La réforme liturgique de Vatican II a donné lieu à la mise en place d’un nouveau missel, dont l’édition actuelle est celle de 2002. La messe rénovée, si elle comporte des éléments de rupture avec les rites anciens et sous-tend une théologie conforme aux textes du concile œcuménique, n’est pourtant étrangère à la manière antique de prier de l’Eglise romaine.
Contrairement à ce que l’on pense souvent, le latin, le chant grégorien et l’orientation – c’est-à-dire – le prêtre tourné vers l’orient ou l’autel – ne sont pas des spécificités de la messe tridentine. Ces trois aspects demeurent, même si l’habitude ou l’idéologie les ont parfois oubliés. Il suffit pour s’en convaincre de relire la constitution Sacrosanctum concilium sur la liturgie votée par les pères en 1963.
Pour spécifier davantage la liturgie tridentine, trois éléments semblent plus déterminants : la sacralité, le sens du sacrifice et l’importance du corps. Pour le premier, et même si le mot est souvent galvaudé, la messe dite selon le missel de 1962 met particulièrement en avant la distance entre les hommes et Dieu, la transcendance du Créateur. Par exemple, toute la prière eucharistique est dite en silence. Autre expression de cette sacralité, le prêtre agit bien in persona Christi, de sorte que certaines parties de la messe sont "doublées" (le Confiteor, la communion…), le célébrant précédant les fidèles. D’autres, au contraire, sont accomplies seulement par le prêtre pendant que les fidèles chantent ou prient. Sa place de médiateur est alors mieux manifestée : il est le lien entre le ciel et la terre. Cependant, pour permettre que sa personnalité ne fasse pas écran, le missel détaille précisément tous les gestes et attitudes du prêtre qui est d’ailleurs tourné vers l’autel, laissant peu de place à l’improvisation.
Actualisation du sacrifice du Christ
Plus théologiquement, la messe tridentine est d’abord l’actualisation du sacrifice du Christ avant d’être l’expression de la communion ecclésiale. Dans son vocabulaire, en particulier dans les prières de l’offertoire (dites tout bas par le prêtre), les textes mettent en avant l’action salvifique du Fils de Dieu. C’est par la Croix que nous sommes sauvés, et chaque messe réalise ce salut. De cette compréhension découle la nécessité de dire la messe dès qu’il est possible, mission propre des prêtres qui ne concélèbrent pas. De cette compréhension découle aussi la structure de la messe, dont le centre est vraiment la prière eucharistique, l’offrande de Jésus. Les éléments qui précèdent préparent l’assemblée et le prêtre : les prières au bas de l’autel et le confiteor rendent dignes de s’approcher du Seigneur, la Parole de Dieu donne du sens au Verbe présent ensuite dans le pain eucharistique. Le début de la messe s’appelle d’ailleurs "liturgie des catéchumènes", ce qui montre la focalisation sur le sacrifice, après lequel les fidèles sont vite envoyés dans le monde "ite, missa est".
Enfin, la messe dite de saint Pie V laisse une large part au corps et aux symboles. Le prêtre fait de nombreux gestes (souvent des signes de croix), en particulier durant l’offertoire et la prière eucharistique. Quant aux fidèles, ils sont souvent à genoux : pendant la préparation pénitentielle, durant tout le canon romain, pour communier, lorsqu’ils sont bénis à la fin de la messe…
De manière plus précise, il existe d’autres différences entre la messe rénovée et la messe traditionnelle. Le calendrier liturgique n’est pas le même et davantage de saints sont honorés, la Parole de Dieu se concentre sur une lecture et une répartition qui favorise la mémoire des textes les plus significatifs de l'Écriture. Plus codifié, le rite romain sous sa forme ancienne est aussi moins variable et donc moins subjectif.