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Élisabeth du Portugal, la reine qui dilapidait le trésor royal pour une bonne raison

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Élisabeth du Portugal.

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Anne Bernet - publié le 03/07/24
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Épouse malheureuse, la reine Élisabeth du Portugal résista à toutes les pressions et à toutes les tentations pour réserver sa fortune aux plus pauvres. L’Église fête sa mémoire le 4 juillet.

Dès sa naissance, en 1271, l’on prédit à la fille de Pierre III d’Aragon et Constance de Sicile un avenir heureux. Sa venue au monde n’a-t-elle pas réconcilié son père et son aïeul brouillés de longue date ? Elle reçoit au baptême le prénom de sa grand-tante, Élisabeth de Hongrie, ce qui marque l’attachement de sa famille à la spiritualité franciscaine chère à l’infortunée princesse de Thuringe devenue sa patronne. Et c’est davantage en future moniale qu’en future reine qu’Élisabeth est élevée. On loue sa piété, sa charité, son humilité, son amour de la solitude, de la prière, du jeûne, son horreur des plaisirs du monde. Si tout réussit à l’Aragon, il se dit qu’on le doit aux continuelles mortifications de la princesse. 

Publiquement bafouée

Pourtant, ce n’est pas au cloître que ses parents la destinent et elle épouse, pour raisons politiques, le roi du Portugal, Denis, ami des joies charnelles et des jolies femmes, qui, très vite, s’ennuie à périr près de son épouse. Certes, Élisabeth remplit à la perfection les devoirs de sa charge, surtout s’ils ont trait aux œuvres de charité, à la prière mais comment trouver de l’agrément à partager la vie d’une compagne enfermée dans son oratoire, où elle pleure continuellement, car elle a reçu le don des larmes, brode des ornements d’église, jeûne au pain sec et à l’eau à longueur d’année, plombant l’ambiance des festins de cour… Ayant assuré l’avenir de la dynastie en lui donnant un fils, Alphonse, et une fille, future reine de Castille, il semble qu’Élisabeth — chose peu fréquente en ces temps de haute mortalité infantile — ait renoncé à partager le lit conjugal, de sorte que Denis va chercher ailleurs ses satisfactions. 

Publiquement bafouée, la reine supporte sans une plainte les maîtresses royales et leur ribambelle de bâtards, les élève comme s’ils étaient siens. Cette attitude agace le souverain auquel une mauvaise langue glisse que l’éloignement de sa femme tient à de secrètes amours avec un jeune et beau gentilhomme de sa suite. Pour absurdes que soient ces allégations, elles offusquent Denis qui décide, sans autre forme de procès, de se débarrasser du prétendu rival. Cruellement de surcroît… 

Le protégé de la reine

Un jour que le roi chasse, il voit des ouvriers à des fours à chaux. Il les appelle, les avertit que, le lendemain, un page leur demandera s’ils ont fait ce qu’il voulait ; à ces mots, ils s’empareront du garçon, et le jetteront tout vif dans leur four, puis enverront prévenir qu’ils ont obéi. Le lendemain à l’aube, Denis expédie l’amant supposé d’Élisabeth aux fours à chaux, mais personne ne revient l’informer de la mort du malheureux. Les heures passant, il expédie le calomniateur s’assurer de l’exécution de ses ordres. Par une confusion prévisible, les chaux fourniers assassins prennent le second gentilhomme pour celui qu’ils doivent occire et lui font subir le sort destiné à la victime de ses médisances. Sur ce, le protégé de la reine rentre au palais, sain et sauf et, devant les questions stupéfaites du roi, explique être entré dans une église pour ouïr la messe, mais, deux autres prêtres ayant commencé tour à tour à célébrer la leur, n’avoir pas voulu faire offense au saint sacrifice en s’en allant, de sorte qu’il a entendu trois messes d’affilée. 

Sa piété lui a sauvé la vie, en même temps qu’elle éclaire Denis sur les raisons de l’amitié d’Élisabeth pour lui : leur bigoterie commune!

Sa piété lui a sauvé la vie, en même temps qu’elle éclaire Denis sur les raisons de l’amitié d’Élisabeth pour lui : leur bigoterie commune ! S’il ne soupçonne plus sa femme de le tromper, d’autant que sa réputation de sainteté se répand, allant jusqu’à lui prêter des dons de thaumaturge, avérés d’ailleurs, elle n’en continue pas moins à l’exaspérer et tout est prétexte à la quereller, à commencer par l’excès de ses charités. 

Une générosité inépuisable

Les injustices paternelles envers sa mère sont-elles l’une des causes de la révolte de leur fils le prince Alphonse ? Peut-être puisque Denis, indifférent aux efforts de sa femme pour les réconcilier, accuse Élisabeth d’avoir monté son fils unique contre lui et favorisé sa rébellion, l’exile et la fait enfermer, privée de la jouissance de ses biens. Ses proches l’adjurent d’en appeler au peuple et aux grands d’une telle injustice mais Élisabeth déclare qu’elle abandonne ses intérêts "à la divine Providence et à Dieu seul qui saura bien prouver son innocence". Redoutant un soulèvement des Portugais en faveur du prince héritier, Denis se résout à rappeler la reine à Lisbonne, où elle reprend ses bonnes œuvres, se ruinant à bâtir églises, hospices, asiles, hôpitaux et soutenir monastères et couvents pauvres. 

Le 6 janvier 1325, au terme d’une longue maladie durant laquelle elle l’a soigné et sans cesse incité à faire pénitence, Denis s’éteint. Libérée des liens du mariage, après un temps de deuil convenable passé en macérations et douzaines de messes pour le soulagement de l’âme de son époux, Élisabeth décide de se retirer chez les clarisses de Coïmbra, mais doit y renoncer car son retrait de la vie publique laisserait sans soutien ses pauvres et fondations. Il lui faudra se contenter de devenir tertiaire franciscaine. Avoir conservé sa fortune lui permet, lors d’une terrible famine qui frappe Coïmbra, de pourvoir aux besoins de la population. À son économe qui veut freiner ses largesses, elle déclare, impérieuse : "Croyez-vous donc que Dieu nous abandonnera quand nous employons tout notre bien à secourir notre prochain ? Jésus a défendu de se préoccuper du lendemain. Mettez votre confiance en Dieu et n’épargnez nullement mes trésors !"

Au service de la paix

S’il lui arrive de revenir aux affaires publiques, c’est afin de conseiller, apaiser les querelles, régler les différends entre puissants, s’affirmant l’une des meilleures pacificatrices de son temps. C’est d’ailleurs en se rendant, en plein été, à Estremoz, empêcher une guerre entre son fils et son petit-fils, Alphonse XI de Castille, qu’elle contracte la fièvre qui l’emporte le 4 juillet 1336, à l’âge que ses contemporains déclareront fort avancé de 64 ans…

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