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Pourquoi la question de l’avortement aux États-Unis n’est pas la même qu’en France

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Jean-Baptiste Noé - publié le 15/11/24
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Aux États-Unis, l’avortement demeure un grand sujet d’enjeu politique, entraînant une polarisation forte des partis politiques, comme l’a montré la dernière élection présidentielle. La portée de cette question est souvent mal comprise en France tant les différences culturelles sont grandes en matière de politique et de conception juridique.

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L’avortement a été l’un des thèmes majeurs de la campagne présidentielle américaine, Kamala Harris promettant de le faciliter, Donald Trump expliquant qu’il revenait aux États fédérés de se prononcer sur le sujet. Ce débat illustre les différences culturelles entre les États-Unis et la France, notamment en matière de conception juridique et politique. On entend ainsi souvent dire que Donald Trump a interdit, ou voudrait interdire, l’avortement, ce qui n’est pas le cas. Le nouveau président élu estime que ce sujet n’est pas du ressort de l’État fédéral, c'est-à-dire décidé par le Congrès à Washington pour s’imposer partout aux États-Unis, mais des États fédérés, c'est-à-dire que chaque État décide de la législation qu’il veut faire appliquer sur son territoire. Là réside l’essentiel du combat politique, qui est d’abord une différence d’approche quant à la lecture et à l’interprétation de la Constitution américaine.

La Constitution avant tout

Alors qu’en France nous avons connu cinq Constitutions en un siècle, les États-Unis disposent toujours du même texte depuis leur indépendance en 1776. Si en France il est devenu banal, presque anodin, de modifier la Constitution, soit pour y ajouter des articles soit pour en modifier, aux États-Unis, la Constitution est un texte presque sacré, qui ne se modifie qu’à la marge et qui n’a connu que dix-sept amendements additionnels. Depuis la fondation des États-Unis, la tension entre fédéralisme et centralisation est forte : certains juristes interprètent la Constitution comme devant servir de cadre général, les lois particulières étant le fait des États, quand d’autres juristes estiment qu’il faut aller vers une centralisation du pouvoir et donc retirer des prérogatives aux États fédérés. Les républicains se placent aujourd'hui dans la première vision, les démocrates dans la seconde. C’est là d’abord un débat juridique et une différence d’approche en matière de philosophie du droit et de philosophie politique. 

Quel rapport avec l’avortement ? C’est tout le sens de la décision de la Cour suprême en 2022, qui a été si mal comprise en France. En 1973, la Cour suprême établit son fameux arrêt Roe vs Wade qui constitutionnalise l’avortement. C’est une décision qui s’inscrit dans une logique de centralisation du pouvoir puisque la Cour estime que désormais l’avortement doit être autorisé sur tout le territoire, indépendamment de l’avis des États. Cet arrêt a été cassé en 2022, les juges actuels de la Cour revenant à une conception décentralisée du pouvoir. Les juges ne se sont pas prononcés sur les aspects moraux du dossier (l’avortement est-il bon ou mauvais), ils ont estimé que la Constitution américaine ne se prononce pas sur l’avortement : elle ne l’autorise ni ne l’interdit. 

Avortement et sécurité sociale

Par conséquent, il revient à chaque État de légiférer sur le sujet. Le fédéralisme l’a emporté sur le centralisme. Cinquante États signifie donc cinquante législations différentes, entre des États qui autorisent l’avortement, d’autres qui le restreignent, d’autres qui l’interdisent ; avec différents degrés dans l’interdiction et l’autorisation. Le même jour que la présidentielle, se sont ainsi tenu plusieurs référendums sur l’avortement, pour l’autoriser ou non. C’est là une conception véritablement "populiste" dans le sens où il est estimé qu’il revient au peuple de se prononcer sur le sujet, par des référendums.

Mais un autre sujet, là aussi lié à une différence de conception politique, a embrasé les États-Unis, celui de son remboursement. Durant ses mandats, Barack Obama a porté plusieurs lois pour réformer le système d’assurances sociales, connues sous le surnom d’Obamacare. L’un des aspects de cette réforme était de permettre le remboursement de l’IVG. Tempête chez les opposants de l’IVG qui ont estimé que leurs cotisations, donc leur argent, ne devaient pas servir à financer ce qu’ils considèrent comme immoral ! C’est à ce moment-là qu’est né le mouvement du Tea Party, référence directe à la Révolution américaine, qui s’opposait à l’Obamacare vu comme une mainmise de l’État sur le domaine de la santé, donc de l’intime. 

Les opposants à la réforme d’Obama estimaient qu’il fallait maintenir le lien de subsidiarité, c'est-à-dire que chaque Américain peut cotiser à l’assurance sociale de son choix. Certaines assurances remboursant l’avortement, d’autres non. Chaque Américain peut alors fait un choix en conscience en cotisant ou non à une assurance en fonction de son positionnement personnel sur le sujet ; ceux qui y sont opposés pouvant ainsi ne pas cotiser à des assurances qui remboursent cette pratique.

Des philosophies politiques très éloignées

Là aussi, c’est une conception philosophique très éloignée de la pensée française où la Sécurité sociale prend en charge tous les domaines de la santé et de l’intime. Et où, en France, l’avortement est remboursé à 100%. Au-delà des clivages, la question de l’avortement témoigne des différentes philosophies politiques et juridiques qui parcourent les États-Unis et la France.

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