Le 3 août 2025, le bienheureux Pier Giorgio Frassati deviendra saint grâce à la reconnaissance d’un deuxième miracle attribué à son intercession. Béatifié par le pape Jean Paul II en 1990, l’italien Pier Giorgio Frassati, décédé à l’âge de 24 ans, est un modèle de sainteté, notamment pour les jeunes adultes. Très sportif et joyeux, il était tourné vers les plus pauvres qu’il aidait sans compter, et en toute discrétion. Son amour du sport en général et de la montagne en particulier, explique peut-être pourquoi il est aussi un bon intercesseur pour les jeunes sportifs blessés. C’est en tout cas ce dont témoigne le père Juan Gutierrez, dans une interview accordée à Angelus News, dont la miraculeuse guérison est considérée comme le deuxième miracle attendu permettant à Giorgio Frassati de devenir saint.
Le séminariste basketteur
Juan Manuel Gutierrez est né en 1986 à Texcoco, une ville située à la périphérie de Mexico. Ses parents se séparent lorsqu'il a deux ans, et à l’âge de 19 ans, il immigre aux États-Unis pour rejoindre son père à Omaha dans le Nebraska. C’est là qu’il est invité à un week-end de retraite et qu’il revient à la foi catholique de sa jeunesse, dont il s'était éloigné. À tel point qu’il entre au séminaire de Los Angeles. Et nous voilà en 2017, où comme chaque lundi, les séminaristes participent à un match de basket. Bien qu'il ne soit pas vraiment un athlète, Juan a toujours aimé le sport, en particulier le basket-ball et le football, et il aime cette possibilité de jouer chaque semaine. Pourtant ce soir-là, le jeune homme heurte sa cheville "à quelque chose" et sent une douleur "supportable" mais qui l'empêche toutefois de finir le match. Ne s’écoutant pas trop, il boitille quelques jours sans prendre la peine d’aller voir un médecin, jusqu’à ce qu’il accompagne finalement un autre séminariste qui devait aller à l'hôpital. Comme il est sur place, il en profite pour demander une radio mais rien ne semble cassé, il s'agirait d'une élongation musculaire. De retour au séminaire avec seulement des analgésiques, il décide de suivre les conseils d'un autre séminariste, et se met à faire des étirements pour soulager la supposée "élongation musculaire", tout en continuant à marcher avec des béquilles.
Neuvaine à Pier Giorgio Frassati
Mais la douleur ne fait qu’empirer, alors au bout de trois semaines, il obtient un rendez-vous pour une IRM le 31 octobre, et on lui découvre un ligament croisé antérieur déchiré. Il va falloir opérer, la date est prise. De retour au séminaire, la nuit est mauvaise, faite d’inquiétudes pour la suite. Mais c’est le jour de la Toussaint, alors après la messe, Juan va rester longtemps à prier dans la chapelle du séminaire et décide de demander "l'aide d'en haut". C'est alors qu'il ressent le besoin de prier une neuvaine, ce qu'il avait déjà fait à maintes reprises, mais qu’il a l'impression d'entendre un murmure dans sa tête lui suggérant le bienheureux Pier Giorgio Frassati. Il se met donc en prière devant le saint sacrement, et pendant neuf jours, il dit ne pas demander pas sa guérison mais juste du soutien. "Ma prière était : Seigneur, par l'intercession du bienheureux Pier Giorgio Frassati, je te demande de m'aider dans ma blessure". Mais il se sent pousser à ajouter " ... et je promets que, si quelque chose d'inhabituel se produit, je le signalerai à qui de droit".
