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“J’avais 7 ans sous les bombes du Débarquement et je n’ai pas eu peur”

Jean-Jacques-Chatel

Jean-Jacques Chatel

Jean-Jacques avec son grand-père et son oncle. Tous trois tiennent par la bride des chevaux qui ont tous été tués le jour du Débarquement.

Bénédicte de Saint-Germain - publié le 05/06/24

Pendant la Seconde Guerre mondiale, Jean-Jacques Chatel habite avec sa famille à Longues-sur-mer, un village situé au bord de la mer dans le Calvados. La maison familiale est à 300 mètres d’une batterie allemande de quatre canons pointés vers la mer. Dans la nuit du 5 au 6 juin 1944, les armées alliées déferlent sur la côte normande. À l’heure des célébrations du 80e anniversaire du Débarquement, Jean-Jacques se souvient très bien de cette nuit terrible. Nous l’avons rencontré.

À 87 ans, Jean-Jacques Chatel habite avec sa femme une belle maison de Longues-sur-mer, celle où il dormait quand le Débarquement a commencé dans la nuit du 5 au 6 juin 1944. À cette époque, il a sept ans. Élevé au milieu d’adultes, il se décrit comme un petit garçon raisonnable et au courant de tout. Pourtant, avoue-t-il : “Mon enfance se passe dans une ambiance tendue : ma mère perd son frère à Dunkerque le 1er juin 1940, mon père est prisonnier de guerre et les Allemands occupent le village. Mais je me sens en sécurité grâce à mes grands-parents qui m’entourent et qui m’aiment.”

Quand son père revient de captivité fin 1943 pour cause de maladie, la petite famille s’installe dans le village. Quelques mois plus tard, début juin, le bruit court que quelque chose d’important va se passer. Jean-Jacques se souvient que l’école ferme, que quelques bombes explosent ici ou là et que “beaucoup d’avions nous survolent.”. Les rumeurs sont suffisamment inquiétantes pour que le lundi 5 juin, sa famille décide d’aller dormir 150 mètres plus loin dans les terres, dans la maison de vacances des grands-parents. “Je m’installe avec mon grand-père, ma petite-sœur avec ma grand-mère et tout le monde essaie de dormir.” Mais vers 22 h 30-23 h, de gros bombardements se produisent. “Quand nous avons ouvert la fenêtre, je me souviens d’une forte odeur de poudre et d’un ciel tout illuminé.”

Une fuite vers Bayeux en pleine nuit

Il est décidément trop risqué de rester. Le danger est trop grand. Il faut partir plus loin encore, dans une autre maison. Tout le monde s’en va, sauf le grand-père qui garde son petit-fils auprès de lui. Le petit lui fait entièrement confiance : “Il est l’homme de ma vie” ! Mais dix minutes plus tard, Jean-Jacques Chatel s’en souvient avec précision, sa maman revient le chercher et dit : “Papa, si tu veux faire l’imbécile, tu le feras tout seul !”. Elle somme son fils de s’habiller en vitesse mais impossible de trouver ses chaussures ! Arrivés là-bas, les bombardements s’intensifient : “Nous nous réfugions tous sous la table de la cuisine, avec mon grand-père qui a fini par nous rejoindre.” Une bombe explose dans le jardin, tuant une dizaine de petits veaux. 

À 4-5 heures du matin, il faut fuir vers Bayeux, qui est à 6,5 km à l’intérieur des terres. L’enfant est toujours en chaussettes. On lui met de l’herbe dedans pour ne pas qu’il n’ait trop mal aux pieds. Mais l’heure n’est pas à la promenade :

Nous sautons de haie en haie pour échapper à la vue des chasseurs alliés qui nous traquent. On y voit comme en plein jour. Je sens que mes parents et mes grands-parents ne sont pas fiers, mais ils m’entourent de leur affection et me rassurent : “ça va tomber à côté !” Effectivement, un chapelet de bombes tombe sur une haie parallèle et je vois tous les arbres sauter comme des fétus de paille. Je trouve le bruit formidable et je suis si rassuré et aimé que je n’ai pas peur.

Saine et sauve, la famille atteint Bayeux où elle trouve refuge chez des amis. Les Allemands ont quitté la ville dès le 6 juin et tout est calme pendant deux-trois jours jusqu’à l’arrivée massive de réfugiés et de blessés. En effet, si certains villages ou villes côtiers ont pu être très tôt libérés, il n’en est pas de même à l’arrière où la bataille fait rage, entraînant son lot de victimes militaires et civiles. Attentif, le petit garçon observe : “Je me souviens des cars dont les sièges ont été enlevés pour déposer les civières à même le plancher. Les vitres latérales sont cassées pour mettre d’autres civières en travers. Les blessés et les réfugiés sont accueillis partout : dans les écoles, les églises, l’hôpital, la clinique…”

La nuit, nous descendons à la cave car des avions allemands passent au-dessus de la ville.

 Nuit et jour, des véhicules circulent, car Bayeux est un point stratégique par lequel passent toutes les forces et le matériel débarqués sur les plages (le port artificiel d’Arromanches ne sera opérationnel qu’à partir du 19 juin). En raison de la bataille toute proche, Jean-Jacques se souvient que “la nuit, nous descendons à la cave car des avions allemands passent au-dessus de la ville”.

Quelques jours après le Débarquement, Jean-Jacques revient à Longues-sur-Mer avec son père. La maison familiale est alors occupée par des Anglais. “Nous allons voir la mer : elle est couverte de bateaux. C’est fantastique !” s’émerveille l’enfant. Mais le village a perdu sept de ses habitants : une famille décimée alors qu’elle se cachait dans un fossé et trois grabataires qui n’ont pu s’enfuir. Le secteur étant trop incertain, la famille déménage à Bayeux où les enfants iront à l’école. Jean-Jacques Chatel ne reviendra s’installer dans la maison familiale qu’avec sa femme, à la retraite.

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