Les ex-voto à Malte, des histoires de foi et de gratitude

Offrande présentée à Dieu ou à un saint en remerciement d’une grâce reçue, le mot ex-voto provient de la contraction de l’expression latine ex voto suscepto, ce qui veut dire "à la suite d'un vœu fait". Cette tradition est profondément ancrée dans le christianisme, en France bien entendu, mais aussi à travers le monde. Elle révèle la relation personnelle que peuvent avoir les croyants avec Dieu. Les ex-voto peuvent prendre des formes très différentes, des plus classiques comme une plaque de marbre ou une peinture, à des objets plus ou moins liés à une grâce reçue : des vêtements de bébé, une béquille, des objets liés au monde de la mer, comme des morceaux de voiles ou des cordes. Certains sanctuaires peuvent aussi être édifié comme ex-voto !

Les îles maltaises, en particulier, possèdent une riche tradition en matière d’ex-voto. Ils servent non seulement à remercier personnellement mais aussi à témoigner à l’attention du monde entier de la multitude des grâces que le Seigneur accorde à celui qui le sollicite. Ce qui est significatif à Malte, c’est que de nombreux ex-voto visibles aujourd’hui, notamment des peintures, ont été réalisés par des artistes de renoms, comme l'Italien Mattia Preti (1613-1699) ou le Maltais Anton Inglott (1915-1945). Ces peintures illustrent généralement l’intervention divine ou bien l'intercession de la Vierge Marie, voire celle d’un saint. Aujourd’hui encore, à Malte, de nombreux ex-voto sont réalisés par les Madonnari, le nom donné aux artistes spécialisés dans ce genre. Charge à eux de représenter habilement les grâces reçues par les donateurs.

Les ex-voto dédiés à la Vierge Marie sont les plus nombreux à Malte. En témoignent le nombre d’églises construites sous son vocable ou en son honneur. Songez qu’à Malte, plus de 200 églises, sur les 359 que compte le pays, sont consacrées à la Mère de Dieu. C’est le témoignage très concret de la profonde gratitude et l’inlassable confiance que les Maltais accordent à la Vierge Marie, en particulier dans les épreuves et les crises.

Parmi ces nombreux sites remarquables abritant de vastes collections d’ex-voto, il faut citer le sanctuaire national Madonna Ta' Pinu à Gozo, l’église Notre-Dame de la Miséricorde à Qrendi, le sanctuaire Notre-Dame des Grâces à Żabbar et le sanctuaire national Notre-Dame Mellieħa. Ces sanctuaires attirent de nombreux pèlerins et visiteurs et témoignent de la grande foi du peuple maltais en la Vierge Marie.

Voici quelques exemples d’églises liées à la tradition des ex-voto dans l’archipel maltais :

Le sanctuaire marial national de Mellieħa est le plus ancien sanctuaire marial de Malte. C’est une grotte aménagée qui, selon la tradition, est directement liée à l'introduction du christianisme sur l'archipel après le naufrage de Saint Paul, en 60 après J.-C.. Une tradition vivace à Malte rapporte que cette grotte a été consacrée comme église par des évêques catholiques en route pour le concile de Carthage, en 409. 

La grotte et le sanctuaire actuel, édifié entre le XVIe et XVIIIe, a accueilli de nombreuses personnalités au fil des siècles, dont Jean Paul II en 1990. Selon la légende, l'évangéliste Luc qui accompagnait Paul lors de son naufrage sur l’île, y a peint une fresque pendant son séjour. Elle a été perdue et une icône visible actuellement dans l’église, appelée Théotokos Hodiguitria, celle qui montre le chemin vers le Sauveur, date du XIIe ou XIIIe siècle. 

Pendant le Grand Siège de Malte, en 1565, Don García de Toledo, un général qui a mis en échec les Ottomans, aurait visité le sanctuaire. Plus tard, en 1614, l'église a été à nouveau attaquée par les Ottomans, ce qui a causé des dommages importants aux statues et à la fresque principale. Après l’attaque, le Grand Maître des Hospitaliers de l'ordre de Saint-Jean de Jérusalem de l’époque, Alof de Wignacourt, n’a jamais cessé de visiter régulièrement le sanctuaire, renforçant ainsi la vénération des fidèles. Tant et si bien qu’en 1888, puis en 1949, lors de grandes épidémies, de grands pèlerinages nationaux ont été organisés vers le sanctuaire.

