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À Toulouse, ce vitrail contemporain qui met tout le monde d’accord

Vitrail contemporain de la basilique Saint Sernin, Toulouse.

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Pierre Téqui - publié le 13/12/24
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Une œuvre d’art contemporain respectueuse du patrimoine, c’est possible. À Toulouse, l’historien de l’art Pierre Téqui raconte la naissance et l’installation dans une église historique d’une nouvelle rose qui magnifie le dialogue entre tradition et modernité.

Un vitrail contemporain figurant la Pentecôte a récemment été inauguré dans une église médiévale, classée monument historique et restaurée par Viollet-le-Duc. Fait rare : aucune polémique n’a éclaté, personne ne s’est opposé au projet, aucune pétition n’a circulé. Mieux encore : tout le monde applaudit. Mais où ce miracle s’est-il produit ? À Paris ? Non. À Toulouse, en la basilique Saint-Sernin

Les esprits grincheux diront que les querelles sont une spécialité parisienne et qu’au-delà du périphérique, on sait être plus aimable. Ce serait méconnaître l’attachement des Toulousains à leur basilique et ignorer leur tempérament passionné. L’histoire de Saint-Sernin regorge de controverses.

La guerre des mirandes

Durant les XIXe et XXe siècles, l’édifice fut souvent le théâtre de querelles dignes des luttes de gladiateurs. L’historienne Bérénice Waty, spécialiste des conflits patrimoniaux, a même consacré un article savant à ces débats. Dans les années 1980, on débattait déjà de l’état d’origine du bâtiment. La Direction régionale des Affaires culturelles (DRAC) avait alors envoyé son expert pour parler de "dé-violletisation". Mais les universitaires de Toulouse-Le Mirail, sous la houlette de Marcel Durliat, s’y opposèrent vigoureusement. Dès 1989, les débats techniques se transformèrent en véritables passions populaires. Lettres au ministre, expositions au musée Saint-Raymond, interventions médiatiques dans La Dépêche du Midi, et même l’occupation de la basilique en juin 1990 : les Toulousains étaient persuadés que Paris voulait imposer ses décisions de manière autoritaire. Cet épisode, surnommé "la guerre des mirandes", marqua les esprits.

Ce passé tumultueux explique sans doute les précautions prises en 2020 lorsque débute le chantier de restauration du massif occidental dont l’enfeu abrite le tombeau des comtes de Toulouse. Et pourtant, aucun conflit n’éclate. Mieux encore, la commande d’un vitrail contemporain est saluée unanimement. Ce projet visait à créer une rosace pour la façade occidentale de la basilique, avec un budget de 600.000 euros, financé par la municipalité et des mécènes. L’artiste Jean-Michel Othoniel, membre de l’Académie des Beaux-Arts, remporta le concours avec une création réalisée en collaboration avec les Ateliers Loire

Réputé pour son travail sur le verre, Jean-Michel Othoniel a conçu un vitrail répondant à des contraintes techniques rigoureuses : protéger l’orgue Cavaillé-Coll des chocs thermiques, tout en préservant la luminosité exceptionnelle de l’intérieur de la basilique. Mais au-delà de l’aspect fonctionnel, l’œuvre séduit par sa beauté. Interrogé par Aleteia, le père Bogdan Velyanyk, curé-recteur de Saint-Sernin, explique :

"C’est l’action du Saint-Esprit ! Nous avons travaillé avec la DRAC, la mairie, la région, l’État et le ministère de la Culture, et je n’ai rencontré que des personnes formidables, animées d’une passion commune pour l’art et la beauté. Je suis ravi du résultat. Depuis son installation, je n’ai entendu aucune critique. Cette rose ne choque personne. Au contraire, elle magnifie le dialogue entre tradition et modernité, témoignant d’une basilique qui traverse les siècles et continue de rayonner."

Une œuvre inspirée par la Pentecôte

C’est le père Bogdan Velyanyk qui a conçu le programme artistique. Il demanda une œuvre dédiée à la Pentecôte. Pourquoi la Pentecôte ? "Parce que la basilique est consacrée au Saint-Esprit et que la Pentecôte est sa fête patronale !", explique-t-il. Le père Bogdan Velyanyk souligne le fait que l’épisode est déjà représenté dans une fresque de l’abside. La nouvelle rosace lui fait écho : une colombe stylisée au centre incarne le Saint-Esprit, tandis que douze cives rouges évoquent les langues de feu reposant sur les Apôtres.

Avant cette rosace, que trouvait-on ? Rien. Depuis les guerres de Religion, un boulet de canon avait détruit l’ouvrage d’origine. La baie était comblée par un plastique épais, indigne d’un tel monument. Aujourd’hui, la renaissance de cet espace suscite l’enthousiasme. Didier Rykner, directeur de la rédaction de La Tribune de l’Art, connu pour sa défense rigoureuse du patrimoine, salue l’initiative toulousaine : "Il n’y avait aucun vitrail ancien à cet emplacement. L’édifice s’est donc enrichi d’une création contemporaine respectueuse du lieu, sans que des vitraux existants soient supprimés."

Enrichir sans dénaturer

On dit souvent que les défenseurs du patrimoine s’opposent à l’art contemporain. Rien n’est plus faux. Ce qu’ils réclament, c’est de veiller à ce que les créations d’aujourd’hui respectent les œuvres d’hier. Ajouter sans retirer. Enrichir sans dénaturer. À Saint-Sernin, l’Esprit saint a soufflé sur une œuvre à la fois tournée vers l’avenir et fidèle au passé. Et si c’était cela, l’Église que nous désirons ?

Nous remercions le père Bogdan Velyanyk pour son récit érudit et passionné de ce chantier, Didier Rykner pour les réponses apportées à nos questions et le service de la communication de la mairie de Toulouse pour leur réactivité. 

[EN IMAGES] Le vitrail contemporain de la basilique Saint Sernin de Toulouse

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