Cela fait presque cent ans que les habitants de Nagasaki au Japon n’ont pas entendu les cloches de leur cathédrale sonner à l’unisson. La cathédrale d’Urakami doit recevoir en 2025 sa deuxième cloche, 80 ans jour pour jour après le largage de la bombe atomique sur la ville par les Américains. La tragédie, survenue trois jours après le bombardement d’Hiroshima, a causé la mort immédiate de près de 70.000 personnes, dont 8.500 catholiques. Rebâtie en 1959, la cathédrale d’Urakami n'abrite aujourd’hui plus qu’une seule cloche, logée dans la tour nord. Comme un dernier stigmate de la guerre, l’édifice qui symbolise la foi et les souffrances des chrétiens du Japon à travers l'histoire n’avait jamais retrouvé sa deuxième cloche. Jusqu’à la rencontre providentielle entre un chercheur américain et la communauté des catholiques de Nagasaki.
Sociologue dans une prestigieuse université américaine, James Nolan Junior (Jr) découvre en 2012 que son grand-père, le docteur James Nolan, a participé activement au projet Manhattan pendant la Seconde Guerre mondiale. Mené par le physicien Robert Oppenheimer, ce programme a mobilisé des dizaines de chercheurs et de scientifiques pendant plusieurs années pour mettre au point l’arme nucléaire. Obstétricien de renom, James Nolan est l’un des trois médecins en charge du protocole de sécurité sanitaire pendant les essais nucléaires dans le Nouveau-Mexique. Il finit par escorter lui-même la bombe “Fat Man” vers la base américaine de l’île Tinian avant son largage sur Hiroshima. Enfin, il accompagne la première délégation américaine à Nagasaki, un mois après la catastrophe, pour étudier les ravages causés par la bombe A. “Ce qu’ils ont vu était absolument affreux”, raconte à la télévision américaine son petit-fils, qui a pu avoir accès aux photos de Nagasaki prises par son grand-père, dont celles de la cathédrale ravagée.
Un travail de vérité
Bouleversé par ces découvertes, James Nolan Jr part sur les traces de ces médecins américains qui ont étudié les conséquences de la bombe, et dont les résultats ont été volontairement écartés par les autorités. Dans les années qui suivent, le sociologue rencontre les descendants de victimes à Nagasaki et la communauté catholique de la ville. Ses recherches aboutissent à la publication d’un ouvrage sur les problèmes éthiques et médicaux auxquels les médecins ont été confrontés tout au long du développement de la bombe atomique. Au cours de ses recherches, il s'est rapproché de catholiques japonais, qui ont suggéré en mai 2024 de proposer aux catholiques américains de participer au remplacement de leur cloche.
Lui-même profondément croyant, James Nolan Jr. trouve l’idée excellente et s’en fait le porte-voix aux États-Unis. Une nouvelle cloche, entièrement financée par les dons de catholiques américains, a pu être commandée. Fondue en bronze, elle mesure 66 cm de haut, 80 cm de diamètre et pèse environ 340 kg. La cloche devrait être installée d’ici le 9 août 2025, soit 80 ans jour pour jour après le bombardement. Pour la date anniversaire de la tragédie nucléaire, les deux cloches de Nagasaki sonneront de concert, symbole que l’espérance et le désir de paix l’emportent toujours.