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Le projet de loi sur la fin de vie pourrait-il être pire après son passage en commission ? Il semblerait bien que oui. La commission spéciale de l’Assemblée nationale s’est réunie du 13 au 17 mai afin d’examiner les quelque 1.900 amendements déposés sur le texte du gouvernement. C'est ce texte amendé et largement remanié par les 71 membres de la commission qui va être soumis à l'ensemble des députés à partir du 27 mai. Amendé, le texte apparaît encore plus glaçant que la proposition du gouvernement.
Une aide à mourir dans des maisons de soins
Nouvelles structures médico-sociales créées par le projet de loi, les "maisons d’accompagnement" doivent, en principe, proposer une prise en charge pluridisciplinaire, en dehors des murs de l’hôpital, pour accueillir et accompagner les personnes en fin de vie et leur entourage. Le groupe Les Républicains a d’abord présenté le 14 mai des amendements de suppression de l’article au titre d’un risque de "dilution" des moyens dans la mesure où les unités de soins palliatifs (USP) manquent déjà au sein des structures médicalisées.
Qu’à cela ne tienne, la ministre de la Santé, Catherine Vautrin, a répondu qu’il s’agissait d’une approche "complémentaire" et ne devaient en aucun cas se substituer à ces unités. Quand soudain, interrogée par la député Annie Genevard (LR), la ministre de la Santé a fini par reconnaître que "oui, l’aide à mourir pourra être réalisée dans les maisons d’accompagnement". Un aveu qui n’a pas manqué de faire réagir des députés, certains allant jusqu’à définir ces structures comme des "maisons de la mort".
Euthanasie ou suicide assisté au choix
Le texte initial du projet de loi prévoyait la possibilité de pratiquer suicide assisté avec une exception d'euthanasie pour les personnes incapables de l'exécuter elles-mêmes. Cependant, un amendement (CS977) adopté par la commission permet désormais aux patients de choisir librement entre l'euthanasie et le suicide assisté, l'argument mis en avant étant que cette décision doit revenir au patient plutôt qu'être conditionnée par le type de maladie qui affecte la personne. Cette modification transforme l'euthanasie en un choix plutôt qu'une exception.
Vers l'euthanasie de personnes inconscientes ?
Les députés se sont penchés sur les directives anticipées. L’amendement porté par Raphaël Gérard (Renaissance) visant à proposer à la personne de rédiger ou réviser ses directives anticipées à l’occasion de l’élaboration du plan personnalisé d’accompagnement a été adopté. Mais au fil des discussions, un amendement on ne peut plus inquiétant (CS993, Frédérique Meunier, LR) ainsi qu’un sous-amendement (CS1990, Elise Leboucher, LFI- Nupes) ont introduit la possibilité de demander une "aide à mourir" dans ses directives anticipées, "lorsque la situation ne permet pas une expression réitérée en pleine conscience" et quand "la personne perd conscience de manière irréversible". En résumé, si la personne l’a mentionné dans ses directives anticipées, elle pourra être euthanasiée si elle remplit les critères pour accéder à l’aide à mourir même si elle trouve inconsciente.
Disparition de la notion de pronostic vital engagé
C’est peut-être là que se trouve le plus odieux basculement. Jeudi 16 mai, le critère selon lequel les malades doivent avoir leur "pronostic vital engagé à court ou moyen terme" pour être éligible à l’aide à mourir a été supprimé car jugé trop flou. La notion de "phase avancée ou terminale", supprimant au passage celle de "pronostic vital engagé" (amendements CS659 et CS1558) a été retenue à la place. "Le patient peut souhaiter, dès lors qu’il se trouve frappé d’une affection grave et incurable, ne pas connaître les affres de la maladie, même si son pronostic vital n’est pas directement engagé", ont souligné plusieurs députés socialistes dans l’exposé des motifs de leur amendement. Outre le fait d'être atteint d'une "affection grave et incurable en phase avancée ou terminale", les patients devront pour être éligibles être majeurs, aptes à manifester leur volonté de manière libre et éclairée, et présenter une souffrance réfractaire aux traitements ou insupportable.
"On n’est plus du tout dans la même loi (…) Ce n’est pas l’équilibre de la loi qui a été souhaitée", a regretté la présidente de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi relatif à l’accompagnement des malades et de la fin de vie, Agnès Firmin Le Bodo, qui a participé à la rédaction du projet de loi lorsqu’elle était ministre. "On va au-delà du cadre !", a vivement dénoncé Patrick Hetzel (LR) tandis qu’Annie Genevard a partagé sa "sidération" de voir sauter un "verrou essentiel".
Délai de réflexion et délit d'entrave
Le délai de 48 heures de réflexion du patient avant d’accéder à l’aide à mourir a lui aussi été assoupli. Les députés ont proposé qu’il puisse être abrégé sur avis du médecin si ce dernier estime "que cela est de nature à préserver la dignité de ce dernier telle que celui-ci la conçoit" (CS1278).
La commission a également voté un amendement de la députée LFI Caroline Fiat instaurant un délit d'entrave sur le "droit à mourir" comme il en existe un pour l'IVG. "Est puni d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende le fait d’empêcher ou de tenter d’empêcher de pratiquer ou de s’informer sur l’aide à mourir par tout moyen", peut-on lire dans l'amendement (CS1980). Le texte sera désormais débattu dans l’hémicycle à partir du 27 mai.