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Le « réveil » religieux de la Première Guerre mondiale

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Des soldats français assistant à une messe à Mailly-Champagne (Marne), en février 1917.

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Benjamin Fayet - publié le 12/11/17
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Xavier Boniface est professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Picardie Jules Verne et auteur de “L’Histoire religieuse de la Grande Guerre” (Fayard, 2014). Il revient pour Aleteia sur les aspects religieux du premier conflit mondial.Aleteia : Quand éclate la guerre en 1914, la république anticléricale n’a pas hésité à mobiliser une grande partie du clergé en âge de se battre. Quel rôle fut assigné aux hommes d’Église dans cette guerre ?
Xavier Boniface : Le clergé était soumis au service militaire depuis 1889 (loi des « curés sac au dos »). Les prêtres sont donc mobilisés comme tous les hommes de leurs classes d’âge en 1914 : les plus âgés (qui ont accompli leur service avant 1905) sont affectés dans le service de santé, comme infirmiers, brancardiers, secrétaires… Les plus jeunes sont mobilisés dans toutes les armes. Les religieux, non reconnus à l’époque du concordat, sont en théorie aussi mobilisables dans n’importe quelle unité, mais certains servent dans des formations sanitaires. Quelques dizaines d’aumôniers titulaires sont également prévus. Ils sont recrutés dans les classes d’âge non mobilisables.

Quelques années après la loi de 1905, qui attise les tensions entre la république et l’Église, assiste-t-on à une union sacrée entre les deux durant la guerre ?
L’union sacrée, à laquelle Poincaré appelle tous les Français dès le 4 août 1914, s’applique aussi aux relations entre la République et l’Église. Dès le 2 août d’ailleurs, le président du Conseil, Viviani, suspend l’application des mesures contre les congrégations religieuses (lois de 1901 et 1904). Des évêques bénissent les régiments qui partent pour le front et font dire des prières pour la France. Il reste néanmoins quelques résurgences ponctuelles d’anticléricalisme, dues à quelques journaux, mais non aux pouvoirs publics. Ces derniers sollicitent d’ailleurs discrètement les évêques, notamment en 1917, pour qu’ils appellent leurs diocésains à participer aux emprunts de guerre.

Entre une France catholique et une Allemagne majoritairement protestante, peut-on dire que la question religieuse est exploitée aussi dans la propagande de guerre ?
Il y a eu quelques tentatives, notamment en milieu catholique, de s’en prendre au protestantisme des Allemands, en dénonçant leur barbarie et leur luthéranisme. Mais ces critiques heurtent les protestants français qui craignent d’être associés à l’adversaire. De leur côté, ils rappellent qu’en France ce sont surtout des calvinistes, au contraire de l’Allemagne. Ces critiques s’estompent à partir de l’entrée en guerre des États-Unis, grande puissance protestante devenue alliée.

La piété s’est-elle ravivée en France durant la Grande Guerre ?
Les premières semaines de la guerre se caractérisent par un « réveil » religieux, aussi bien à l’arrière qu’à proximité du front. En fait, il s’agit surtout de retours vers les autels pour demander protection, soutien et aide à Dieu. Au cours du conflit, cette pratique religieuse a fluctué au gré des circonstances et des lieux. Quelques dévotions émergent particulièrement, celles envers la Vierge – dans le prolongement du XIXe siècle –, Jeanne d’Arc, remise à l’honneur à la fin du siècle précédent, Thérèse de Lisieux, dont les écrits spirituels (Histoire d’une âme) commencent à se diffuser, et le Sacré-Cœur, dont le culte est porté par le clergé.

Comment les soldats catholiques parviennent-ils à pratiquer leur religion dans les tranchées ?
Les soldats catholiques peuvent assister aux messes célébrées par les aumôniers militaires ou les prêtres mobilisés comme soldats, à proximité du front, dans des églises des villages de cantonnement, dans les bois ou les cavernes. C’est plus rare et plus difficile en première ligne, même s’il arrive qu’un prêtre puisse dire la messe dans une cagna. Il y a par ailleurs toutes sortes de pratiques de dévotion, de prières, de port de médailles pieuses et de scapulaires.

Propos recueillis par Benjamin Fayet. 

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