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Législatives : “Le vote des catholiques s’est fragmenté et radicalisé”

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Agnès Pinard Legry - publié le 04/07/24
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À l’approche du second tour des législatives, les opinions se cristallisent pour beaucoup de catholiques. "Le vote des catholiques s’est fragmenté depuis 1970", décrit pour Aleteia le sociologue Philippe Portier, spécialiste des laïcités et directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études. "Mais il s’est également radicalisé."

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Les conversations et discussion autour des élections législatives ces derniers jours sèment le doute autant qu’elles peuvent cristalliser des oppositions. Et en particulier chez les catholiques. Alors que le premier tour des élections législatives le 30 juin a placé le Rassemblement national (RN) en tête avec 29,5% des voix suivie du Nouveau Front Populaire (NFP) avec 27,99%, Ensemble à un peu plus de 20% et Les Républicains (LR) à 6,57%, le vote des catholiques semble lui aussi avoir muté. « Le catholicisme n’est plus unifié politiquement depuis plusieurs décennies », souligne auprès d’Aleteia Philippe Portier, sociologue spécialiste des laïcités et directeur d'études à l'École Pratique des Hautes Études. Entretien.

Aleteia : Un sondage réalisé par l’Ifop et La Croix au lendemain des des élections européennes a montré que les catholiques pratiquants, réputés politiquement modérés, s'étaient plus volontiers tournés vers des listes radicales. Cette tendance peut-elle être confirmée pour les législatives, élection cette fois-ci locale, et tout particulièrement au second tour qui verra de nombreux affrontements entre le RN et le NFP ?
Philippe Portier :
Il n’y a aucune raison que les choses changent. Longtemps, les catholiques pratiquants se sont montrés très réticents à l’égard de l’extrême-droite, sauf la petite minorité des traditionalistes. On voit depuis les régionales de 2015 une évolution en la matière, confirmée par toutes les élections ultérieures. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, Marine Le Pen et Éric Zemmour représentent ensemble 30,4% dans l’électorat dans son ensemble. Chez les catholiques, 37% leur ont accordé leurs suffrages, et chez les catholiques pratiquants, 36%. Les sans religion n'étaient que 24% dans cette situation. Emmanuel Macron s'était néanmoins maintenu dans leurs rangs, avec cependant une petite dépression du côté des pratiquants réguliers qui étaient un moins nombreux que la moyenne des Français à lui accorder leurs suffrages (25% contre 27,5%). Aux élections européennes de 2024, cela s’est confirmé. Reconquête et le RN cumulent 37% des suffrages ; ils agrègent 43% des catholiques, et 44% chez les pratiquants réguliers... contre seulement 30% chez les sans religion. Les structures de vote me semblent suffisamment stabilisées pour qu’elles se pérennisent lors du deuxième tour des législatives.

Il reste encore chez les catholiques un électorat modéré, attaché à une droite classique gaulliste, libérale ou démocrate-chrétienne.

Certains catholiques évoquent des cas de conscience pour ce second tour… Comment l’expliquez-vous ?
Il reste encore chez les catholiques un électorat modéré, attaché à une droite classique gaulliste, libérale ou démocrate-chrétienne. Valérie Hayer et François-Xavier Bellamy ont rassemblé 26% des catholiques, 26% chez les pratiquants contre 21% dans la population globale. Ceux-là se défient du nationalisme de repli, sans pour autant se retrouver dans la pensée conflictuelle, très redistributrice et parfois anti-européenne de certaines composantes du NFP. Cela est classique dans ce type d’électorat. On le voyait déjà dans les études électorales des années soixante, comme celle de Guy Michelat et Michel Simon. 

Selon vous, le vote des catholiques s’est-il radicalisé ou simplement fragmenté ces dernières années ?
Il s’est fragmenté déjà dans les années 1970. On voit s’affirmer alors au sein des catholiques pratiquants une proportion non négligeable d’électeurs de gauche, autour de 20%. Les choses demeurent aujourd’hui. La gauche aux européennes rassemblent 20% des catholiques et 28% des catholiques pratiquants réguliers. Le catholicisme n’est plus unifié politiquement depuis plusieurs décennies. Il s’est également radicalisé. On vient de le voir pour l’extrême droite. Cela tient essentiellement à deux facteurs. Dans l’ordre religieux, les catholiques modérés ont souvent mal transmis leur foi à leurs enfants. Demeurent au sein de l’Église – et donc dans la catégorie statistique des catholiques – de plus fortes cohortes de croyants traditionnels, qui, eux, ont transmis leurs systèmes de valeurs. Dans l’ordre politique, la droite s’est rangée du côté d’un libéralisme moral qui ne plait pas aux fidèles traditionnels. Le passage à l’extrême droite est d’autant plus aisé que le RN tient un discours bien moins radical que le Front national en son temps. On notera cependant que chez les catholiques pratiquants réguliers, le vote mélenchoniste est important, bien que moins net que dans la population générale. C’est un effet de la thématique sociale et hospitalière à l’égard des immigrés à laquelle est attachée toute une partie de la gauche chrétienne.  

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