Le raisin, nourriture de l’épreuve et de la fertilité

Les premiers temps bibliques ont accordé une grande importance à la vigne et  plus particulièrement à son fruit le raisin. A l’époque antique, ce dernier était dans le pourtour de la Méditerranée l’aliment essentiel du quotidien avec l’olive et le pain, ce que le Psaume 127 n’hésitera pas à souligner : "Ta femme sera dans ta maison comme une vigne généreuse… ". Si de nos jours le raisin figure encore au premier plan de bien des régimes méditerranéens, ce fruit fut plus encore au menu essentiel des peuples de la Bible et très tôt est soulignée dans l’Ancien Testament cette image associant terres bénies de Dieu et raisin en un signe de fertilité. 

Dieu est source de toute création, nous rappelle le Livre de la Genèse, et les fruits de la terre - dont le raisin a la part éminente - sont non seulement évoqués comme une nourriture terrestre quotidienne, mais également spirituelle. Aussi, après la faute primordiale d’Adam et Ève, c’est quelques générations plus tard que Dieu accordera à Noé l’un des plus précieux dons : "Noé, homme de la terre, fut le premier à planter la vigne" (Gn 9,20), faisant de cet homme sage le premier des vignerons grâce auquel le raisin fut offert. Cette bénédiction se retrouve également lors de la recherche de la Terre promise lorsque Moïse intima à ses émissaires de rapporter du pays de Canaan ses plus beaux fruits. Le résultat fut à la hauteur de leur surprise : "Ils allèrent jusqu’à la vallée d’Eshkol où ils coupèrent un sarment et une grappe de raisin. Ils la portaient à deux au moyen d’une perche" Nb 13,23)… Le prophète Amos aura, lui aussi, recours à des images très fortes quant à la fécondité associée au raisin, nourriture biblique de premier plan : "Voici venir des jours – oracle du Seigneur – où se suivront de près laboureur et moissonneur, le fouleur de raisins et celui qui jette la semence" (Am 9,13).

Mais le psalmiste peut également avoir recours à la métaphore de la vigne et de son fruit pour signifier la colère divine à l’encontre de son peuple infidèle ayant violé ses commandements. L’image ressortant du Psaume 79 est éloquente lorsque le peuple ayant échappé à l’esclavage de l’Égypte est comparé à une vigne replantée en un pays fertile où elle put s’enraciner et emplir le pays au point que son ombre couvrait les montagnes. Mais le peuple d’Israël s’éloignant de son bienfaiteur lui sera infidèle, lui préférant d’autres dieux, ce qui engendrera la colère divine : "Pourquoi as-tu percé sa clôture ? Tous les passants y grappillent en chemin ; le sanglier des forêts la ravage et les bêtes des champs la broutent. Dieu de l'univers reviens ! Du haut des cieux, regarde et vois : visite cette vigne, protège-la, celle qu'a plantée ta main puissante, le rejeton qui te doit sa force. La voici détruite, incendiée ; que ton visage les menace, ils périront !" (Ps 79).

Jésus n’hésitera pas également à recourir aux allégories sur le raisin, suivant en cela la longue tradition biblique. Ainsi, c’est à une vigilance de tous les instants, à un discernement comparable à la qualité des fruits selon les arbres qui les donnent auquel appelle Jésus, évoquant les faux prophètes : "C’est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Va-t-on cueillir du raisin sur des épines, ou des figues sur des chardons ?" (Mt 7,16) ; et de prévenir : "un arbre bon ne peut pas donner des fruits mauvais, et que l’arbre qui pourrit donne des fruits mauvais". De manière encore plus explicite, Jésus dans l’évangile de Jean est comparé au cep de vigne : "Tout sarment qui est en moi, mais qui ne porte pas de fruit, mon Père l’enlève ; tout sarment qui porte du fruit, il le purifie en le taillant, pour qu’il en porte davantage" (Jn 15,2). Les bonnes œuvres seront alors comparables à ce raisin sucré et généreux qui ne pourra provenir que de vignes fertiles…