Le site comprend également une chapelle souterraine creusée dans la roche, construite en 1644 par un chrétien venu de Sicile, l'île voisine. Elle abrite une statue de la Vierge à l’Enfant et de nombreux miracles s’y sont produits. Au fil du temps, les pèlerins et croyants ont laissé ici, et dans l’ancien sanctuaire, d’innombrables ex-voto pour remercier la Vierge Marie des grâces reçues.

Les origines du sanctuaire marial national Madonna Ta' Pinu à Gozo sont anciennes. Elles remontent au XVe siècle. C’était initialement une petite chapelle connue sous le nom de Ta' Ġentile, bientôt rebaptisée Ta' Pinu après que Pinu Gauci, personnage incontournable de l’histoire de Malte de la fin du XVIe siècle, officia comme procureur de l’Église. En 1883, cet endroit est devenu célèbre lorsqu’un paysan maltais, Karmni Grima de Għarb, a affirmé avoir entendu une voix mystérieuse l'incitant à prier dans cette chapelle. 

Cet événement, ainsi que des guérisons miraculeuses rapportées plus tard, ont transformé cette modeste chapelle en un important sanctuaire marial. La réputation de Ta' Pinu comme "l'église des miracles" s'est renforcée aussi grâce aux nombreux ex-voto qui décorent les murs du lieu. La première peinture votive remonte à mai 1886, et depuis lors, le sanctuaire est devenu un lieu où de nombreux fidèles viennent exprimer leur gratitude à Notre-Dame de Ta' Pinu pour les innombrables grâces reçues.

La dévotion à Notre-Dame des Grâces, à Żabbar est riche d’une longue histoire. Ce sanctuaire, fondé en 1616, offre au regard une splendide église construite entre 1641 et 1718. Le musée du sanctuaire présente des objets qui retracent l'histoire du lieu, notamment une fresque de Notre-Dame des Grâces du début du XVIe siècle, découverte en 1954. De plus, le musée abrite une importante collection de peintures ex-voto, dont certaines ont été offertes par l’Ordre de Malte. 

La plus ancienne peinture votive maltaise remonte à 1631 et date de la même époque que les premiers ex-voto créés à Naples. Elle fait partie de la collection du musée de Żabbar. Malte possède peut-être des peintures de ce style plus anciennes encore, mais des recherches plus approfondies sont nécessaires. Parmi les pièces exposées figurent une remarquable peinture votive du peintre italien Mattia Preti et de nombreuses autres imaginées par des Madonnari, qui illustrent des scènes maritimes et des miracles. Le plus récent ex-voto maritime, offert en 2012 par Carmen Axiaq, raconte le retour miraculeux de son mari, Mario, après sa disparition en mer.

Le sanctuaire Madone Tal-Ħerba, situé à Birkirkara, a été construit à l’origine sur le site d'une ancienne chapelle au milieu de rochers et de ruines, d’où son nom qui signifie "Madone des ruines". Cependant, l'étymologie du terme "Tal-Ħerba" reste incertaine et pourrait aussi faire référence à une "évasion", possiblement liée à une fuite ottomane. Bien que la date exacte de sa construction soit inconnue, le sanctuaire était déjà un lieu de dévotion mariale notable en 1575. Au fil des siècles, il a été agrandi et modifié à plusieurs reprises.

La peinture principale de ce sanctuaire représente la Vierge Marie tenant l'Enfant Jésus, sa main droite accueillant les âmes du purgatoire. Cette peinture est une copie d'une image plus ancienne qui incluait Saint Joseph, désormais située dans une chapelle latérale. Le sanctuaire est célèbre aussi pour ses nombreux ex-voto, notamment des peintures liées à des incidents maritimes, représentant des scènes de gratitude après des sauvetages miraculeux. Ces offrandes incluent ainsi des cordages de marine ou des médailles militaires, offertes par des marins. 

