Après l'inscription dans la Constitution de "la liberté garantie à la femme d'avoir recours à une interruption volontaire de grossesse (IVG)" votée le 4 mars 2024, des voix se sont élevées, notamment chez des élus de La France Insoumise (LFI) et d'Europe Écologie-les Verts (EELV), pour réclamer la suppression de la double clause de conscience, spécifique à l’IVG et établie par la loi Veil. Interrogée à ce sujet sur France 2, le jeudi 7 mars, Catherine Vautrin, la ministre du Travail et de la Santé, a néanmoins affirmé, "je ne toucherai pas à la clause de conscience des médecins", précisant que les médecins pouvaient toujours orienter leurs patientes vers un autre praticien.
Pour mémoire, la première clause inscrite dans le code de déontologie des médecins stipule qu’un praticien "a le droit de refuser des soins pour des raisons personnelles ou professionnelles". Celle établie par la loi Veil permet aux médecins, sages-femmes et infirmiers de refuser de pratiquer une IVG pour des raisons morales ou religieuses. C’est ce principe de "double clause de conscience" que LFI souhaiterait supprimer.
Catherine Vautrin a indiqué vouloir plutôt élargir le nombre de médecins qui peuvent pratiquer les avortements en revalorisant l'acte, rappelant également le rôle des sages femmes qui, à partir de mars 2024, pourront pratiquer l’IVG instrumentale en plus de l’IVG médicamenteuse qu’elles réalisaient déjà. Par son affirmation, la ministre de la santé appuie les propos déjà tenus quelques jours plus tôt par le ministre de la justice, Éric Dupond-Moretti qui, le dimanche 3 avril, la veille du vote au Congrès à Versailles, assurait également que cette constitutionnalisation ne rendait absolument pas caduque la clause de conscience des professionnels de santé. "Le médecin qui ne voudra pas [pratiquer une IVG] aura évidemment le droit et la liberté de ne pas vouloir. On ne va pas violer les consciences. Et ça, c’est d’ores et déjà garanti par la Constitution", indiquait-il alors sur Radio J. Deux ministres qui confirment une position déjà rappelé par le Comité consultatif national d’éthique, dans son avis du 8 décembre 2020, qui se prononçait déjà pour le maintien de cette double clause de conscience, indiquant que son caractère consacre "la singularité de l’acte médical que représente l’IVG", validant cependant le passage de 12 à 14 semaines pour pratiquer un avortement.
L'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ?
De quoi être rassuré ? Reste à avoir jusqu’où iront les symboles après une nouvelle journée de célébration, ce vendredi 8 mars, place Vendôme à Paris, où le ministre de la Justice a apposé, "en grande pompe", le sceau de la République, sur la nouvelle loi inscrite dans la Constitution. À l’occasion de ce nouveau rassemblement républicain, Emmanuel Macron a pris avec emphase la parole, martelant, "nous mènerons ce combat sur notre continent, où les forces réactionnaires s’en prennent d’abord au droit des femmes, avant de s’en prendre à celui des minorités", avant d’affirmer vouloir à présent l’inscription de l’IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
Une nouvelle annonce qui a notamment réjouit Mathilde Panot, des LFI , s’exprimant sur BFM quelques minutes après la cérémonie. "Je suis heureuse qu'Emmanuel Macron soit favorable à l'inscription de l'IVG dans la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne", ajoutant "c’est l’une des prochaines batailles qui nous attend au côté de l’abolition de la double clause de conscience et de la réouverture des centres IVG". La double clause de conscience est donc toujours d’actualité et il semble que les députés insoumis ne soient pas prêts d’abandonner leur "nouveau combat". Un combat qui pourrait aussi être juridique puisque la liberté de conscience est reconnue comme principe fondamental dans la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen (art 10), et que le respect de la vie humaine est une norme supranationale, protégée par la Convention européenne des droits de l’homme (art 2).