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Tant qu’il est temps, Laurène s’en met plein la vue avant d’être aveugle

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Raphaëlle Coquebert - publié le 28/10/24
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Ne vous y trompez pas : derrière son allure de citadine soignée un tantinet coquette se cache une guerrière ! Après deux greffes du cœur et une greffe de rein, Laurène s’apprête à devenir… aveugle. Aussi mord-elle la vie à pleines dents pour faire provision de beau.

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À voir cette sémillante trentenaire parisienne toujours très apprêtée, nul ne se douterait que Laurène revient d’un long et douloureux périple médical entamé il y a 13 ans et jalonné d’embûches pour le moins périlleuses. Pourtant ! Alors qu’elle a 25 ans, une forme éclatante et deux prestigieux diplômes en poche, un master de grande école de commerce et un autre en ressources humaines, une bactérie non immédiatement détectée par les médecins s’attaque à son cœur, puis se répand dans son corps.

S’ensuit un choc multiviscéral qui manque de lui coûter la vie. Un temps à l’arrêt, ses organes se remettent en marche, sauf le cœur et les reins. Plongée deux mois durant en coma artificiel, elle se réveille avec un nouveau cœur et bénéficie d’une greffe de rein six mois après, rein donné par sa propre mère. Sortie d’affaire ? Que nenni ! Elle frôle encore la mort à cause d’une défaillance de ce cœur transplanté qui nécessite d’être à nouveau remplacé. D’où une troisième greffe en 13 mois.

Boostée par la foi de ses proches

"J’ai longtemps été dans un état de sidération, analyse Laurène, dans un autre espace-temps : l’univers aseptisé et hypermédicalisé d’un service de réanimation avec un corps relié à des machines et des compagnons d’infortune fauchés par le malheur ou la mort. Puis je me suis laissée porter par l’amour des miens." Les siens, ce sont ses amis et sa famille qui ne la lâchent pas d’une semelle, lançant une vaste chaîne de prières via un doodle où jours et nuits sont fractionnés en créneaux d’une demi-heure à réserver.

C’est aussi et surtout sa mère qu’elle qualifie mi-reconnaissante mi-amusée de "lionne" : "Quand j’ai appris que je devrais tout réapprendre -la marche, la déglutition, l’écriture, etc- j’ai mesuré l’ampleur du désastre. Maman m’a laissé pleurer trois semaines durant puis elle m’a secouée sans ménagement : "maintenant, t’arrête de pleurnicher, tu reprends ta vie en mains et tu vas la transcender par la force de l’amour et par la prière. "J’étais estomaquée, révoltée".

Un appétit de vivre décuplé

Très vite, la jeune femme se forge un mental d’acier. Après deux années d’hôpital et six mois de réadaptation au monde réel, elle reprend le travail en 2013, dans une grande banque "qui a été vraiment chic avec moi". Si elle se sent "décalée par rapport aux jeunes de son âge", plus centrée sur l’essentiel mais aussi "beaucoup plus fragile et fatigable", elle met tout en œuvre pour retrouver une vie aussi normale que possible : "Quand on a vécu en fauteuil roulant pendant un an ou qu’on a été contraint de ne pas dépasser 50 cl d’eau par jour, marcher ou boire paraît miraculeux, assure Laurène. La banalité me faisait l’effet d’un succulent bonbon !"

Mon histoire, c’est celle d’un désir qui me tient vivante.

Même si son quotidien de polygreffée entraîne de "multiples renoncements", Laurène est décidée à voir la vie du bon côté : "Mon histoire, c’est celle d’un désir qui me tient vivante. Celui d’être heureuse, de savourer chaque petit bonheur, d’aimer et d’être aimée. Sans craindre de vivre ma souffrance jusqu’au bout, de la prendre à bras-le-corps."

Le Christ, trouée dans les ténèbres

Un désir qui se cogne à une nouvelle épreuve en 2019 : sa vue se dégrade subitement et sans discontinuer. Elle passe par des moments "d’angoisse abyssale", mais quand on lui annonce trois ans plus tard qu’elle sera aveugle d’ici 2025, elle revêt illico son armure de battante. Qu’à cela ne tienne ! Elle va voyager jusqu’à plus soif, pour engranger des souvenirs, des images, de la beauté. Elle lance une cagnotte solidaire auprès de famille et amis et part à la conquête du monde : Martinique, Égypte, États-Unis, Hongrie, Norvège, Italie, Israël, Sénégal, Kenya, Jordanie, Espagne… "J’avais comme une urgence à voir, commente Laurène. De fait, j’ai vu des choses inouïes ! Quelle chance j’ai eue de pouvoir donner corps à mes rêves grâce à la générosité des miens."

Laurène lors de son voyage en Égypte.

Depuis peu, Laurène a choisi d’arrêter son travail et de créer "une boîte de conférencière" (sic) pour témoigner de son expérience de résilience et partager avec d’autres ses "techniques de survie ": conférences sur mesure ou sur des thèmes donnés tels "Identité et handicap", "Agir et transformer"… Au-delà de sa nature volontaire et entreprenante, Laurène ne cache pas que c’est sa foi qui la fait tenir : "Mon père était juif, ma mère catholique", confie-t-elle. Élevée dans la religion chrétienne, j’ai toujours gardé un pied dedans, via le scoutisme ou la fréquentation de groupes cathos, mais je n’étais pas habitée par la foi. Jusqu’à ma deuxième greffe cardiaque : là, j’ai ressenti une Présence tellement enveloppante que j’ai eu la certitude de l’existence de Dieu. Je ne me rends pas souvent à la messe, mais je prie tous les jours et lis l’Évangile plusieurs fois par semaine. Ça me nourrit. Et d’ajouter, rieuse : "Avec Béyoncé, mon héros, c’est le Christ !"

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