Notre-Dame de Liesse, un lien indéfectible entre la France et Malte

Une belle église placée sous le vocable de Notre-Dame de Liesse existe à La Valette, à Malte. Et le rôle de quelques Français n’est pas étranger à la présence de ce sanctuaire situé à plus de 2.500 kilomètres de Notre-Dame de Liesse… remarquable basilique située dans le diocèse de Soissons, dans l’Aisne. En effet, Notre-Dame de Liesse, près de Laon, a longtemps été l’un des principaux sanctuaires mariaux en France, au moins jusqu’au XIXe siècle. Et il n’est guère étonnant que ce soit des chevaliers français de l’Ordre de Saint-Jean de Jérusalem qui aient décidé d’édifier, là, sur cet archipel aux portes de l’Europe, une église en l’honneur de Notre-Dame de Liesse, au XVIIe siècle. 

Le mot « liesse », dérivant du mot latin “lætitia”, signifie joie, jubilation et exaltation. Le mot fait référence à la joie de trois frères chevaliers français libérés de la captivité sarrasine, à la joie d’une princesse musulmane convertie à la foi chrétienne, et à la joie de tous ceux qui ont été bénis et ont reçu des grâces par l’intercession de Notre-dame de Liesse, une Vierge noire. L'histoire de cette dévotion fascinante est une fusion entre une tradition forte et l'histoire des chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean, lorsqu'ils se trouvaient encore en Terre Sainte.

L’émouvante histoire de Notre-Dame de Liesse

En 1134, trois frères chevaliers, issus de la noble maison d’Eppes en Picardie, et partis aider les pèlerins en Terre Sainte, tombent dans une embuscade tendue par des sarrasins, et sont emmenés au Caire devant le sultan d’Égypte. Pour les convertir à l’islam, le souverain leur promet de l’or et des honneurs, mais en vain. Face à l’échec de toutes ces tentatives, il décide de leur envoyer sa fille Ismérie, persuadé que leurs cœurs succomberaient au moins à sa beauté. Ismérie leur rend visite à plusieurs reprises, sans parvenir non plus à les convertir. Au contraire, les chevaliers de l’ordre de Saint-Jean de Jérusalem lui parlent du Dieu des chrétiens et de la Vierge Marie, commençant ainsi à éveiller l’intérêt de la princesse pour la foi chrétienne. Elle leur demande alors une image de la Vierge Marie, mais les chevaliers n'en ont aucune à lui offrir.

D’après la tradition, Ismérie donne alors un morceau de bois et des outils aux trois chevaliers pour qu'ils réalisent une sculpture de Notre-Dame. Malheureusement incapables de travailler le bois, ils commencent à prier, et la nuit, durant leur sommeil, un ange visite leur cellule et transforme le bois en une belle statue de Vierge à l’enfant. Le lendemain matin, la princesse Ismérie trouve la petite effigie miraculeuse et resplendissante de la Vierge Marie près de son lit, ce qui l’encourage à se convertir.

La fille du sultan aide les chevaliers à s'échapper et prend fuite avec eux, emportant la statue miraculeuse. Le voyage est long et périlleux. Épuisée, Ismérie demande à se reposer. Tous les quatre s'endorment et un nouveau miracle se produit : les chevaliers se retrouvent sur leurs terres, en Picardie et s'agenouillent alors pour remercier humblement la Vierge Marie. L’histoire relate d’autres miracles. Sur le chemin, la statue miraculeuse devient trop lourde, à tel point qu’il est impossible de la déplacer : les compagnons comprennent que la Vierge veut que la statue reste à cet endroit, et font ériger une église pour l’accueillir. Au fil des siècles, de très nombreux pèlerins, dont de nombreux rois et reines, s’y sont rendus pour honorer la Vierge noire. La statue miraculeuse a été détruite et brûlée pendant la Révolution française, mais en 1857, une nouvelle statue, contenant les cendres de l’originale, est érigée au-dessus de l’autel principal.

Notre-Dame de Liesse débarque à Malte

La ville de Malte est encore parsemée de bâtiments et d'objets datant de l'époque des Chevaliers de Saint-Jean de Jérusalem, également connus sous le nom de Chevaliers de Malte. Durant les premières années, ils se sont principalement consacrés au renforcement et à la consolidation des fortifications du Grand Port. La Valette a été construite par la suite, après la victoire miraculeuse du Grand Siège de 1565 contre l'Empire ottoman que les Chevaliers et les Maltais avaient vécue ensemble. Puis, les chevaliers ont organisé la ville en fonction de leurs besoins spécifiques. Ils ont construit de nombreux châteaux, plusieurs palais et églises, et ont introduit diverses dévotions, dont celle à Notre-Dame de Liesse. Bien qu'une seule église ait été dédiée à Notre Dame de Liesse, de nombreuses peintures et œuvres d'art maltaises témoignent de cette dévotion : à la Curie, dans des collections privées, ainsi que dans le couvent des Dominicains et dans celui des Frères mineurs franciscains, où un certain nombre de peintures décrivent les événements de l’histoire de Notre Dame de Liesse.

Liesse à Malte

La première église dédiée à Notre-Dame de Liesse à Malte a été construite au début du XVIIe siècle, à la demande des chevaliers français. La première pierre est posée en 1620, au cours d’une cérémonie en présence du grand maître Alof de Wignancourt ainsi que d’autres membres de l’Ordre de Saint-Jean et du clergé. Elle est reconstruite en 1740, puis à nouveau en 1952, à la suite des dégâts causés par un bombardement lors de la Seconde Guerre mondiale.

