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Cinq heures du soir, le 17 décembre 1914. Il fait déjà presque nuit sur le front, non loin d’Arras. Une ombre en soutane se faufile dans le no man’s land, entre les lignes ennemies. Le père Charles Umbricht, aumônier volontaire à la 20e division d’infanterie, s’apprête à réaliser un nouvel exploit. Son courage, son sang-froid et son dévouement sont déjà bien connus du général Anthoine, commandant la division. Cependant, cette nuit de décembre apporte à l’abbé une notoriété définitive parmi tous les soldats, et elle lui vaut d’être décoré de la Croix de guerre.
La journée a été particulièrement sanglante car la contre-offensive lancée par les Français s’est une nouvelle fois soldée par un grave échec. Le commandant Lamboi fait partie des hommes qui ne reviennent pas. Sa disparition est d’autant plus tragique qu’il était porteur de plans qui ne doivent en aucun cas tomber entre les mains ennemies. Le père Umbricht, qui accompagne toujours les assauts afin de secourir mourants et blessés, a vu l’officier tomber : fauché par une mitrailleuse allemande, son corps est tout près des lignes ennemies. Récupérer les fameux documents est vital pour la sécurité de la division, mais il est impossible de le faire en plein jour. L’aumônier décide alors de revenir une fois la nuit venue. En attendant, il s’active avec les brancardiers pour tenter de ramasser les blessés qui restent sur le champ de bataille. Onze Français et un Allemand ont réussi à se traîner jusqu’à une maison en ruine, mais ils sont incapables d’avancer plus loin. Ils risquent de mourir là lors du prochain bombardement, qui malheureusement ne tardera guère. Que faire ? L’abbé ne peut les ramener maintenant, qu’à cela ne tienne, il s’en chargera aussi la nuit prochaine !
Onze vies sauvées
C’est ainsi que nous retrouvons le père Umbricht, la nuit venue, progressant avec prudence le long du chemin qui mène du côté ennemi. Soudain, une sentinelle allemande surgit de l’ombre. D’origine alsacienne, l’aumônier ressort son allemand le plus pur pour répondre à la sentinelle et, miracle, il passe sans encombre. Un petit clin d'œil à son ange gardien pour le remercier du coup de pouce, et le voilà reparti. Ayant réussi à ramener le corps du commandant Lamboi, sa précieuse sacoche et son contenu top secret, il retourne en arrière pour chercher les onze blessés français. Il en prend un sur ses épaules et le porte à l’abri dans les lignes françaises. Mais le trajet est à la fois épuisant et dangereux ; le père aura du mal à le faire onze fois de suite. Il dégote alors une brouette pour transporter les blessés deux par deux, un dans la brouette et l’autre sur les épaules. Il fait ainsi cinq fois l’aller-retour.
Le soldat allemand est à la fois stupéfait et émerveillé de voir cet aumônier français risquer sa vie tant de fois pour sauver ses camarades. Il comprend qu'il peut faire totalement confiance au père Umbricht, même s'il est un ennemi, car la vie humaine apparaît infiniment précieuse à ses yeux. Lors du dernier trajet, il supplie l’abbé de ne pas le laisser seul et de l'emmener aussi du côté français ! Il préfère être fait prisonnier par l’aumônier plutôt que de rester dans les lignes allemandes, livré à un sort incertain. Le père lui promet de revenir, mais l'Allemand, paniqué, ne le croit pas. Alors le père, solennel, lui donne un gage de sa bonne foi, gage qui n'est autre que sa soutane ! Ainsi, c’est en chemise et en pantalon que l’aumônier fait le dernier voyage pour récupérer Allemand et soutane.
En découvrant cette anecdote incroyable, on comprend pourquoi les soldats de la 20e D.I. étaient si attachés à leur aumônier. Son ascendant était tel que sa présence suffisait à donner plus de courage, plus de patience, plus d’allant. Marchant toujours en tête pour entraîner les hommes, il perd un bras lors d’une offensive en juillet 1918. Si la guerre est désormais finie pour lui, il reste cependant aumônier militaire, toujours prêt à vivre aux côtés de ceux qui se sacrifient pour la liberté de leur pays. L’abbé Umbricht est mort en 1947. Aujourd’hui plusieurs rues en France portent son nom, comme à Strasbourg et à Saint-Malo.