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Paul Claudel est peut-être le plus connu, mais combien sont-ils ? À Noël 1886, le jeune homme est incroyant quand il entre dans la cathédrale Notre-Dame de Paris. Au pied du pilier, à côté de la fameuse statue de la Vierge, il est pourtant saisi par la beauté d’un Magnificat entonné par les vêpres. La musique sacrée, patrimoine culturel, a retourné son âme. Ou, plutôt, la grâce est passée par ce biais pour envahir l’âme du diplomate qui deviendra un poète de l’incarnation. Combien sont-ils donc, anonymes et inconnus, qui sont entrés un jour dans la cathédrale sans connaître Dieu et à en être sorti avec une certitude plus ou moins établie de son existence ? Nul ne le sait, mais il y en a.
La ministre de la Culture, Rachida Dati, a proposé le 23 octobre dernier dans Le Figaro de faire payer l’entrée de Notre-Dame. Depuis, c’est le député Jérémie Patrier-Leitus (Horizons), ancien de l’Établissement Public Rebâtir Notre-Dame qui a déposé ce 3 novembre un amendement pour intégrer l’entrée payante de la cathédrale dans le budget 2025. La proposition a pour but de "créer le fonds Notre-Dame de Paris pour la sauvegarde et la valorisation du patrimoine religieux". Le "débat mérite d’avoir lieu", estime le vice-président de la Commission Culture Éducation Sport de la chambre basse. Comme les autres défenseurs du projet, il garantit cependant que seuls les touristes payeraient, et non les fidèles venus prier.
Une telle distinction, entre des personnes venues pour le culte et celles venues pour la culture, est courante. L’exemple de Paul Claudel montre bien comment la culture est cependant une voie d’accès à Dieu. Dans son cas, ce fut la musique. Samuel Pickel, organiste qu’Aleteia a questionné pour la place de l’orgue dans la liturgie n’a pas dit autre chose : "La musique sacrée, j’en suis convaincu, est un magnifique moyen d’évangélisation. Elle a en tout cas été pour moi un moyen de me rapprocher du Christ". La musique pour certains, et pour d’autres un grand tableau de la Nativité, les reflets de la lumière à travers les rosaces, la pureté architecturale, les odeurs d’encens ou la noble simplicité de la liturgie.
Pas une œuvre d’art
Le communiqué du diocèse de Paris en réponse à Rachida Dati, le 24 octobre, rappelle ainsi qu’ "à Notre-Dame, pèlerins et visiteurs n’ont jamais été distingués" et qu’une séparation, compliquée au plan pratique, "priverait pèlerins et visiteurs de la communion entre tous qui est l’essence même du lieu et les empêcherait de fait de faire l’expérience globale du monument et de son infinie beauté". La cathédrale n’a été construite par volonté de faire une œuvre d’art semble dire le diocèse, mais pour que tous soient reçus par l’Église de la part de Dieu : "accueillir de façon inconditionnelle et donc nécessairement gratuite tout homme et toute femme, indépendamment de sa religion ou de sa croyance, de ses opinions et de ses moyens financiers."
C’est d’abord pour faire au Christ présent dans l’eucharistie un écrin que les tailleurs de pierre et autres artisans se sont donnés sans compter. Les archevêques de Paris n’ont cessé de le rappeler depuis l’incendie d’avril 2019, et l’ont manifesté concrètement en allant régulièrement dans la cathédrale pour y célébrer un office. Symboliquement, Mgr Aupetit a même dit la messe, un casque de chantier sur la tête, le 15 juin 2019 pour la solennité de la Dédicace. Plus fondamentalement, donc, c’est bien le culte de Dieu qui a engendré la culture, comme la proximité étymologique le laisse deviner.
La recherche de Dieu
Venu en septembre 2008 à Paris pour l’inauguration du Collège des Bernardins, Benoît XVI y a prononcé un discours qui a fait date. Le Pape y démontrait magistralement, en partant de l’édifice cistercien qui l’accueillait, que la culture européenne qui fait la fierté des peuples n’a pas d’autre origine que la recherche de Dieu des moines médiévaux. C’est la prière et le travail – les deux piliers de la Règle de saint Benoît – qui ont eu pour effet (était-il seulement recherché ?) de produire une telle civilisation : "Ce qui a fondé la culture de l’Europe, la recherche de Dieu et la disponibilité à l’écouter, demeure aujourd’hui encore le fondement de toute culture véritable." Distinguer le fidèle et le touriste, le culte et la culture, revient ainsi à oublier la source de cette dernière : l’incarnation. Parce que Dieu a choisi de prendre la condition humaine, les choses de ce monde ont une grande dignité et peuvent même rendre visible ce qui demeure invisible. Et qui est pourtant la source du plus grand bonheur.