Elles habitent désormais les vitrines des musées des Arts et Traditions populaires de Bretagne, d’Auxerre ou de Nevers. Ces vierges de faïence, souvent polychromes, aux détails délicats ou grossièrement travaillées, sont les reliquats discrets de cette tradition d’une autre époque que notre époque a oubliée.
C’est au cœur d’une Bretagne encore très pieuse, à Quimper, célèbre pour ses faïenceries, que cette tradition voit le jour avant de s’exporter à Auxerre et à Nevers. Objets de dévotion populaire, on les trouvait souvent dans les maisons du XVIIIème au XIXème siècle, particulièrement au sein des foyers des jeunes familles. Lorsque l’accouchement devenait imminent, la Vierge d’accouchée était présentée au chevet de la jeune mère : on disposait dans la cavité de sa couronne un cierge qui devait se consumer jusqu’à la naissance de l’enfant. Sa fonction était aussi d’ordre pratique puisque le cierge, en brûlant, indiquait la durée dite “normale” d’un accouchement. La naissance se faisait alors systématiquement au sein du foyer, tandis que les femmes expérimentées, voisines ou parentes, assistaient la jeune mère. La famille ainsi rassemblée unissait ses prières pour implorer la Bonne Mère, patronne des femmes qui accouchent, et la prier d’accorder sa protection à la parturiente.
Des objets de dévotion privée
Si l’on reconnaît les Vierges quimpéroises à l’usage du bleu et du jaune, propres à la Bretagne, l’apparition du vert est propre aux Vierges nivernaises et les décors réalisés à l’éponge, à celles d’Auxerre. Sur le socle de la statuette, une inscription nomme la Vierge qu’elle représente : “Ste Vierge”, “Notre Dame de Grâce”, "p.p.n." (priez pour nous) ou “Av. M” (pour Ave Maria). Conçues sur un même modèle, les vierges d’accouchées sont des petites statuettes de faïence de 20 à 50 cm à l’effigie de la Sainte Vierge qui portent toutes une couronne évidée. Elles présentent, dans leurs bras ou sur leurs genoux, l'Enfant Jésus. La palette utilisée, elle, varie peu : le jaune, manifestant l’or de la royauté, orne la couronne tandis que le bleu, couleur de la sainte Mère de Dieu, prédomine son vêtement et sa robe, parfois parsemée de fleurs. Les habits du divin Enfant, qu’elle porte presque toujours de son bras gauche, répondent quant à eux par leurs couleurs à ceux de sa mère. La peau de Jésus et de Marie est laissée immaculée, de la couleur blanche de la faïence. La palette, restreinte, est propre aux faïences de grand feu puisque la cuisson à haute température ne permet pas d’obtenir une palette plus riche : les rouges, les roses et les ors n’y résistent pas.
Présentes dans tous les foyers, on les rangeait quand elles n’étaient pas utilisées, sur la cheminée, dans des niches à Vierge en bois ou des oratoires où l’on plaçait aussi souvent la couronne de la mariée pour manifester le passage de la fille à l’épouse et de l’épouse à la mère. Si la tradition s’est perdue et que désormais, les Vierges d’accouchée ornent les vitrines des musées, elle rappelle que Marie est là et qu’elle veille sur les accouchements et les petits enfants, impatiente de répandre ses grâces pour qui veut bien les lui demander.
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