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Certains noms traversent les années et les siècles et, auréolés de gloire, sont enseignés comme ceux qui ont fait l’Histoire. D’autres demeurent dans l’ombre, méconnus ou oubliés. Mais leurs actions n’en ont pas moins, pour certains, changé le cours de l’histoire de milliers de personnes. Celui de sœur Cécile Bigo en fait partie. Alors que les banques alimentaires fêtent ce mercredi 16 octobre leur quarantième anniversaire, c’est pour partie à cette religieuse du Sacré-Cœur de Jésus (RSCJ) qu’elles doivent leur existence.
Nous sommes le 13 mars 1984. Sœur Cécile Bigo ne sait plus que faire face à la misère qu’elle voit dans la rue. Comment changer les choses et permettre aux personnes qu’elle croise dans la rue de se nourrir correctement et vivre cette vie debout, à la suite du Christ. Elle décide de prendre la plume en réponse à la révolte qui l’habite et publie une tribune dans le quotidien La Croix. Intitulée "J’ai Faim" elle raconte : "Dans un métro ou dans la rue, je passe devant une personne assise sur le sol. Elle tient sa tête entre ses mains. Elle a écrit sur le sol : ‘J’ai faim’. […] Et si c’était Jésus-Christ, cet homme, cette femme, ce jeune qui dit qu’il a faim ?" Et la religieuse de poursuivre : "L’intelligence de l’homme invente d’aller sur la Lune. Son cœur n’inventera-t-il pas des moyens efficaces pour supprimer le gâchis afin de nourrir toute l’humanité ?"
Cinq organisations chrétiennes
Sa tribune trouve rapidement un écho. Elle touche de nombreuses personnes... dont Bernard Dandrel, futur fondateur des Banques alimentaires. "Je lis l’article de sœur Cécile Bigot et il m’émeut. Il reflète la réalité. Surtout, il va plus loin, puisqu’il propose des idées. Elle écrit : « Quelle est la personne […] qui surgira et qui aura assez d’astuce pour mettre en place, avec d’autres, le procédé de récupération rapide et efficace des aliments, avant qu’ils ne soient embarqués dans les poubelles ?»", se souviendra-t-il dans un livre publié il y a quelques années. Il rappelle également qu'un certain Francis Lopez, Canadien français, écrira également à sœur Cécile à la suite de sa tribune pour lui décrire le modèle des "Food Banks" créées aux États-Unis en 1967.
Ni une ni deux, la religieuse décide de s'adresser directement à différentes organisations pour leur soumettre cette idée. "C’est ainsi que sœur Cécile frappe à ma porte pour me parler de ce projet et me demander ce que j’en pense. Cela m’interpelle, car j’ai lu six mois plus tôt un article paru dans la revue du Secours catholique, Messages, évoquant ces Food Banks. Mais cette information ne donnait pas de réelles explications sur leur fonctionnement", détaille-t-il. "C’est resté vague dans ma tête, mais je me suis quand même interrogé sur ce que l’on pouvait faire. J’oriente aussi Cécile Bigo vers d’autres associations comme Emmaüs, l’Armée du Salut… Avec elle, nous contactons une quarantaine d’associations."
224 millions de repas par an
Au total, cinq organisations chrétiennes, trois catholiques et deux protestantes (le Secours Catholique, Emmaüs, l’association "Entraide Corot" de la paroisse Notre-Dame d’Auteuil, l’Armée du salut et le Centre d’action sociale protestant créent dès le 31 juillet 1984, la Banque Alimentaire de Paris – Île-de-France. Quelques mois plus tard, le 16 octobre 1984, un réseau national des Banques alimentaires est créée. Rapidement d'autres acteurs se mobilisent dont Unigrains, la société financière des céréaliers français, qui propose de fabriquer 1.500 à 2.000 pains pour les banques alimentaires. Aujourd'hui disparue, Vivagel s’engage à fournir 2.000 poissons congelés. Et l’évêché de Créteil met rapidement à disposition une église désaffectée. Dès l’hiver 1984-1985, la première banque alimentaire collecte et redistribue quelque 120 tonnes de produits.
Aujourd’hui, quarante ans plus tard, les 79 Banques alimentaires départementales, réunies au sein de la Fédération Française des Banques Alimentaires, constituent le plus important réseau d’aide alimentaire en France, métropolitaine et ultramarine. Elles accompagnent 2,4 millions de personnes chaque jour et distribuent l’équivalent de 224 millions de repas par an. Un modèle français qui a donné naissance à la Fédération Européenne des Banques Alimentaires qui regroupe aujourd’hui 30 pays à l’échelle du continent.
