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Au Proche-Orient, la guerre n’est pas une guerre de religion

LIBAN-GUERRE-AFP

Un habitant au milieu du quartier de Haret Hreik bombardé par l'armée israélienne dans la banlieue sud de Beyrouth, le 3 octobre 2024.

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Jean-Baptiste Noé - publié le 03/10/24
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Attaques terroristes, élimination des dirigeants ennemis, tirs de missiles… : certains commentateurs présentent la guerre au Proche-Orient comme une guerre de religion. Ce n’est pourtant pas le cas, explique le géopoliticien Jean-Baptiste Noé, les logiques communautaires et sociologiques l’emportant sur la logique religieuse.

L’élimination des dirigeants du Hezbollah ainsi que du chef du Hamas au Liban témoigne des capacités techniques et militaires d’Israël pour frapper ses adversaires à distance et de façon précise. La riposte de l’Iran était inévitable. Mais depuis que durent les conflits au Proche-Orient, une lecture religieuse des antagonismes voudrait en faire une "guerre de religion" dans laquelle l’appartenance religieuse prime sur le reste et serait le moteur de la guerre. Une vision erronée, qui ne correspond pas à la réalité. 

Les visages multiples du Hezbollah

Prenons par exemple le cas du Hezbollah, puissance parmi les belligérants. Fondé en 1982 avec l’aide logistique et financière de l’Iran, le Hezbollah est une milice chiite essentiellement implantée dans le sud du Liban et dans la plaine de la Bekaa. Déterminé à détruire Israël, davantage pour servir la politique iranienne que la cause palestinienne, le Hezbollah s’appuie sur l’islam chiite pour mobiliser ses foules et galvaniser ses affiliés. Mais la dimension religieuse n’est pas la seule. Outre les actions violentes menées depuis sa fondation, comme l’attentat du Drakkar (1983) contre l’armée française (58 parachutistes tués) et le pilonnage incessant du nord d’Israël, le Hezbollah est aussi un mouvement économique et social qui finance des écoles et des hôpitaux et qui fournit du travail à de nombreux Libanais. 

Financé en partie par le trafic de drogue, qui transite notamment par le golfe de Guinée, le Hezbollah a ainsi infiltré l’ensemble du Liban, disposant d’une vitrine politique, avec des élus au Parlement, et d’une imprégnation sociale, notamment dans la population chiite, dont nombreux sont ceux qui vivent de ses subsides. Mais le Hezbollah a aussi été soutenu par des communautés chrétiennes, notamment en 2006 lors des raids menés par Israël, puis en 2013, lors de la guerre en Syrie. La réalité est donc plus complexe qu’une simple lecture opposant les chiites aux sunnites, les musulmans aux chrétiens. 

La religion comme identité

L’appartenance religieuse constitue un pilier essentiel de l’appartenance identitaire. Mais dans les positionnements politiques, ce n’est pas la seule qui est prise en compte. La logique communautaire est structurante, d’autant plus au Liban où l’État est de fait inexistant et impuissant. À quoi s’ajoutent des logiques tribales pour les populations issues du désert, comme en Jordanie, Syrie et Irak, et des logiques à la fois tribales et religieuses pour certaines populations bien spécifiques, comme les Druzes et les Alaouites. Ces dernières se rattachent, de leur point de vue, à l’islam, alors qu’elles sont considérées comme hérétiques par certains musulmans sunnites. En fonction des guerres et des menaces, les différentes communautés peuvent revoir leurs alliances dans le but d’assurer leur sécurité. Ce fut le cas lors de la guerre en Syrie où de nombreux chrétiens ont soutenu le régime d’Assad, estimant qu’il était plus protecteur pour eux que les mouvements djihadistes issus de l’État islamique. 

Des chrétiens divisés

Au Liban, les chrétiens ne forment pas un bloc uniforme rangé derrière une seule bannière. Leur positionnement évolue en fonction de leur situation, à la fois sociologique et politique ainsi que des souvenirs et des rancœurs des guerres passées. Ainsi, le général Michel Aoun, au moment de son élection (2016), était-il soutenu par des chrétiens et des musulmans réunis au sein de l’Alliance du 8-Mars, mouvement pro-syrien qui comprenait la milice chiite Amal, le Hezbollah et le mouvement chrétien maronite Marada. Le chef des Marada, Sleimane Frangié, un temps pressenti pour être un candidat de consensus à la présidentielle libanaise, est allié au Hezbollah et voue une franche détestation au chrétien Samir Geagea, dont la milice avait décimé sa famille pendant la guerre civile.

Les populations chrétiennes les plus pauvres sont celles qui souffrent le plus des opérations militaires.

Plus qu’une structuration par la religion, les relations communautaires sont structurées par la politique et le clan, à quoi s’ajoute une structuration sociologique. Les populations chrétiennes les plus pauvres sont celles qui souffrent le plus des opérations militaires, et donc qui sont le plus enclines à s’allier avec les populations pauvres chiites. Les plus fortunées, qu’elles soient chrétiennes ou musulmanes, ont plus de facilité à se protéger des drames de la guerre, à disposer de relais et de famille à l’étranger pour y envoyer leurs enfants et pour y maintenir leurs activités professionnelles. Là aussi, la dimension religieuse, quoiqu’importante, n’est pas déterminante dans le positionnement politique.

Religieux au service de la paix

En revanche, dans la pacification du Proche-Orient, les chefs religieux ont un rôle crucial à jouer, rôle qu’ils jouent depuis la guerre civile libanaise, notamment les patriarches chrétiens, en contribuant au dialogue et à l’entente entre les différentes communautés. Des religions qui, sans être facteur de guerre, peuvent contribuer à restaurer la paix.

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