L'église Notre-Dame de la Miséricorde de Qrendi, aussi appelée Madonna tal-Ħniena se trouve dans le sud de l’île de Malte. Construit sur le site d'une chapelle du XIIIe siècle, le sanctuaire actuel a été édifié dans les années 1650. De récents travaux de restauration ont permis de découvrir les vestiges de la chapelle d'origine. Cette église plus ancienne est mentionnée dans des rapports de visites pastorales datant de 1575 et 1841. Le nom "Miséricorde" attribué à l'édifice pourrait provenir d'une apparition miraculeuse à Savone en 1536.

L’église de Notre-Dame de la Miséricorde est un important lieu de dévotion mariale depuis des siècles, se classant juste après le sanctuaire de Mellieħa en termes de popularité. Elle a gagné une renommée particulière pendant l'épidémie de lèpre de 1676. En 1679, l'évêque Molina l'a désignée comme "Notre-Dame des Grâces", en reconnaissance des nombreuses grâces offertes aux fidèles. En 1695, le pape Innocent XII a même accordé des indulgences aux pèlerins visitant la chapelle, attirant ainsi encore davantage de pèlerins.

L'église abrite de nombreux ex-voto, notamment des peintures qui représentent des naufrages et des guérisons physiques. Des peintures ont été temporairement déplacées pour des travaux de restauration. Elles seront prochainement réinstallées dans l'église.

Légèrement à l'écart, la petite église Santa Marija Tal-Ħlas, située à Qormi, est dédiée à Notre-Dame de l’Assomption, la patronne des îles maltaises. Autrefois, Qormi comptait dix chapelles consacrées à l’Assomption, mais seules cinq subsistent aujourd'hui. Le terme maltais « ħlas » a de multiples significations, comme “enfantement” et “libération”. 

Aujourd’hui, cette chapelle attire beaucoup de futures mamans, qui invoquent la Vierge Marie pour obtenir de l’aide pendant leur accouchement. Les mères viennent aussi présenter des nouveau-nés à la Vierge Marie. Dans le passé, sa position géographique en faisait également un lieu de repos pour les voyageurs se déplaçant entre Vittoriosa et Mdina, ce qui ajoute à son importance historique. 

La sacristie de cette église est remplie d'ex-voto qui témoignent une fois de plus de la confiance du peuple maltais dans le pouvoir d'intercession de la Sainte Vierge. Ils sont actuellement stockés à Qrendi en raison des travaux de restauration qui viennent d’être achevés. Dans cette église aussi, les offrandes comprennent des peintures, mais aussi d’autres objets symbolisant la gratitude pour un bon accouchement, la guérison d'une maladie ou encore la survie après un accident en mer. Certaines peintures votives portent aussi les signatures d'artistes de renom, soulignant la valeur artistique et spirituelle de ces témoignages.

Les Carmes, arrivés à Malte depuis la Sicile en 1418, se sont initialement installés dans une église à Mdina et ont ensuite étendu leur présence à travers l'île. En 1586, l'architecte Gerolamo Cassar construit la première église carmélitaine à La Valette, devenue ensuite un important sanctuaire dédié à Notre-Dame du Mont-Carmel. Le retable de cette église, probablement importé de Sicile, montre Notre-Dame du Mont-Carmel offrant un scapulaire à saint Simon Stock et réconfortant les âmes du purgatoire, avec sainte Agathe également présente.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, cette basilique a été gravement endommagée par des bombardements aériens. Elle a été reconstruite plus tard en un édifice monumental qui domine aujourd'hui le paysage de La Valette. À côté de l'église principale se trouve un oratoire appartenant à la Confrérie de Notre-Dame du Mont-Carmel, qui abrite la première statue de Notre-Dame du Mont-Carmel à Malte. Cette statue a récemment été attribuée au sculpteur Pietro Paolo Troisi (XVIIe siècle). 

Le prieuré de La Valette abrite également une petite peinture de Notre-Dame du Mont-Carmel, appelée Notre-Dame des Malades, qui est utilisée pour bénir et prier pour les malades visités à domicile. Ce sanctuaire est orné de nombreux ex-voto, parmi lesquels des offrandes en argent et d’autres objets, en témoignage des grâces et des miracles attribués à Notre-Dame du Mont-Carmel.

