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"Plus on est de fous, plus on rit", dit le proverbe. Et l’on pourrait ajouter, plus on est de fous, plus on prie. Régulièrement, le Pape lance des appels aux chrétiens du monde entier, pour les inviter à prier pour la paix, notamment en Terre sainte et en Ukraine actuellement. Régulièrement aussi, des chaînes de prière se créent, au sein d’une famille, d’une paroisse ou d’une communauté, pour confier un membre malade ou en détresse. Mais le fait d’être nombreux à prier pour une cause a-t-il une importance ? Jésus n’a-t-il pas dit : "Si deux d’entre vous sur la terre se mettent d’accord pour demander quoi que ce soit, ils l’obtiendront de mon Père qui est aux cieux. En effet, quand deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis là, au milieu d’eux." (Mt 18, 19-20) ? Alors pourquoi prier à plusieurs, si deux ou trois personnes suffisent ?
Dieu est attentif à chacune de ses créatures et à leurs prières, à condition qu'elles soient faites avec foi. Le nombre de personnes qui prient pour une cause ne semble donc pas avoir d’importance aux yeux de Dieu. Il est présent, à l'écoute, même si nous sommes retirés tout seuls dans une chambre. "Le nombre ne va pas augmenter l'efficacité de la prière, ce n'est pas mécanique", souligne frère Antoine, chanoine à l'abbaye de Lagrasse. "Néanmoins, plus il y a de personnes qui exercent la charité, plus cela peut avoir un impact sur l'efficacité de la prière. Il y a bien un lien entre la proximité avec Dieu, à travers l'exercice de la charité, et le fait que nos prières soient entendues. Les grands saints le montrent bien : certains ont obtenu des miracles de leur vivant et leur proximité avec le Seigneur n'y est pas étrangère, bien que cela ne soit pas automatique." En d'autres termes, plus on est nombreux, plus la charité est présente, active, plus on se rapproche du cœur de Dieu.
En plus de faciliter le chemin vers Dieu, le nombre crée une communauté de priants. Ce qui est beau et bon dans une chaîne de prière, c’est qu'elle favorise une communion spirituelle entre les personnes qui prient pour une même cause. Une communion voulue par Dieu. En effet, en proposant de commencer la prière que Jésus a enseignée à ses disciples par "Notre Père" - et non par "Mon Père" -, le Seigneur invite à ce mouvement de communion entre les croyants. Prier ensemble, c'est s'approcher de cette harmonie voulue par Dieu. C'est toucher du bout des lèvres "le monde de Dieu", ce "monde dans lequel chacun se sent responsable de l’autre, du bien de l’autre", disait le pape François lors de la veillée de prière pour la paix en Syrie le 7 septembre 2013. Il exhortait à être le gardien de son frère : "Être une personne humaine signifie être gardiens les uns des autres". Prier pour son prochain, pour son frère en humanité, en est une manière.
"Un déploiement du mystère de la communion des saints"
Faire monter ensemble vers Dieu une intention particulière fait d'une communauté des frères. Cela relie les uns aux autres, c’est d’ailleurs une des étymologies du mot religion (religare, lier, attacher). Jacques Gauthier, théologien et chroniqueur pour Aleteia, souligne en ce sens l'aspect communautaire des chaînes de prière, en les définissant comme "un déploiement du mystère de la communion des saints qu’est l’Église, communauté de baptisés qui s’en remettent au Christ ressuscité".
En revanche, il s’agit de bien distinguer les chaînes de prière qui réunissent des croyants pour une demande concrète et réelle des messages fallacieux qui circulent sur Internet selon lesquels on ne doit pas briser la chaîne au risque de ne pas être exaucé. Il s’agit là de pure superstition. Car la prière n’impose pas de conditions. Au contraire, la prière est totalement libre. Elle invite à s’abandonner en toute confiance à la bonté et à la miséricorde de Dieu. En demandant une faveur, on ose l’espérance, comme Jésus nous y exhorte : "Demandez, on vous donnera ; cherchez, vous trouverez ; frappez, on vous ouvrira. En effet, quiconque demande reçoit ; qui cherche trouve ; à qui frappe, on ouvrira" (Lc 11, 9-10).