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Les persécutions des chrétiens dans le monde manquent de visibilité médiatique. Les massacres qui ont lieu en ce moment au Sahel contre les populations chrétiennes, en particulier, sont rarement évoqués dans les médias internationaux par rapport à d’autres actualités. Pourtant, il existe une forme de persécution de l’Église plus insidieuse encore qui, elle, est pratiquement invisible, celle qui la frappe au portefeuille, en employant des lois décrétées par des gouvernements hostiles.
Un exemple frappant en a pourtant été donné par le gouvernement de Narendra Modi en Inde. Fin 2021, il a "omis" de renouveler la licence qui permettait aux Missionnaires de la Charité de recevoir des dons étrangers. Cette action apparemment anodine revenait à assécher une œuvre majeure, dont dépendent des écoles, des orphelinats et des hôpitaux qui se mettent au service des plus humbles de la société indienne. Devant le tollé provoqué par cette décision en Inde, le gouvernement a finalement accordé la licence qu’il retenait, après trois mois. Mais les Missionnaires de la Charité qui résident au Nicaragua n’ont pas eu cette chance, elles ont été privées de fonds, puis carrément expulsées en juin 2022.
Des chrétiens qui dérangent ?
Ces décisions extrêmes contre des œuvres de bienfaisances paraissent mystérieuses, car de toute évidence, les religieuses ne représentent pas de danger pour la paix civile. Le père Balthasar Castelino, originaire de l’État indien du Karnataka explique : "Les chrétiens bouleversent le système des castes en affirmant que la vie d’un intouchable vaut autant que celle d’un Brahmane." Ce système, vieux de 3.000 ans, divise la société en groupes supérieurs et inférieurs et demeure très présent dans les mentalités. Certes, les responsables politiques hindouistes ne l’exprimeraient pas de cette façon, explique le prêtre, mais l’Église démonte l’injustice fondamentale sur laquelle repose la société indienne. Prêtre des Missions Étrangères de Paris, il constate que l’attitude des nationalistes hindous se retrouvent dans bien d’autres endroits dans le monde.
L’Église est attaquée quand elle porte le message de l’Évangile, et qu’elle met en évidence les contradictions des gouvernements.
Pour revenir au cas du Nicaragua, c’est la parole libre des clercs qui y gêne les autorités. La Conférence des évêques locale n’a jamais ménagé le régime en place et représente l’entité la plus solide qui demeure dans le pays pour oser critiquer le régime. Mgr Alvarez, évêque de Matagalpa, a ainsi écopé de 26 ans de prison avant d’être extradé. Il avait recueilli en 2018 des manifestants qui s’étaient réfugiés dans son église pour échapper aux répressions de la police. Sa charité démontre l’ambiguïté du régime, qui se présente comme socialiste et populaire mais se montre intraitable envers son propre peuple.
Haro sur les écoles
Dans tous ces cas, l’Église est attaquée quand elle porte le message de l’Évangile, et qu’elle met en évidence les contradictions des gouvernements. Le Nicaragua représente un exemple extrême de cette attitude, car le régime peut y appliquer une politique très dure, sans craindre d’opposition et ne suscite que peu de réactions internationales. Dans beaucoup d’autres pays, l’oppression exercée contre les activités de chrétiens engagés dans leurs sociétés est plus discrète.
L’Indonésie, qui a accueilli le Pape au mois de septembre et a donné au monde l’image d’un pays ouvert et tolérant, a par exemple une face plus sombre. On se souvient de l’inauguration du "tunnel de l’amitié" qui permettait de rejoindre la cathédrale de Jakarta depuis la grande mosquée d’Istiqlal. Mais peu de médias ont relevé que pendant cet évènement, des manifestants papous essayaient d’attirer l’attention sur eux. Dans leurs régions de Papouasie occidentale, dominée par l’Indonésie, ils sont progressivement dépossédés de leurs terres. Et les organisations caritatives chrétiennes ne peuvent monter aucun projet sur ce territoire, car aucun financement ne peut y parvenir. Le gouvernement pratique un double standard, autorisant les cultes et affichant une tolérance totale, mais limitant en fait les actions de l’Église sur son territoire. À cause de cette attitude, les écoles catholiques – en particulier – sont complètement asséchées et beaucoup d’entre-elles ne peuvent pas maintenir leur activité. Il est arrivé que de jeunes papous chrétiens, privés d’école, soient placés dans des écoles islamiques par l’administration. En effet, tandis que les organisations chrétiennes sont rendues incapables d’agir, l’administration fait des ponts d’or aux organisations musulmanes.
Ces contraintes qui pèsent sur les œuvres sociales de l’Église représentent une violation de la liberté religieuse. Elles s’opposent au bien-être des populations soumises à ces gouvernements. Elles sont pourtant rarement évoquées en raison de leur apparence moins frontale, plus insidieuses que les formes d’oppressions plus directes.