1.679 : c'est le nombre d'églises fermées depuis au moins un an en France, selon les conclusions des États généraux du patrimoine religieux (EGPR) présentées ce lundi 18 novembre en présence de Rachida Dati, ministre de la Culture. Encore affectés au culte, non désacralisés, ces édifices n'accueillent pourtant presque aucune vie spirituelle et religieuse pour une multitude de raisons : problèmes sanitaires, désertification rurale, insécurité, travaux, inutilisation ou encore arrêtés de mise en péril.
Lancés en septembre 2023, les EGPR s'étaient donné pour objectif de mieux connaître le patrimoine religieux de France afin de le valoriser et de l'entretenir, et de déterminer les "usages jugés compatibles" avec le culte dans les édifices. Après plus d'un an d'enquête auprès des 94 diocèses de France, un inventaire complet de ce patrimoine, à la fois matériel (mobilier, immobilier) et immatériel (processions, rogations, pèlerinages, etc) a donc été effectué. "Nous l'avons fait", s'est réjoui Mgr Éric de Moulin Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF) dans son discours de clôture des EGPR. Soulignant que "les résultats de cet inventaire ne se limitent pas à une liste", l'évêque a appelé de ses vœux un "nécessaire effort de mobilisation". Mobilisation urgente, puisqu'une partie de ce patrimoine immobilier risque ni plus ni moins que le danger de disparition.
Nous avons accepté qu'une partie de la France meure. Il y a énormément de villages dans l'arrière-pays qui se vident, où l'Église est le dernier service public.
La grande responsable de cette situation ? La désertification rurale, doublée d'une sécularisation grandissante, explique à Aleteia Mgr Alain Planet, évêque émérite de Carcassonne et Narbonne et président du Comité de pilotage des EGPR. "Quand les chrétiens ont eu le droit de se rassembler, ils ont donné le nom "ecclesia" à ce nouveau lieu, qui signifie "communauté". Sans communauté, il ne peut y avoir d'église", rappelle le prélat. "Nous avons accepté qu'une partie de la France meure. Il y a énormément de villages dans l'arrière-pays qui se vident, où l'Église est le dernier service public. Même quand il n'y a plus de poste, de commerce, d'école, si on nous appelle pour célébrer un baptême ou des funérailles, nous irons. Et inversement, nous manquons cruellement d'églises dans les villes, surtout dans les extensions des villes !"
"Voici plus d'un an que la CEF a lancé ces États généraux du patrimoine avec l'objectif de faire un bilan complet de ce patrimoine inestimable", s'est exprimée Rachida Dati. "Grâce à cette initiative, nous pouvons prendre la mesure de ce qu'il reste à faire pour mieux transmettre ce patrimoine exceptionnel, qui appartient à tous, quelle que soit sa condition", a poursuivi la ministre, qui assure faire de la sauvegarde du patrimoine religieux sa priorité, revenant sur sa proposition de faire payer l'entrée de Notre-Dame de Paris. "Cette proposition a fait débat, mais je la trouve cohérente", a-t-elle insisté, estimant que "notre patrimoine vaut la peine que l'on se batte pour lui."
4.538 édifices visés par des actes malveillants
L'enquête met également en lumière le nombre d'actes malveillants subis par les églises et autres lieux de culte catholiques depuis l'année 2000. Au total, 4.538 édifices ont été ciblés sur 69 diocèses (la France en compte une centaine ndlr), un chiffre qui se décline selon la nature des actes perpétrés : 2.666 édifices cambriolés, 1.476 dégradés, et 396 profanés. Enfin, d'après les réponses de 87 diocèses, 226 églises appartenant aux communes ont été désaffectées, et 411 édifices diocésains désacralisés entre 1905 et 2023. Pour rappel, la désacralisation désigne la procédure canonique par laquelle le diocèse propriétaire d'une église décide de ne plus l'utiliser pour le culte. La désaffectation désigne quant à elle une procédure civile par laquelle l'usage d'une église est entièrement redonné à la commune propriétaire. Cette dernière ne peut intervenir de fait, elle doit répondre à des critères prévus par la loi (comme, par exemple, le fait que le culte ne soit plus célébré depuis au moins six mois dans l'église), et à l'initiative du curé qui en fait la demande à la municipalité.
Ces chiffres désolants ont poussé les EGPR à formuler des recommandations afin d'aider les maires des communes (propriétaires de la majorité des édifices) à entretenir et sécuriser les lieux de culte. Parmi elles, élargir le champ des "usages compatibles", c'est-à-dire des activités profanes qui seraient non contradictoires avec le culte (concerts, activités caritatives, domaine artistique...). Des conventions-types et des guides pratiques sur les droits et devoirs des propriétaires et affectataires ont ainsi été mis à la disposition des acteurs pour déterminer la pertinence et les conditions d'exécution d'un tel usage. Pour faciliter le dialogue entre propriétaires et affectataires, plus d'une trentaine d'événements destinés à favoriser les échanges et la recherche de solutions ont été organisés entre 2023 et 2024, notamment des rencontres maires-curés.