Une chaleur de feu
Quelques jours après le début de sa neuvaine, Juan prie à nouveau dans la chapelle, et c’est alors qu’il sent comme une douce chaleur dans sa cheville. "C'était doux, et puis petit à petit, elle augmentait et, à un moment donné, j'ai pensé qu'une prise électrique prenait feu. J'ai cherché le feu. Et il n'y avait pas de feu. Je me souviens d'avoir regardé ma cheville et d'avoir pensé : "C'est étrange", car je sentais la chaleur". Reconnaissant que de nombreuses guérisons miraculeuses impliquent une sensation de chaleur, le séminariste se met à pleurer devant le tabernacle, et raconte encore. "J'ai dit au Seigneur dans mon cœur : "Ce n'est pas possible. Non pas parce que tu n'as pas le pouvoir de me guérir, mais parce que je sais que je n'ai pas la foi nécessaire pour une telle chose. Et cela m'a bouleversé". Avant même d'atteindre le neuvième jour de sa neuvaine, Juan Gutierrez n'a plus besoin de marcher avec des béquilles et, lorsqu'il se rend à son rendez-vous avec le chirurgien orthopédique, celui-ci est perplexe. Il ne voit plus aucun des symptômes d'une déchirure ligamentaire, comme le montrait pourtant l'IRM. "Le 31 octobre, vous aviez une déchirure du tendon d'Achille, mais maintenant, je ne la trouve pas", déclare alors le médecin au séminariste. Quelques semaines plus tard, Juan refait son jogging quotidien et reprend sa vie normale et ses études au séminaire. Il n'a parlé de sa guérison qu'à son directeur spirituel et à quelques amis proches. Pour lui, l'histoire est terminée. Mais pas le miracle …
Dicastère de la cause des saints
À la rentrée 2020, un nouveau cours est proposé aux étudiants séminaristes, donné par Mgr Robert Sarno, un prêtre américain qui vient de prendre sa retraite après plus de 40 ans passés au Dicastère des causes des saints du Vatican. Le sujet du cours ? La phase diocésaine des causes de canonisation. Juan se dit alors, "Oh, c'est génial ! Peut-être qu'il y a là quelque chose qui me fera raconter mon expérience avec Pier Giorgio à quelqu'un". Lorsque la classe aborde le sujet de la manière dont l'Église enquête sur les affirmations de guérisons miraculeuses, l'idée d'approcher Mgr Sarno pour lui raconter son histoire ne fait pourtant qu'accroître la nervosité de Juan. Il se dit que le prêtre de Brooklyn, connu pour son franc-parler, va rejeter brusquement son récit. "Jésus, donnez-moi le courage de dire quelque chose à ce sujet parce que personnellement je ne veux pas le faire", prie-t-il alors. Un jour, après le petit-déjeuner, Juan trouve enfin le courage d'approcher Mgr Sarno et de lui raconter son histoire. Ce dernier appelle rapidement le Vatican pour lancer l’enquête sur ce second miracle et confiera par la suite, "c'est bien la dernière chose à laquelle je m'attendais ! Que dans ce cours que j'enseigne dans l'archidiocèse de Los Angeles, il puisse y avoir un miracle potentiel pour la canonisation du bienheureux Pier Giorgio Frassati !".
"Ce sont les saints qui nous choisissent"
Depuis son ordination en 2022, le père Gutierrez est vicaire à l'église Saint-Jean-Baptiste, dans la banlieue est de Los Angeles. Autre coïncidence curieuse, la cathédrale où repose Frassati porte également le nom de Saint-Jean-Baptiste. Sa paroisse compte une forte présence hispanique et philippine, avec de nombreux ministères pour les jeunes et au moins une douzaine de messes chaque week-end. "Je pense que Pier Giorgio est un grand modèle pour les jeunes catholiques dans le monde entier". Fort de son expérience, le prêtre confie encore qu'en matière d'intercession céleste, "nous ne choisissons pas les saints, ce sont les saints qui nous choisissent". Alors pourquoi Frassati l'a-t-il choisi ? Le prêtre ne l'a pas vraiment compris, puisqu'il ne partage ni le milieu aisé de l'Italien, ni ses qualités athlétiques. "Aujourd'hui encore, j'essaie de recevoir le miracle de devenir un randonneur", plaisante-t-il, avant de conclure, "il était connu pour avoir un cœur pour les nécessiteux et les pauvres. Et il y a beaucoup de gens qui ont reçu des grâces de lui. Je ne suis pas le seul".