Pour qu'Aleteia poursuive sa mission, faites un don déductible à 66% de votre impôt sur le revenu. Ainsi l'avenir d'Aleteia deviendra aussi le vôtre.
*don déductible de l'impôt sur le revenu
Le processus de fermentation est demeuré mystérieux jusqu’à 1857, date de la publication par Pasteur de son Mémoire sur la fermentation alcoolique. Le vin l’avait inspiré pour parvenir à cette découverte, lui qui possédait une belle vigne à Montigny-lès-Arsures (Jura) et qui proclamait qu’ "il y a plus de philosophie dans une bouteille de vin que dans tous les livres". Dans le laboratoire de sa maison d’Arbois, préservé en l’état dans lequel il le laissa, aujourd’hui propriété de l’Académie des Sciences, il balaya la théorie de la génération spontanée, ce qui ne l’empêcha pas de continuer à croire en Dieu.
Le vin, ouvreur des portes du surnaturel
Il est vrai que l’ignorance de l’existence des micro-organismes que sont les levures laissait croire à l’humanité pré-pasteurienne que, comme la coagulation du lait ou le gonflement de la pâte à pain évoquant le ventre d’une femme enceinte, la transformation tumultueuse du jus de raisin en vin tenait à l’intervention directe des dieux. Ceux-ci, pensait-on, voulaient ainsi manifester leur toute-puissance et exprimer symboliquement qu’ils étaient les auteurs et les maîtres de la vie. Depuis la haute Antiquité, le vin est symbole de vie, chemin de la vérité, ouvreur des portes du surnaturel par la complexité de ses parfums de sa saveur, ainsi que par sa capacité à faire oublier leurs soucis aux humains, à les rendre joyeux, bienveillants. À la condition qu’ils ne tombent pas dans la dégradante ivresse, il les aide à mieux se comprendre eux-mêmes et à s’accepter, à se dépasser. Il les encourage à la confiance et à l’empathie.
Signe de l’alliance avec Dieu
Ce n’est pas par hasard que du vin est placé dans la tombe des pharaons égyptiens et que des millénaires avant notre ère cette boisson acquiert un statut plus noble que l’hydromel et la bière. Dès que Moïse reçoit sur le mont Nébo où il va mourir la grappe d’Eshkol et qu’il donne le feu vert à son peuple pour entrer dans la Terre promise où coule le lait et le miel, les Hébreux élaborent du vin et en boivent avec respect et joie. Il est le signe de leur alliance avec Yahvé et ils renouent avec le sacrifice que Melchisédech offrait à Dieu en son royaume de Shalem, situé sur les hauteurs du pays de Canaan, la future Jérusalem visible par temps clair depuis le mont Nébo.
Quelques siècles avant notre ère, les Grecs sont les premiers à croire que Dionysos, l’un de leurs dieux majeurs, né de Zeus et de la mortelle Sémélé, se fait vin au cours du rituel du symposium comme le chante Euripide dans Les Bacchantes : "Il n’y a pas d’autre drogue contre la peine. Ce dieu, né dieu, coule en l’honneur des dieux ; le bien des hommes, il en est la cause." Il n’y a qu’un pas jusqu’à la fusion des deux traditions et jusqu’à la Cène au cours de laquelle, Jésus, Dieu incarné, institue l’Eucharistie à Jérusalem en prononçant la veille de sa Passion sur une coupe de vin ces paroles inimaginables : "Prenez et buvez-en tous, ceci est mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle, versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés." C’est la raison pour laquelle le vin a joué un tel rôle et le joue encore dans les sociétés catholiques et orthodoxes croyant en la transsubstantiation. L’actuelle baisse de la consommation dans un pays comme la France n’est évidemment pas étrangère à la montée de l’indifférence religieuse. Sécularisé, désenchanté, le vin n’est plus qu’une boisson alcoolisée comme une autre.
En présence d’un grand vin, les mots sont misérables
Notre époque est trop rationaliste, elle se rassure en pensant qu’elle ne comprend pas tout de l’humain et du cosmos qui est son cadre de vie, mais qu’un jour, en vertu de la seule raison, rien ne lui sera plus caché. Quelle funeste illusion ! Faire progresser avec acharnement la connaissance et traquer la vérité est le seul moyen de supporter la condition humaine, mais admettre que bien des réalités nous dépassent et nous dépasseront toujours relève du bon sens et de la sagesse. Aimer le vin est un merveilleux moyen d’accepter cette évidence. Preuve en est qu’en présence d’un grand vin, les mots sont de misérables interprètes. Seule la poésie s’impose comme dans les Psaumes de David lorsqu’ils évoquent la transcendance de Dieu. Le vin et le divin sont complices depuis toujours.
Dans le monde chrétien, les plus grands vins sont nés au Moyen Âge, après le temps obscur des Invasions barbares, autour des abbayes et des évêchés. Le Clos-Vougeot, par exemple, a été pendant des siècles de laboratoire d’une viticulture de haut vol, pensée par les moines de Cîteaux comme la plus belle louange qu’ils pouvaient adresser à Dieu en pratiquant la règle de saint Benoît : Ora et labora. Aujourd’hui, privés de la propriété de ce merveilleux vignoble, ils inscrivent cette devise sur… leurs fromages ! Comme un clin d’œil aux temps glorieux du monastère, ceux-ci sont les seuls qui par leur finesse et leur douceur peuvent accompagner avec panache les grands crus rouges de Bourgogne produits à quelques encablures des verts pâturages où ils voient le jour. L’Esprit souffle où il veut !
Pratique :