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J-44 : La façade de Notre-Dame, un “catéchisme de pierre” sur l’Incarnation

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Les palissades sont progressivement retirées devant la façade de Notre-Dame de Paris, octobre 2024.

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Valdemar de Vaux - publié le 24/10/24
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À quarante-quatre jours de sa réouverture, la cathédrale Notre-Dame de Paris se dévoile peu à peu sous son nouveau jour. Ces jours-ci, les palissades qui s’élevaient sur le parvis sont démontées, permettant de contempler de nouveau toute la façade. Dans la pierre, les architectes et sculpteurs ont voulu magnifier le mystère de l’Incarnation. Explications.

La façade occidentale de Notre-Dame de Paris n’a pas été directement atteinte par l’incendie du 15 avril 2019. Elle n’aura donc pas été rénovée pour la réouverture, en décembre prochain, mais les besoins du chantier l’ont partiellement cachée au regard des badauds durant cinq ans. Ces jours-ci, les palissades qui la voilaient sont peu à peu démontées et laissent revoir cette magnifique fresque de pierre où tout est aussi finement sculpté que symbolique. Comme un livre de théologie ouvert sur la capitale, la façade est une grande explication et une belle méditation sur l’Incarnation, mystère central de la foi chrétienne.

"Le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous" (1,14) dit l’évangéliste saint Jean repris dans la prière de l’Angelus. Architectes et sculpteurs l’illustrent par leur art, comme le détaille le beau livre consacré à l’édifice parisien dans la collection "La grâce d’une cathédrale" publié en 2012 par La Nuée bleue. Jean-Pierre Cartier, cérémoniaire de Notre-Dame depuis plusieurs dizaines d’années y parle d’un "catéchisme de pierre" pour cette partie construite entre 1200 et 1223, qualifiée aussi de "pure création de l’esprit" par Le Corbusier.

La structure généraleDieu vient visiter son peuple

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Façade occidentale de Notre-Dame de Paris.

Large de 41 et haute de 43 mètres (69 pour les tours), la façade occidentale de Notre-Dame est un quasi-carré. Une figure géométrique associée à l’humanité, comme le chiffre quatre des points cardinaux ou des éléments. Ce carré est d’ailleurs appuyé sur quatre contreforts bien ancrés dans la terre qui dessinent trois bandes verticales et trois bandes horizontales. Un "mode ternaire" qui évoque le Dieu trinitaire, également symbolisé par la rosace, au centre de ce carré. Le cercle, figure de l’infini et de la plénitude, est au cœur du carré des hommes. Assurément, Dieu vient visiter son peuple. Quant à l’élévation, notamment des tours, elle conduit le regard vers le ciel : la verticalité est pour Dieu, objet même de cette construction, l’horizontalité pour l’humanité, qui en est l’artisan.

Les trois portailsà l’école de la Vierge Marie

Le regard se porte d’abord en bas de la façade occidentale, constitué de trois immenses portails gothique. Ce "cycle de Marie" sculpté dans la pierre commence au sud (à droite) par le "portail Sainte-Anne" qui développe la conception, l’enfance et le mariage de la Mère de Dieu, fille d’Anne et Joachim, mais aussi les scènes de l’enfance de Jésus narrée par saint Luc (Annonciation, Visitation, Nativité) et l’adoration des Mages de saint Matthieu. Au nord, le "portail de la Vierge" est consacré à la fin de la vie de Marie, avec son assomption et son couronnement. Au centre, le "portail du Jugement" dans lequel le Christ-Roi siège en majesté pour trier les brebis et les boucs (cf. Mt 25,32) n’oublie pas Notre-Dame, qui intercède pour les pécheurs.

La frise des roisla généalogie de Jésus

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La galerie des rois, Notre-Dame de Paris.

Durant la Révolution française, cette partie de la façade a été la plus mutilée. Au-dessus des portails, les architectes ont inséré une frise de vingt-huit statues, non pas des rois de France comme l’ont pensé les révolutionnaires, mais les aïeuls du Christ, rois des royaumes d’Israël et de Juda. Déposées et brisées, leurs morceaux ont pendant plusieurs années jonché le sol du parvis. Elles ont été reconstituées par Viollet-le-Duc, dont les traits ont d’ailleurs été utilisés pour la huitième en partant de la gauche. Reprenant la généalogie de Jésus dans la prologue de l’évangile de Matthieu (1,2-17), cette frise rappelle que Dieu a choisi, en prenant chair de la Vierge Marie, de venir dans le temps. Né du Saint-Esprit, le Christ est aussi pleinement homme, assumant en sa seule personne les deux natures "sans confusion, sans changement, sans division et sans séparation" selon le concile de Chalcédoine (451).

La galerie de la ViergeIncarnation et Rédemption

À l’étage supérieur, celui de la rosace, cinq statues se font plus discrètes. Côté nord, Adam. Côté sud, Ève. Au centre, Marie, entourée de deux anges céroféraires, reçoit la rosace pour auréole. Elle porte dans ses bras le Fils du Père, petit enfant, que saint Paul voit comme un "nouvel Adam" dans sa lettre aux Corinthiens : "L’Écriture dit : Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie." (1Co 15,23) La tradition a, de manière parallèle, qualifié Notre-Dame de "nouvelle Ève". Par Adam et Ève, le péché est entré dans le monde, par la Mère immaculée et le Fils mort et ressuscité, la vie a vaincu. Ainsi la façade fait-elle le lien entre l’Incarnation et la Rédemption : tous les mystères de la foi sont liés.

Les contrefortsl’Église soutient la foi des fidèles

Si les contreforts ont d’abord un intérêt pratique, celui de fortifier l’édifice, ils n’en ont pas moins une signification symbolique. À eux quatre, ils montrent que l’humanité est invitée à s’élever de la terre au ciel. À Notre-Dame, ils ont été habillés de quatre statues, à l’étage inférieur et de gauche à droite : saint Étienne, une allégorie de l’Église, une autre de la Synagogue et saint Denis. La présence de deux martyrs, pour l’un premier diacre et l’autre premier évêque de Paris, rappelle les fondations de l’Église, née du sang et du témoignage des premiers chrétiens. Quant aux deux figures allégoriques, fréquentes dans l’art chrétien, elles ont pu créer l’incompréhension. La Synagogue a les yeux voilés un serpent contrairement à l’Église. Le fidèle qui entre dans l’église est ainsi invité à participer à l’Alliance nouvelle car accomplie définitivement par le Christ mais qui n’abolit pas la première. Le rôle de l’Église est de l’annoncer. Le calice que son allégorie tient dans la main fait référence au sacrifice célébré à l’intérieur et à la parole de Jésus : "Ceci est mon sang, le sang de l’Alliance, versé pour la multitude." (Mc 14,24)

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