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Syrie : après la chute d’Assad, le sort incertain des chrétiens

Syriens sur la route de la prison de Saydnaya le 9 décembre 2024, où des prisonniers ont été libérés de la prison de Saydnaya, tristement célèbres pour ses conditions de détention désastreuses.

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Cécile Séveirac - publié le 09/12/24
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Au lendemain de la chute du gouvernement de Bachar Al-Assad en Syrie, le 8 décembre, les chrétiens semblent tiraillés entre l'espoir d'une ère nouvelle et la méfiance envers les groupes rebelles et islamistes.

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Partir ou rester ? De nouveau piégée sur son propre territoire, prisonnière d'un conflit sans fin dans lequel sa voix ne compte pas, la minorité chrétienne de Syrie hésite. Au lendemain de la chute du régime de Bachar Al Assad, dimanche 8 décembre, seule l'incertitude subsiste. "Ici, on ne sait pas trop ce qu'il faut penser. On est dans l'inconnu et l'insécurité totale", confie à Aleteia une religieuse sur place. "La situation est très calme, il n'y a plus de batailles", décrit à Aleteia le père Jacques Mourad, archevêque de Homs.

Une semaine plus tôt, l'offensive éclair menée par une coalition de groupes rebelles venus de la province d'Idlib (nord-est de la Syrie) mettait l'armée syrienne en déroute et prenait le contrôle total de la ville d'Alep avec une facilité déconcertante, avant d'entraîner la fuite du dirigeant Bachar Al-Assad et toute sa famille en Russie. Cette coalition est menée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTS) : cette organisation, catégorisée comme terroriste par les États-Unis et les Nations unies, est une ancienne filiale d'Al-Qaïda avec laquelle le chef d'HTS, Abu Mohammed Al-Jolani, a affirmé à plusieurs reprises avoir rompu les liens. Le Parisien rapportait pourtant en mars 2021 que l’un de ses membres était en contact avec le terroriste islamiste d’origine tchétchène Abdoullakh Anzorov, bourreau du professeur Samuel Paty. Autre entité à la manœuvre aux côtés d'HTS, l’Armée Nationale Syrienne (ANS), soutenue par la Turquie et qui regroupe entre 50.000 et 100.000 combattants, à l'intersection entre des factions rebelles et des groupes islamistes.

"Les chrétiens attendent de voir si les promesses données par ces groupes vont être tenues", Vincent Gelot, directeur pays Liban-Syrie pour l'Œuvre d'Orient.

Depuis, la minorité chrétienne ne sait quelle attitude adopter envers les nouveaux maîtres du territoire, partagée entre l'espérance d'une nouvelle ère et la peur des persécutions. Si pour le moment aucune violence envers les chrétiens n'a été déplorée, une partie d'entre eux retient son souffle. "Depuis leur arrivée, ils nous disent de ne pas nous inquiéter et qu'ils ne nous veulent aucun mal. Mais on se rappelle que Daech avait dit la même chose aux habitants de Mossoul en 2014", témoigne Nabil, médecin chrétien à Alep, aux Echos. "L'inquiétude est réelle quant aux groupes qui ont pris le contrôle, notamment HTS", confirme Vincent Gelot, directeur pays Liban-Syrie pour l'Œuvre d'Orient. "En même temps, il y a une forme de soulagement : soulagement par rapport à la fin du régime et à tout ce qu'il signifiait, car c'était un régime très dur à l'égard de toute la population, y compris les chrétiens". Derrière l'inquiétude se profile donc un timide espoir, celui de voir la Syrie sortir de son isolement et opérer un changement dans ses institutions. Un espoir tempéré toutefois par la tragique expérience précédente, lorsque le vent de liberté insufflé par les printemps arabes avait été coupé net par la guerre civile. "Les chrétiens attendent de voir si les promesses données par ces groupes vont être tenues", poursuit Vincent Gelot.

85% de chrétiens ont quitté la Syrie

De son côté, le père Jacques Mourad tranche par une opinion beaucoup plus optimiste. "Au tout début des combats, quand les grandes villes sont tombées, nous avons eu peur, nous ne voulions pas vivre la guerre une autre fois", reconnaît l'archevêque d'Homs, lui-même fait otage par Daesh en 2015. "Mais aujourd'hui, on se sent en paix. C'est la première fois que je vis pleinement ce sentiment de liberté. Certains chrétiens ont peur, mais une majorité pense que la chute du gouvernement d'Assad rendra la dignité à notre peuple et entraînera un vrai renouvellement", poursuit-il. Sous le gouvernement de Bachar Al-Assad, la minorité chrétienne bénéficiait de la liberté de culte, mais "la discrimination était omniprésente dans tous les aspects de la vie". "Là, nous avons des raisons d'espérer qu'une égalité de traitement entre tous les citoyens puisse advenir", espère l'archevêque. Quid de l'affiliation initiale d'HTS avec Al-Qaïda ? Pour le père Mourad, la grande erreur des Occidentaux est de confondre rebelles et islamistes. "Ceux qui ont pris la tête du pays sont de jeunes syriens cultivés, éduqués, très intelligents. Il ne s'agit pas de terroristes, mais de citoyens sunnites syriens chassés par Assad et forcés à vivre dans des camps sans raison pendant douze ans."

Laissée exsangue par la guerre civile, la communauté chrétienne est également fragilisée, comme toute la population, par les sanctions économiques et des taxes trop élevées. Depuis 2011, date du printemps arabe, 85% des chrétiens ont quitté le pays, faisant chuter leur nombre de 2 millions à environ 500.000, soit environ 2% de la population syrienne.

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