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Les écrans, une addiction familiale ?

Mathilde de Robien - publié le 23/07/24 - mis à jour le 11/08/24
Une étude menée pour le gouvernement et publiée fin juillet 2024 dévoile des chiffres phénoménaux sur l’usage des écrans, aussi bien chez les adultes que les adolescents. De quoi remettre en question un usage familial peut-être excessif.

Des usages multiples, des durées impressionnantes, des comportements proches de l’addiction… Le dernier baromètre MILDECA (Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives) sur les usages des écrans publié le 22 juillet dresse un état des lieux des pratiques numériques qui a de quoi interroger. Un quart à un tiers des sondés jugent leurs pratiques des écrans excessives. Les pratiques les plus chronophages sont les jeux vidéo et le visionnage de vidéos : 16% des Français déclarent jouer plus de quatre heures par jour tandis que 11% passent autant de temps quotidiennement à regarder des vidéos.

Une large majorité d’usagers, et notamment les jeunes, ont du mal à décrocher et passent plus de temps que prévu sur leur écran : près d’un sur deux déclare devoir reporter des obligations scolaires, familiales ou professionnelles en raison de leurs activités numériques. Autre tendance marquante du baromètre 2024 : l’exposition aux écrans s’étale tout au long de la journée. En effet, la moitié des personnes interrogées est toujours rivée aux écrans au moment de se coucher, et un tiers des sondés le sont pendant les repas. Si cette omniprésence des écrans est plus répandue chez les jeunes, elle prend de plus en plus d’ampleur chez les seniors.

Un obstacle à des relations familiales de qualité

Adultes comme enfants, nul n'est donc épargné par l’attrait des écrans. Pourtant, d’aucuns sont convaincus qu’un usage excessif altère la communication et fragilise le lien familial. Les études s'accordent à dire que l’usage que font les parents des écrans peut nuire à la relation avec leur enfant, quel que soit son âge. "Les écrans sont presque toujours un amplificateur de problèmes", constate Karine Triot, conseillère conjugale et familiale. Elle évoque le cas d’une famille qu’elle accompagnait depuis plus d'un an, confrontée à des difficultés relationnelles entre les parents et leurs enfants : "Rien de ce que je leur proposais ne fonctionnait vraiment. Un jour, en juillet, je leur ai lancé un défi un peu extrême : "Enlevez tous les écrans de la maison, pendant l'été et on verra après"".

Plus de switch, plus d'ordinateur dans la chambre, plus de console, plus de jeux sur le portable des parents… Juste la télévision, à petite dose, le week-end, avec un programme décidé en famille. "Le résultat a été incroyable !", souligne-t-elle. "Ça allait mieux ! Ils se parlaient ! Les enfants commençaient à obéir à leurs parents, ils n’étaient plus dans la demande permanente de temps d'écran. On a enfin pu travailler sur le fond de leur relation à savoir comment ils s'aimaient." Une anecdote qui prouve combien les écrans peuvent faire obstacle à la qualité des relations intra-familiales.

L’exigence de l'exemplarité

L’usage que les parents font des écrans donne le ton à toute la famille. Il sera difficile d’exiger un usage modéré de la part de son enfant si on a soi-même du mal à se déconnecter. À l’inverse, un usage modéré démontre qu’il est possible de s’en détacher et que l’essentiel se passe ailleurs que sur les écrans. L’exemplarité est ainsi un premier pas pour inculquer à son enfant un bon usage des écrans. Cela suppose d’une part d’en être convaincu et d’autre part de s’interroger sur sa propre utilisation : combien de temps par jour ? En présence des enfants ou non ? Est-ce que cela empiète sur mes obligations familiales ? Est-ce que je pose mon téléphone quand mon enfant me parle ?

Ensuite, limiter le temps et l’accès aux écrans sont les solutions les plus efficaces pour en cadrer l’usage. Pour les adultes, le mode avion durant certaines phases de la journée semble être le moyen privilégié pour échapper aux sollicitations incessantes. Certains ont aussi pour habitude de déposer leur smartphone dans un panier spécifique pour s’en tenir éloignés lorsqu’ils sont chez eux.

Des outils pour préserver des moments d'échanges

Pour les enfants, le psychiatre Serge Tisseron fournit, avec la règle des 3-6-9-12, des balises claires, articulées autour des quatre étapes essentielles de la vie d’un enfant, pour limiter l’usage des écrans : pas d’écran avant 3 ans, pas de console de jeu avant 6 ans, pas d’Internet avant 9 ans, pas d’Internet seul avant 12 ans. Et pour les enfants de 9 à 12 ans, Serge Tisseron préconise d’encourager l’enfant à gérer son temps d’écran, en l’invitant notamment à utiliser un "carnet du temps d’écran". Le psychiatre conseille également de retarder le plus longtemps possible le moment d’acheter un téléphone mobile à son enfant, et de préférer un appareil aux fonctions limitées.

Une autre méthode, appelée la méthode des "4 pas", élaborée par Sabine Duflo, psychologue clinicienne et thérapeute familiale, permet de fixer des règles précises pour limiter les temps d’écrans : pas d’écran le matin, pas d’écran pendant les repas, pas d’écran avant de s’endormir, pas d’écran dans la chambre. Une méthode qui s’applique finalement aussi bien aux enfants qu’aux adultes et qu’il n’est pas superflu de rappeler ou d’afficher ! L'enjeu n'est pas nécessairement de bannir les écrans de la maison mais d'en limiter l'usage, et de s'accorder, entre membres d'une même famille, sur le temps qu'on veut bien leur accorder afin de préserver des lieux où peuvent se vivre la joie, le dialogue et l'amour.

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