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Le gouvernement vient de donner son accord pour inscrire "le texte sur la fin de vie" à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à la fin janvier 2025. Il lève ainsi une partie de l’ambiguïté que Michel Barnier entretenait jusqu’à présent sur ses intentions. Mais de quelle version du texte les députés vont-ils débattre ?
L’hypothèse d’un marchandage
Depuis sa nomination en septembre, le Premier ministre a alterné les messages équivoques sur le projet de loi fin de vie brutalement interrompu par la dissolution du Parlement. Sur France 2 le 3 octobre, il s’est dit "personnellement d’accord" avec le premier projet de loi du gouvernement au mois d’avril et "favorable à reprendre le travail au moment où il a été interrompu" pour "gagner du temps". Dans son discours de politique générale du 1er octobre, il prône "la reprise du dialogue", après avoir indiqué n’être "pas forcément d’accord avec tous les amendements" votés par les députés. Puis dans son interview au JDD du 19 octobre, il annonce vouloir "avant de reprendre le débat parlementaire, consulter les acteurs, en particulier les parlementaires, les personnalités qualifiées, les soignants, les associations".
Ainsi, il donne l’impression de donner des gages aux partisans très mobilisés de l’euthanasie et du suicide assisté, afin de satisfaire de son aile gauche, mais sans trop mécontenter les multiples opposants, en particulier parmi les soignants ou les politiques. Selon certains observateurs, un marchandage politicien serait même à la base de ce positionnement : la loi sur la fin de vie serait mise sur la table comme une "contrepartie pour pouvoir avancer sur les dossiers liés à l’immigration"…
Le non de Jean Leonetti
À ce stade, le flou reste entier sur la version du texte qui sera débattue. Si le gouvernement repart du projet de loi déposé en avril dernier par l’équipe précédente, sans supprimer ou atténuer les dispositions les plus combattues par les soignants, c’est déjà très grave. S’il accepte comme base la proposition de loi du député Olivier Falorni, qui reprend mot pour mot ce qui a été voté par les députés en mai-juin, c’est gravissime !
L’ancien député Jean Leonetti, expert incontesté de la fin de vie, l’explique clairement dans une interview au Figaro : "Le texte qui a été interrompu par la dissolution [...] est le texte le plus permissif du monde. Si on le transposait dans notre pays selon le modèle canadien, qui s’en rapproche le plus, cela se traduirait par l’euthanasie ou le suicide assisté de 45.000 Français chaque année." Pour l’auteur des lois de 2005 et 2016, "la reprise du texte en l’état semble inacceptable devant un Parlement renouvelé". Peut-on espérer que le Premier ministre, qui doit rencontrer Jean Leonetti prochainement, ait la sagesse d’écouter ses analyses et ses arguments ?
Séparer soins palliatifs et aide à mourir
En réalité, ce texte cause de profondes divisions dans la société, car il introduit une rupture éthique majeure dans notre politique de santé. Les partisans de l’aide à mourir veulent en faire d’emblée un droit fondamental, alors que dans l’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) de septembre 2022, il s’agissait éventuellement d’ouvrir un dispositif très exceptionnel, avec la volonté de protéger les plus fragiles. L’expérience des pays étrangers, où l’on constate presque partout une hausse continue des cas et des dérives malgré des conditions présentées comme très strictes, doit nous inciter à une extrême prudence.
Si le Premier ministre tenait vraiment compte des mises en garde et suggestions exprimées par la grande majorité des soignants et de nombreux élus, il commencerait par déposer deux projets de loi distincts, sur les soins palliatifs et l’euthanasie, en dissociant les titres I et II du texte d’avril 2024. La présentation dans un même texte de deux mesures largement contradictoires n’a été réalisée que dans le seul but de "tordre le bras" aux parlementaires, en liant les soins d’accompagnements des personnes en fin de vie, très consensuels, et l’aide à mourir, très controversée.
Une priorité consensuelle
Il ferait ensuite aboutir en priorité le projet de loi sur les soins palliatifs, enrichi des mesures positives votées par les députés ce printemps. Puisque cette partie fait l’objet d’un très large consensus, le texte pourrait être voté rapidement par les deux Chambres au 1er semestre 2025.
Quant au suicide assisté, dans le cadre d’un second projet de loi, ne devrait-il pas légitimement en soumettre l’examen, ou au minimum la date d’entrée en vigueur, à la réalisation de progrès réels en soins palliatifs ? La condition la plus évidente serait que tous les départements aient à leur disposition une Unité spécialisée (USP), ainsi que le taux d’accès aux services de soins palliatifs se rapproche de 100%, au lieu de 50% environ actuellement. Ce préalable constituait, pour le CCNE, une condition indispensable à remplir avant d’envisager ensuite l’opportunité du suicide assisté ou de l’euthanasie. Vingt ans après le vote à l’unanimité de la loi Leonetti, confirmant ce droit à l’accès aux soins palliatifs, ce n’est pas trop demander qu’elle soit enfin appliquée ! Faut-il rappeler une fois de plus, avec tous les professionnels directement concernés par l’accompagnement des personnes en fin de vie qui l’affirment avec force sans être entendus jusqu’à présent : "Tuer n’est pas un soin" ?