Cette église a une forme ronde et est ornée de plusieurs piliers, avec un style allant de l'ionique au corinthien. Dans la sacristie, deux inscriptions méritent d'être mentionnées. L'une affirme que Fra Enrico De La Salle, frère de saint Jean-Baptiste De La Salle a établi une fondation pour que chaque mercredi, les Franciscains de Sainte-Marie de Jésus (Ta' Gieżu) célèbrent la Sainte Messe sur l'autel de Notre Dame de Liesse. L'autre inscription indique que ces franciscains sont tenus de chanter le Salve Regina, la litanie de la Vierge Marie et le Je vous salue Marie tous les samedis dans cette même église. Ces prières ne sont plus célébrées dans cette église, mais les Franciscains les accomplissent toujours dans leur couvent. 

À l’intérieur de l’église, dans une petite niche derrière l’autel, on peut admirer une statue de Notre-Dame de Liesse, représentant la Vierge Marie avec Jésus sur ses genoux. Cette statue est d'une grande importance, puisqu'elle est la copie de l’original français ayant été détruite. Un tableau du peintre maltais Enrico Arnaux (1692-1764), se trouve également derrière l’autel. Il représente le moment où l'ange est apparu avec la statue de la Vierge Marie, alors que les trois chevaliers étaient endormis, avec le Christ, sa sainte Mère et d’autres anges contemplant la scène. Au-dessus de l'œuvre se trouve une sculpture représentant l'Esprit saint avec une inscription mentionnant « Tu es la joie d'Israël ». 

Dans l’église, l'autel de droite est dédié à Saint-Maur-Abbé, moine bénédictin de Messine. Le retable serait l'œuvre du célèbre artiste Cassarino. L'autre autel est dédié à saint Louis IX, roi de France. L'autel abrite le corps de saint Generoso, martyr du IVe siècle, ramené de Rome. Outre les retables, cette église abrite d'autres œuvres d'art magnifiques, comme un tableau représentant l'Immaculée Conception et un autre illustrant saint Antoine de Padoue avec saint Jean Baptiste. Une plaque de marbre près de l'autel principal commémore le Comte De Beaujolois, qui était le frère du roi Louis Philippe d’Orléans. Le Comte De Beaujolois meurt à Malte en 1808 et est enterré dans la co-cathédrale Saint-Jean mais, selon son souhait, son cœur fut enterré dans cette église.

Dans l’église se trouve également une peinture de saint Jean-Baptiste de la Salle, réalisée en 1959, car Notre-Dame de Liesse est la patronne des Lasalliens. Le lien entre cette église et la famille de La Salle est également remarquable. Son origine remonte au bienfaiteur qui a couvert les frais de construction de l'église, puisqu’il avait nommé comme exécuteur Fra Enrico de La Salle, membre de l'Ordre. Dans l'église, on trouve également une autre plaque en marbre commémorant un anniversaire de cet Ordre religieux à Malte. 

Notre-Dame de Liesse possède également une statue récente, réalisée par le sculpteur Albert Micallef, de Bormla à Malte. L'effigie a été bénie en 1981 par le recteur, le père Raymond Fenech Gonzi, et a ensuite été transportée en procession de l'église de Ta' Giezu à l'église de Liesse, accompagnée par l'orchestre Stella Maris de Sliema. Il y a quelques années, l'église a fait l'objet de travaux de restauration et de conservation qui lui ont redonné sa gloire d'origine. L'autorité maltaise chargée de l’environnement et de l'aménagement du territoire (MEPA) a classé cette église comme Monument National de Première Catégorie.

L'apostolat de la mer

En 1961, l’église Notre-Dame de Liesse est devenue le siège de l'Apostolatus Maris - l'Apostolat de la mer (en maltais, Apostolat tal-Baħar), une association qui répond aux besoins spirituels des marins. L'Apostolat a été créé en 1944 par le père Giuseppe Scalpello, un franciscain du couvent Sainte-Marie-de-Jésus à La Valette (Ta' Giezu). Le père Giuseppe était l'aumônier du port et le recteur de cette église. Il y a quinze ans, l'archevêque de Malte, Mgr Giuseppi Mercieca, a nommé Mgr Joseph Borg aumônier de l'Apostolat de la mer, poste qu'il occupe toujours. 

Les membres de l'Apostolat de la mer montent toujours à bord des navires pour rendre visite aux marins, mais le travail pastoral a diminué, depuis que les compagnies maritimes utilisent de plus grands navires mais en nombre restreint. De plus, les taxes portuaires ont augmenté et les navires restent moins longtemps dans les ports. En 2016, la maison attenante à l'église a été transformée en un Centre pour les marins, où les marins ayant des problèmes médicaux ou d'autres problèmes particuliers peuvent séjourner jusqu'à ce que leur situation soit résolue. L'hébergement et la nourriture sont gratuits. Outre leur travail local, les aumôniers des associations d'apostolat maritime se réunissent de temps à autre dans le cadre de congrès internationaux, comme celui qui s'est tenu en 2006 en Pologne et auquel des représentants du Vatican ont également participé.

Les messes et la fête 

À l'époque des Chevaliers, la fête de Notre-Dame de Liesse était célébrée le samedi précédant le deuxième dimanche de mai. Jusqu'à récemment, la fête de Notre-Dame de Liesse était assez importante, mais aujourd'hui elle n'est plus célébrée avec la même ferveur qu'auparavant. Pendant la période de la Covid-19, les églises étaient fermées et les fêtes religieuses n'étaient pas célébrées (comme beaucoup d'autres événements et activités). L'église Notre-Dame de Liesse n'a pas échappé à cette règle. Pour cette raison et d'autres encore, le zèle et l'intensité de la fête n'ont plus jamais atteint les niveaux d'avant la période de la Covid. Cependant, la fête est toujours organisée et elle donne l'occasion à de nombreuses personnes de mieux connaître ce trésor de La Valette.

En partenariat avec VisitMalta