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La mort d’un enfant à naître est-elle un homicide ?

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Pierre Palmade.

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Jean Paillot - publié le 30/11/24
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Avocat au barreau de Strasbourg, enseignant en droit de la santé, Me Jean Paillot revient sur les leçons du procès de Pierre Palmade. Condamné à cinq ans de prison dont deux fermes, l’humoriste a été jugé pour "blessures involontaires" et non pour "homicide", malgré la mort d’un enfant à naître, au motif que le fœtus est un "être humain" et non une "personne". Or, précise l’avocat, la définition de l’homicide s’applique à tout être humain, comme l’enfant à naître.

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La récente condamnation de Pierre Palmade, après avoir entre autres, étant sous l’emprise de stupéfiants, accidentellement tué l’enfant à naître d’une jeune femme, est l’occasion de réfléchir sur la position constante de la Cour de cassation en pareil cas. Depuis deux arrêts de la chambre criminelle de cette haute cour des 30 juin 1999 et 25 juin 2002, ainsi qu’un arrêt de l’assemblée plénière de cette juridiction du 29 juin 2001, il n’est pas possible de poursuivre le responsable de l’accident et de la mort de l’enfant à naître sur le fondement de l’homicide involontaire. Quelle en est la raison, et cette raison est-elle fondée ?

Un être humain, mais pas une personne

Dans ces trois arrêts, la Cour de cassation pose comme principe que "le principe de la légalité des délits et des peines, qui impose une interprétation stricte de la loi pénale, s'oppose à ce que l'incrimination prévue par l'article 221-6 du Code pénal, réprimant l'homicide involontaire d'autrui, soit étendue au cas de l'enfant à naître dont le régime juridique relève de textes particuliers sur l'embryon ou le fœtus".

À ce stade, rappelons que le droit français effectue une distinction entre l’être humain né ou à naître, et la personne juridique. Seule la personne juridique est titulaire de droits et de devoirs, et la personnalité juridique de l’être humain commence par sa naissance, et non sa conception. Ainsi, l’embryon ou le fœtus humain sont bien des êtres humains, mais ne sont pas des personnes juridiques. Étant des êtres humains, les embryons (et fœtus) disposent d’une protection spéciale, inscrite notamment depuis 1994 à l’article 16 du Code civil : "La loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie", ces derniers mots n’étant autres que le principe issu de l’article 1 de la loi Veil du 17 janvier 1975, toutes les autres dispositions de cette loi constituant simplement une exception à ce principe. Il en résulte donc que l’embryon humain bénéficie d’une protection spéciale, et que sa qualité d’être humain peut même être très officiellement reconnue à l’état-civil et être portée sur le livret de famille lorsqu’il meurt dans le sein de sa mère, pourvu qu’il fasse l’objet d’un certificat médical d’accouchement (article 79-1 al. 2 du Code civil).

Pour autant, la Cour de cassation refuse que cet être humain non encore né puisse être considéré comme victime d’un homicide involontaire, au titre des jurisprudences citées ci-dessus, en invoquant comme raison principale que le droit applicable à l’embryon ou au fœtus relève de dispositions spéciales, et que ces dispositions ne prévoient pas la possibilité pour l’embryon ou le fœtus d’être victime d’un homicide involontaire, alors que le droit pénal est d’interprétation stricte.

La mort d’"autrui"

Cette raison est-elle fondée ? Bien évidemment, il ne s’agit pas ici de critiquer la règle d’interprétation stricte des lois pénales, qui est une garantie pour tous. En revanche, force est de considérer que le texte de l’article 226-1 du Code pénal, qui réprime l’homicide involontaire, fait seulement référence à "autrui" pour désigner la victime de l’homicide involontaire : "Le fait de causer, dans les conditions et selon les distinctions prévues à l'article 121-3, par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité imposée par la loi ou le règlement, la mort d'autrui constitue un homicide involontaire puni de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende." Ce texte, ni aucun autre, ne précise qu' "autrui" devrait nécessairement être une personne juridique, donc née. Il s’agit ici d’une interprétation restrictive de la Cour de cassation, qui ne paraît cependant pas justifiée.

D’une part en effet, l’étymologie du mot "homicide" nous dit qu’il s’agit ici de la mort donnée à un humain, et non à une personne juridique ; or un embryon ou un fœtus sont bien des êtres humains, au sens de la loi française. D’autre part, le Code civil, dans son article 16 déjà cité, pose une garantie applicable à tous les êtres humains, nés ou à naître. Cette garantie, qui concerne précisément le respect de leur vie (je rappelle que ce principe est issu de la loi du 17 janvier 1975, qui constitue une exception au principe d’interdiction de supprimer la vie), oblige à constater ici l’existence d’un droit commun applicable à tous les êtres humains, et pas seulement ceux qui sont déjà nés. Par conséquent, strictement rien, en droit — et sans qu’il y ait lieu de modifier quoi que ce soit —, n’interdirait de considérer qu’un embryon ou un fœtus sont aussi des "autrui" et peuvent être couverts par la protection spéciale qu’assure au plan pénal l’incrimination d’homicide involontaire. Mais peut-être serait-il temps que le législateur s’empare de cette question.

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