Trois ans avant son décès, en 2015, Charles Aznavour se disait "areligieux" et confiait avec humour être plus préoccupé par la mort que par son baptême. Baptisé catholique, l’auteur-compositeur-interprète qui aurait fêté son 100e anniversaire cette année, s’était rapproché de l’Église apostolique arménienne dans le courant de sa vie. "Croyant qui doute" de son propre aveu, "Monsieur Aznavour" n’en a pas pour autant écarté le religieux de son répertoire riche de plus de 1.200 chansons. A l’instar des crooners anglo-saxons, la discographie de Charles Aznavour comporte plusieurs titres à l’empreinte résolument chrétienne.
En décembre 1974, il écrit et interprète Hosanna, une "face B" dont le texte résonne comme une ode à la naissance du Christ. "Marie a souffert, Marie a donné/Naissance à minuit sonné/A l’enfant de Dieu/Les hommes l’ont su, ils ont entonné/Un alléluia glorieux/Comme pour remercier les cieux/ Hosanna ! Hosanna ".
Quatre ans plus tard, en 1978, sur une musique de son compositeur fétiche Georges Garvarentz, Aznavour enregistre son propre Ave Maria et le chante en toute solennité dans les émissions de Maritie et Gilbert Carpentier et autres programmes de variétés de l’époque. Le 26 septembre 2001, il livre une prestation mémorable devant saint Jean-Paul II et le patriarche Karékine Ier au mémorial du génocide arménien à Tzitzernakaberd, près d’Erevan. Figurant dans presque tous ses tours de chant depuis 1979, on retiendra aussi l’interprétation de cette vibrante supplique à Marie en décembre 2017, sur la scène de Bercy illuminée pour l’occasion du bleu marial.
Moins connue mais proche de l’oraison une fois encore, Aznavour dédie une chanson au divin, sobrement intitulée Dieu, en 1978. Il chante un homme plaçant humblement son sort tourmenté entre les mains du Seigneur. "Dieu, je ne suis qu'un homme/Dieu, aie pitié de moi/Si c'est ta volonté/Je suis résigné à porter ma croix".
Qu’est-ce qu’un artiste, pris dans le tourbillon du spectacle et de la gloire éphémère pourrait bien dire à Dieu au soir de sa vie ? En 1971, à quarante-sept ans et presque trente ans de carrière, l’auteur d’Emmenez-moi en propose un aperçu dans une chanson aux accents testamentaires, J’ai vécu. "J’ai vécu la vie d’un être/ Qui n’aspirait qu’au bonheur/J’ai vécu jusqu’à m’en déchirer le cœur/ J’ai vécu, mon Dieu, peut-être/ Sans penser à mon salut/Mais sur Terre on m’avait affirmé que tu laissais venir à toi les brebis perdues".
Toujours lucide sur la fugacité de la vie qu’il espérait finir en "croyant aveuglément", Charles Aznavour en aura ainsi dépeint tous les aspects.