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TikTok tue. Le cri d’alarme de parents endeuillés

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Blanche Streb - publié le 16/12/24
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Les alertes se multiplient dans le monde sur le danger des réseaux sociaux auxquels sont exposés les enfants. Les drames à l’issue fatale sont de plus fréquents. Notre chroniqueuse Blanche Streb montre comment les smartphones peuvent enfermer les jeunes adolescents dans un espace numérique toxique et addictif.

Il s’agit d’une grande première en France. Un recours contre TikTok a été déposé en novembre 2024 devant la justice civile française. Il est porté par maître Laure Boutron-Marmion et par sept familles qui se sont regroupées dans un collectif, Algos Victima, autour de cette avocate énergique et déterminée. Au sein de ces familles, deux adolescentes se sont suicidées, quatre autres ont tenté de le faire, et une dernière a développé des problèmes d’anorexie. 

De son côté, l’Union européenne a lancé le 19 février 2024 une enquête ouverte contre TikTok pour non-respect du Digital Services Act (DSA). Et outre-Atlantique, en mars 2024, ce sont Meta, X, TikTok, Snapchat et Discord qui étaient auditionnés devant le Sénat américain. Face à ces géants, ces "Big Five" comme on les appelle, de nombreuses familles s’étaient rassemblées, chacune apportant avec elles un portrait de leurs enfants. Leur point commun ? Toutes ont traversé la douleur de voir leur fils ou leur fille s’effondrer petit à petit dans de grandes souffrances, les ayant conduits souvent jusqu’au suicide.

L’impact des réseaux sociaux sur la santé mentale des jeunes

Il y a urgence à alerter le grand public sur les dangers auxquels sont exposés les enfants quand on leur met trop tôt un smartphone entre les mains. Pour nous permettre de mieux comprendre ces enjeux, un documentaire édifiant qui retrace la lutte que des parents ont engagés contre ces géants du numérique, en Europe comme aux Etats-Unis, vient d’être diffusé par France TV. "Emprise numérique, 5 femmes contre les Big 5 ", réalisé par Élisa Jadot, est à mettre sous les yeux de tous, jeunes et moins jeunes, pour que cette prise de conscience mette le feu aux poudres et engendre de véritables changements. 

Comment est-il possible que nous laissions les enfants vagabonder seuls en terre inconnue où prédateurs et ravins ne sont jamais loin ? Les dangers sont légion. J’en nommerai deux, bien qu’ils soient plus nombreux. D’abord, il y a le rôle incontestable que jouent les réseaux sociaux sur la dégradation de la santé mentale des jeunes. Pourquoi ? En raison même de leur mode de fonctionnement, qui peut enfermer l’utilisateur dans un espace numérique toxique et addictif. Et cela ne concerne pas seulement les personnes fragiles qui traversent des difficultés personnelles, familiales ou scolaires. Cela peut nuire à tous, parce que tous peuvent tomber sur du contenu délétère et mortifère qui y pullule. "Poussés vers les ténèbres" c’est le nom d’une enquête de 2023 menée par Amnesty international sur la nocivité de TikTok. Voilà un titre qui en dit déjà long. 

Une bulle qui se referme doucement sur l’enfant

TikTok n’est pas à l’origine du mal, mais il le diffuse, et donc l’encourage, lui donne une caisse de résonance inédite. Ainsi, il accélère le mal-être. Et il peut isoler, enfermer, en particulier les enfants qui n’en parlent pas toujours à leurs parents. Ce qui est reproché aux réseaux sociaux, c’est d’exposer les jeunes à des vidéos dangereuses, à un âge où ils sont particulièrement fragiles et influençables, souvent mal dans leur peau. Ces vidéos vont parfois jusqu’à la promotion du suicide, de l'automutilation ou encore des troubles alimentaires. Or, la modération des contenus fait considérablement défaut. Par ailleurs, quand on a le malheur de regarder ce type de contenu, l’algorithme en propose automatiquement d’autres. C’est son rôle. Surtout si on décide de commenter ou de "liker" en guise de soutien à celui qui l’a posté et qui ne va pas bien. C’est ainsi que commencera la mise en place d’une "bulle" qui va se refermer doucement sur celui qui scrolle, inconscient du mal tapi dans l’ombre. L’algorithme va tourner en boucle en proposant ce qu’il a identifié comme étant un "centre d’intérêt" pour l’utilisateur. Celui-ci peut devenir accro, se sentir compris. 

