Au départ, les organisateurs étaient six autour du pilote Merlin Mongbandi. Tous enfants des cités, de l’émigration, tous catholiques, forts et fiers d’une foi qui leur donne une urgence : annoncer la parole. L’énergie incroyable qu’ils ont développée, avec d’autres bénévoles venus à leur aide, pouvait paraître un étrange défi : réunir leurs amis, les jeunes des quartiers dans une église parisienne pour partager leur foi une nuit durant. Don Alexis Germon, jeune prêtre très engagé et aumônier de la Fraternité missionnaire des Cités, avec le père Patrice Gaudin, qui les soutient et les encourage, est pour eux un guide dans la foi. Tous ont été accueillis les bras et le cœur ouverts par le curé de Saint-Roch, le père Thierry Laurent, plus habitué aux paroissiens "classiques".
"Ils ont cassé les codes"
Ils ont cassé les codes. Quand on organise un événement, un temps fort, un pèlerinage dans l’Église, on fonctionne par affiches, tracts, publicité diverses. Rien de tout cela, les réseaux sociaux et les réseaux amicaux ont fait le travail d’information et de mobilisation. La force du numérique est insondable alors que se développe une très belle solidarité sur les réseaux. Tous les groupes de jeunes, aumôneries de paroisses et diocèses de la couronne parisienne et au-delà ont convergé vers Saint-Roch sans forcément se connaître. Ensemble, ils se sont engagés pour ramener le plus de gens vers Dieu.
Ils ne se connaissaient pas. Merlin a fait acclamé tour à tour les "93", les "91", les "77" etc., foyers vivants d’une foi périphérique si active et si peu connue. Les jeunes ont été touchés par les évêques présents qui se sont fondus dans la foule, au milieu de tous : pas de place VIP ! "Le nonce, représentant du Pape, était à côté de moi ; nous avons prié comme s’il était un jeune de nos quartiers", raconte Mélissa. Quand il a pris la parole, Mgr Celestino Migliore a témoigné de sa foi, de son parcours pour devenir prêtre, ses doutes et ses peurs, ses joies avec une simplicité qui a ému l’assemblée. Il était redevenu un jeune parmi les jeunes. Mgr Matthieu Rougé a donné un enseignement soulignant le courage de cette foule témoignant leur foi dans des quartiers difficiles. Quant à Mgr Étienne Guillet, le nouvel évêque de Saint-Denis, particulièrement concerné par la jeunesse des quartiers populaires, il a confessé une partie de la nuit, comme les autres prêtres présents. Ces pénitents ont déposé aux pieds du Christ leur vie, avec parfois de lourdes douleurs et ont trouvé le réconfort et l’amour de leur frère Jésus.
Mille bougies
Une grande joie s’est exprimée par la louange en français, anglais, créole ou lingala, les corps ondulant, faisant communion. Le feu de l’amour a embrasé l’église puis le silence, un profond silence, celui de l’adoration. Les projecteurs, lumières ondoyantes et grand écran, animent la louange puis l’énorme ostensoir du XVIIIe reçoit la Sainte Hostie pour l’adoration, signe de l’éternel amour et de la permanence de l’Église universelle.
À 4 heures du matin, mille bougies comme autant de fidèles s’allument pour la messe célébrée dans une ferveur palpable, tous se connaissaient désormais par la prière commune, l’unité dans la foi et la force d’aller évangéliser. Cette église dédiée à Saint-Roch, ami des pauvres et des malades, est devenue le lieu de l’action de grâce de jeunes Français issus de toutes les parties du monde pour répondre à l’appel de Dieu : "Il y en a un qui nous invite et qui nous réunit dans la joie puis le silence, pour plonger dans la prière avec simplicité et densité."
Et si c’était là l’avenir de l’Église en France ?
Ils ont le look de ces jeunes de banlieues, mais sont hyper-spirituels. On les marginalise facilement, ils évangélisent avec une force qui renverse les cœurs. On les suppose perdus au milieu des autres religions dominantes, ils convertissent : jamais les baptêmes n’ont été si nombreux dans les cités. Et si c’était là l’avenir de l’Église en France ? Et si nous nous laissions convertir par les périphéries ? Et si nous accueillions ces jeunes pour témoigner dans nos paroisses de villes et de campagnes ? Et si ces prêtres des cités étaient les missionnaires d’aujourd’hui ? Bientôt, ils seront les pasteurs de la moitié des catholiques en France. Cette Église, sous les radars, écoutons-la, aimons-la et encourageons-la.
Cette nuit n’était qu’une étape. Dès le samedi matin, les équipes de la Cité Céleste et de Fide Porta Fidei ont démonté leurs installations pour vite préparer Noël. Le père Patrice Gaudin, après avoir confessé toute la nuit, a mené une mission dans son quartier de Sainte-Jeanne d’Arc de la Mutualité à Saint-Denis. L’évangélisation ne s’arrête pas, le souffle de Saint-Roch va porter plus de mille jeunes dans une année de conversion, de jubilé où ils comptent bien aller. Et si nous nous laissions convertir par les périphéries ?