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Il y a quelques jours, une salariée de France Travail évoquait la progression de l’Intelligence artificielle dans les refontes de l’agence pour l’emploi. Au moins, dans quelque temps, pour les premiers dialogues avec le chômeur. Déjà ceux qui ont eu à demander le remboursement d’un billet de train, ou à faire des démarches diverses ont bien du mal à trouver comme interlocuteur autre chose qu’une voix de synthèse. À Lucerne en Suisse, dans une petite église, on a même installé un « Deus in machina » dans un confessionnal, afin de permettre aux visiteurs de « parler avec Jésus ». Là encore les résultats sont mitigés : certains se déclarent heureux voire émus de ces discussions qui ne sont en fait qu’un échange de monologues. Mais beaucoup demeuraient sceptiques estimant les réponses trop « clichés ». Sans compter le risque de devoir assumer un jour des hérésies proférées par la machine qui ne seraient en fait que des bugs informatiques... On attend avec impatience de voir entrer un humain dans l’étrange confessionnal qui, dépourvu d’imagination, taperait sur son téléphone à une application d’IA la phrase suivante : « Que puis-je demander à Jésus ? », et d’entendre la réponse que la machine d’en face lui apporterait. L’homme devenu spectateur muet de paroles numériques.
Ce qui ne rend pas muet les commentateurs, c’est l’inauguration de la cathédrale Notre-Dame de Paris en ces jours heureux. On aura grand profit d’ailleurs à lire ou relire le livre du général Jean-Claude Gallet avec le journaliste Romain Gubert : Éloge du courage (Grasset). Jean-Claude Gallet est véritablement celui qui commanda ce soir d’incendie les sauveurs de Notre-Dame. C’est lui qui assuma de faire monter des hommes en haut de la tour nord au péril de leurs vies. C’est lui qui choisit par la suite de se taire au risque d’en laisser beaucoup d’autres pérorer. En ce 29 novembre, lors de sa dernière visite de chantier, le président de la République et sa suite étaient accompagnés des centaines de compagnons, ouvriers, techniciens, hommes et femmes de l’ombre sur lesquels aucune lumière ne brillera mais qui ont quant à eux « fait » la nouvelle cathédrale.
L’essentiel, ce sont les hommes
Aucune plaque ne nommera tous ces hommes, soldats du feu ou charpentiers, et pourtant tout repose sur eux. On s’attarde à commenter les choix de designer pour le mobilier liturgique et l’on polémiquera forcément sur les couleurs des vitraux. Chacun trouvera à dire et à redire et je continuerai pour ma part à pleurer l’autel de Touret que Jean-Marie Lustiger consacra et qui constitue bien plus qu’une table, mais un travail théologique. Mais tout cela est finalement bien peu de choses. L’essentiel, ce sont les hommes. Il est bon que l’on commence par honorer ceux-ci avant de disserter subtilement sur les nouvelles chasubles et autres manteaux de chanoines qui, vraiment, ne disent pas la vérité de ce que l’Église doit être. « Tu es béni Seigneur Dieu de l’univers, pour ce pain, pour ce vin, fruits du travail des hommes... » Oui, c’est le courage de l’homme, son labeur, rude, quotidien, caché, enfoui, qui dévoile la beauté de l’œuvre de Dieu. C’est par son travail que l’homme collabore avec le Créateur. Et il est là le vrai courage. Le reste, c’est du folklore : agréable à regarder, irritant parfois car trop redondant, mais toujours accessoire.
L’accomplissement se fait dans le silence
Que voulons-nous, nous chrétiens, que cette cathédrale dise au monde de celui qui y est célébré ? Non pas simplement de Dieu, mais du corps vivant qui y est transfiguré par la présence du Christ, célébration après célébration, et qui est appelé à se faire à son tour nourriture pour les faims des hommes et eau vive pour leurs soifs et leurs recherches. Les « courageux » qui en sont désormais les artisans, que nous donnent-ils comme témoignage sinon que l’accomplissement de l’œuvre se fait dans le silence et le travail, l’humilité et l’abandon. Le général Jean-Louis Georgelin, l’autre général à qui l’on doit beaucoup, l’avait bien compris dès le premier jour, lui qui, d’emblée, chercha à rencontrer les ouvriers et les regardait avec admiration et un respect immense. Serons-nous dignes à notre tour de ce message et le laisserons-nous résonner en nous-mêmes plus fort et plus puissant que les sonneries des trompettes de la renommée ?
Afin de manifester à tous que le Christ ne cesse de vouloir rencontrer, se donner, servir, en un mot aimer chacun de nous pour nous révéler combien Dieu aime. Et qu’il n’est nul besoin pour cela de recourir aux artifices du monde, mais bien plutôt, pour le croyant, pour l’Église, de travailler sans relâche et sans bruit à être ce canal essentiel et quelconque par lequel passe quelque chose que certains appellent la grâce.