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Il y a toujours eu mille raisons pour ne pas avoir ou vouloir d’enfant. Des raisons individuelles, propres à chacun, souvent légitimes et compréhensibles, et du domaine de l’intime. Mais quelque chose a changé, a vrillé, ces dernières années. Aujourd’hui, le refus de l’enfant est brandi en étendard, comme si c’était un idéal politique, un horizon à atteindre, une revendication collective, souhaitable pour tous.
L’enfantement ? Une aliénation
De nombreux facteurs alimentent cette pensée. Le sentiment d’une planète surpeuplée, promise à des catastrophes terribles. Cette conscience que les conditions mêmes de la vie sur terre sont menacées. L’éco-anxiété. La peur de l’avenir. La crainte de manquer. La dégradation des politiques familiales. Mais aussi et surtout, le refus de modifier ses habitudes, son confort, d’engager sa responsabilité. Le magazine Elle titrait il y a peu : un « vent d’hédonisme souffle sur le (non) désir d’enfants des Françaises ». Leur sondage commandé à l’Ifop montrait en effet que parmi celles qui ne souhaitent pas avoir d’enfant, la raison principale concerne l’épanouissement personnel. Autre responsable à ne surtout pas omettre : ce vieux combat féministe qui n’a eu de cesse de présenter l’enfantement comme une aliénation, un asservissement de la femme.
De plus en plus, l’enfant est présenté comme un fardeau, une bouche à nourrir de plus, de trop, un pollueur de plus, de trop. C’est ainsi que le bouillon de culture ambiant de nos sociétés post-modernes angoissées, consuméristes et individualistes a accouché de cette mortifère idée qu’il devient raisonnable de ne plus avoir d’enfants. Et que de toute façon, mieux vaut, même pour lui, qu’il n’existe pas, dans un monde comme celui-là…
Le sens de la vie humaine
Au cœur de ce marasme, des voix se lèvent. En cette rentrée, deux jeunes femmes, philosophes et mamans, nous offrent un sursaut, une analyse éclairante, un condensé de pensées salutaires. Deux livres essentiels, puissants et complémentaires : Naître ou le Néant. Pourquoi faire des enfants en temps d'effondrement ? » (Desclée de Brower) de Marianne Durano, mère de quatre enfants. Et L’enfant est l’avenir de l’homme (Albin Michel) de la journaliste Aziliz Le Corre.
Chacune à sa manière, en explorant les arcanes de cette question aussi vitale que complexe, amoindrit la désespérance ambiante et contribue à réconcilier notre époque avec la vie. Car en filigrane de cette injonction à ne plus accueillir d’enfant — ce serait mieux pour lui —, se tapit cette éternelle question sur le sens même de la vie humaine et le chemin du bonheur. « C’est précisément parce que j’ai des enfants que je ne peux pas faire l’impasse sur cette question, surtout en temps d’effondrement écologique », confie Marianne, décroissante active, qui convoque dans son essai Marx, Rousseau, Aristote, Arendt et Foucault pour nous sauver du non-sens. Maman de quatre enfants, Marianne s’est souvent vu opposer cette prétendue contradiction qu’elle incarne, à savoir parler d’écologie, chercher un mode de vie alternatif tout en mettant au monde « tellement » d’enfants… Son essai répond à cette injonction contemporaine à motiver son désir, ou à justifier son taux de reproduction — trop élevé, ou trop bas, selon les camps —, c’est-à-dire à mesurer la fécondité de son existence. En réalité, « l’engendrement, comme consentement à accueillir en soi un être radicalement nouveau, est l’acte qui déjoue toutes les planifications, tous les calculs d’intérêt et nous contraint à interroger les fondements mêmes de notre existence ».
Maman, moi aussi
Face à tous ces immenses enjeux, Aziliz affirme qu’il est possible de croire que des consciences peuvent s’élever pour empêcher cette fuite en avant destructrice. « En perpétuant la vie, en la prolongeant, mais aussi, en en prenant soin, chacun peut embrasser l’entièreté de sa responsabilité et de sa dignité. » Avec douceur et pertinence, la journaliste nous offre de magnifiques pages sur la maternité, teintées de confidences plus personnelles. « Je suis née femme mais continue de le devenir tout au long de ma vie. La maternité en est certainement l’apogée. […] La grossesse et la maternité ne mentent pas. Elles révèlent au monde aux yeux du monde la singularité de notre nature. »
Chères lectrices d’Aleteia, femmes, mères, grand-mères, avec toutes les difficultés, les angoisses, les efforts, les sacrifices que cela comporte, soyons celles qui réconcilient la société et l’époque avec la maternité, avec la vie. Ayons à cœur de transmettre l’intense fécondité qu’offre l’engendrement à toute une société ! Maman moi aussi, je crois vraiment que l’enfant apprend à ceux qui l’élèvent la joie qu’il y a à transmettre, à passer le relais et même à espérer se faire dépasser. Je pense que l’enfantement porte la société à mesurer que donner la vie offre de découvrir qu’on peut vouloir donner sa vie pour quelque chose qui nous dépasse, quelque chose de plus grand que soi — en l’occurrence plus petit — et que c’est là le plus grand amour qui soit.
L’amour sans conditions
L’amour parental montre une chose au monde : c’est qu’il peut être sans conditions. Un élan de vie profond part de cet amour. L’enfant, tout enfant quel que soit son mode de conception, quand il ouvre les yeux sur le monde, ouvre les yeux du monde sur le nouveau qu’il est, qu’il voit, qu’il va porter et apporter. Sa soif de connaissance et sa capacité intacte d’émerveillement nous redit à sa façon que rien n’est impossible.
« Le miracle qui sauve le monde, écrivait Hannah Arendt, c’est la naissance d’hommes nouveaux, le fait qu’ils commencent à nouveau l’action dont ils sont capables par droit de naissance. Seule l’expérience totale de cette capacité peut octroyer aux affaires humaines la foi et l’espérance. » Marianne conclut ainsi son essai brillant : « Donnons la vie, pour mieux la sauver, et nous aurons au moins cette joie d’avoir habité ce monde en vivants. »
Pratique :
L’enfant est l’avenir de l’homme, Aziliz Le Corre, Albin Michel, 2024, 256 pages, 20 euros.