces personnalités sont non seulement des artistes exceptionnels, mais aussi des personnes d’une grande modestie, d’une grande sensibilité intellectuelle, et d’une générosité remarquable. Il comprend alors ce que l’étude de la musique peut apporter à une personne et c’est cette grandeur d’âme qu’il cherche à imiter et à transmettre dans sa propre vie. Il dit d’ailleurs que « si un musicien veut devenir un bon artiste, il doit d’abord devenir une personne plus raffinée », c’est ainsi que ses réalisations peuvent devenir crédibles et plus attrayantes.
La rencontre qui le conduit à la foi catholique
L’une des rencontres les plus marquantes de sa vie fut celle de la soprano Waltraud Prange, qui devint son épouse. Selon une courte biographie dans The International Suzuki Journal : « Waltraud était la soprano soliste de l’église catholique qu’elle fréquentait à Berlin. À son insu, Suzuki a commencé à assister aux offices du dimanche pour l’entendre chanter. » C’est donc à travers la musique et la beauté de la liturgie qu’il fait ses premiers pas vers la foi catholique. En suivant les offices pour l’entendre chanter, il découvre une dimension spirituelle dans la musique qui va profondément transformer sa vision de l’art. Dans ses propres mémoires, My Life With Suzuki, son épouse a écrit : « Suzuki allait souvent à l’église sans que je le sache, et il est devenu catholique bien avant notre mariage. » Ils se marient en 1928 dans une église catholique de Berlin, et à sa mort en 1998, Suzuki reçoit des funérailles catholiques.
Ce qui distingue la méthode Suzuki des autres approches pédagogiques est la vision de la musique comme un moyen de formation morale et humaine. Selon lui, la musique n’est pas simplement un moyen d’acquérir des compétences techniques, mais un outil permettant de former des personnes raffinées. Son objectif n’est pas de créer des artistes professionnels, mais des bonnes personnes, dont les compétences et les qualités humaines leur permettent de prospérer dans tous les aspects de la vie.