La Sarria de Floriana : située à Floriana, cette église présente un aspect déroutant en forme de rotonde. L’Immaculée Conception de Sarria a été commandée par Fra Martin de Sarria de Navarre, en 1565. L'église actuelle a été reconstruite en réponse à une épidémie dévastatrice de peste qui a causé la mort d'environ 6.700 personnes, l’équivalent de 20% de la population de l'île à l'époque.

Face à cette catastrophe, le Grand Maître Nicola Cotoner et les Chevaliers de l'Ordre de Saint-Jean ont imploré une intervention divine. Suppliant l'Immaculée Conception, ils ont fait le vœu de lui construire et lui dédier une nouvelle église si la peste cessait. Leurs prières ont été entendues car l'épidémie a commencé à diminuer peu de temps après. En 1677, les Chevaliers ont commencé la construction de la nouvelle église pour honorer leur engagement, remplaçant ainsi le modeste édifice original construit un siècle auparavant.

La nouvelle église fut conçue par le célèbre artiste italien Mattia Preti. Il s'agit de la seule église conçue par Preti. Elle présente de nombreux exemples de son travail, notamment une magnifique peinture de l'Immaculée Conception triomphant du mal et de la peste. Cette dévotion à l'Immaculée Conception à Malte précède le dogme officiel proclamé en 1854, indiquant ainsi une vénération de longue date qui remonte aux débuts de l’époque byzantine.

La Madonna taz-Żellieqa : Cette église dédiée à l'Assomption de Notre-Dame se trouve à la périphérie de Għargħur, à Malte. Son nom, "Żellieqa", qui signifie "glissant", provient de l'état primitif de la route qui longe l'église lors de sa construction au XVIème siècle. Une tradition locale raconte qu'une jeune femme du village aurait été guérie d'une maladie grave après une apparition de la Vierge Marie en 1560. En signe de gratitude pour cette guérison miraculeuse, elle entreprit la construction de cette église dédiée à l'Assomption de la Vierge Marie. Bien que le rapport de visite pastorale de Mgr Pietro Dusina en 1575 mentionne cet événement, il ne donne pas le nom de la femme ni la date précise de l'apparition.

L'église originale a finalement été remplacée par une structure plus grande en 1650 en raison de la dévotion croissante de la population locale. En 1950, après la proclamation du Dogme de l'Assomption, l'archevêque Michael Gonzi a permis l'installation de deux tablettes en marbre sur la façade de l'église, commémorant l'événement miraculeux et la dévotion qu'il a inspirée. Les habitants de Għargħur continuent d’entretenir l'église avec beaucoup de respect. Ils y font souvent des vœux et présentent leurs nourrissons, exprimant ainsi leur dévotion spéciale envers Notre-Dame. 

La Madonna ta' l-Isperanza : Située dans la vallée éponyme, près de Mosta, Notre-Dame de Bonne Espérance a une origine singulière intimement associée à un événement miraculeux survenu vers 1750. Une jeune femme, membre d'une famille paysanne, était poursuivie par des corsaires barbares. Boiteuse, elle se réfugie dans une grotte et prie Notre-Dame pour lui demander sa protection, promettant de construire une église si elle était épargnée. Un événement extraordinaire se produit alors : une araignée tisse sa toile à l'entrée de la grotte, trompant les corsaires et leur faisant croire que la grotte était vide.

Les pirates abandonnent leurs recherches et quittent la région. La jeune femme tient sa promesse et fait ériger en 1757 une église au-dessus de la grotte. Depuis lors, l'église est devenue un lieu de pèlerinage où les fidèles viennent chercher guérisons et bénédictions, comme en témoignent les nombreux ex-votos conservés dans la sacristie et la grotte.

Tal-Aħrax à Mellieħa : cette chapelle consacrée à l'Immaculée Conception se trouve sur les falaises pittoresques de tal-Aħrax à Mellieħa. Construite au début du XXe siècle par un pêcheur en reconnaissance à Notre-Dame après un sauvetage miraculeux en mer, elle a entièrement été remaniée dans les années 1960. 

En partenariat avec VisitMalta