C’est là tout l’objectif de ces outils : capter l’attention et augmenter le temps d’écran de l’utilisateur pour générer le plus de profit. Mais le mal-être ne va faire que s’installer et s’accroître. Le contenu va s’aggraver, devenir de pire en pire. Lorsqu’une personne s’enferme dans ses idées suicidaires, et que tout dans ses réseaux sociaux semble acquiescer voire encourager cette issue fatale, le danger du passage à l’acte devient abyssal. Sans aller heureusement toujours jusque-là, le culte de l’apparence qui règne sur TikTok fragilise les jeunes en pleine construction. Ils passent leur temps à se regarder, se comparer, essayer de se transformer, de donner une image d’eux-mêmes qui coche les bonnes cases. C’est le règne du faux. Et au moindre faux pas, la violence, la médisance, la moquerie tombent comme la foudre. Le cyber harcèlement fait des ravages. En 2022, plus d’un quart des collégiens déplore avoir été au moins une fois victime de cyberviolence. C’est colossal. 

Le danger pédocriminel

Un autre énorme danger, c’est celui de la pédocriminalité. TikTok, Snapchat sont des lieux de chasse féroces pour les pédophiles. Ils gangrènent la plateforme, entrent en contact avec des enfants et des adolescents, les manipulent. Entre eux, ils communiquent par mots clés et acronymes interposés, comme AAM (adulte amateur de mineurs) ou Cheese Pizza, dont les initiales, CP, signifient "Child pornography"…  Le plus terrible, c’est que non seulement ces plateformes ne sont pas sécurisées, mais qu’en plus, leur algorithme sert d’entremetteur entre les criminels et leurs proies. Effrayant.

En 2022, une Américaine, Frances Haugen, ancienne employée de Facebook, dévoilait au monde entier des milliers de documents internes de son ancien employeur, le groupe Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp). On y découvrait que l’entreprise faisait des recherches poussées sur le fonctionnement cérébral des enfants, pour optimiser l’addiction à ses produits. Par ailleurs, on apprend que l’entreprise savait très bien que ses produits aggravent les problèmes d’estime de soi, les troubles du comportement alimentaire et conduit à des tentatives de suicide. Plusieurs fois, des employés de Facebook ont sonné la tirette d’alarme et même proposé des solutions qui n’ont jamais été appliquées. Mark Zuckerberg savait. Il n’a rien fait. Deux jours après son audition au Sénat, où il a été contraint de présenter ses excuses aux familles pour la souffrance endurée, l’action de Meta a bondi de 20%... propulsant Mark Zuckerberg, dans le top trois des plus grosses fortunes mondiales. Ahurissant. C’est David contre Goliath

Des îlots d’alerte

Désormais, des îlots d’alerte et de résistance émergent. La plupart du temps, ce sont des parents, souvent des mères, qui en sont moteurs. L’interdiction des smartphones dans les écoles et les collèges s’étend à plusieurs pays dans le monde : Danemark, Espagne, Pays-Bas, Suède, Irlande, Italie, Nouvelle-Zélande, Grèce, Russie, Chine, Angleterre, Canada, Finlande, Israël, Ouganda, Australie... L’urgence est à l’éducation pour un bon usage du numérique. Si les entreprises de médias sociaux deviennent enfin légalement responsables des préjudices, elles seront tenues de progresser : dans le fonctionnement de l’algorithme, dans la modération des contenus, dans la formation à la prévention, dans la transparence de l’information sur les risques, les effets secondaires et la réalité de l’addiction de ce qu’ils développent. Le chemin sera long mais l’enjeu est de taille : rien de moins que protéger les jeunes générations. Et les moins jeunes…

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